Le Monde - 22.02.2020

(John Hannent) #1
La centrale de
Fessenheim est
implantée depuis 1977
au bord du grand canal
d’Alsace, qui l’alimente
en eau de
refroidissement.

GÉNÉRATION 1977.
La centrale nucléaire de
Fessenheim est la première cen­
trale nucléaire basée sur la tech­
nologie REP (réacteur à eau pres­
surisée) à avoir été construite en
France. Elle a été raccordée au
réseau en 1977 et produit en
moyenne 11 milliards de kWh par
an, soit 70 % de la consommation
d’électricité en Alsace. Elle est
implantée en bordure du grand
canal d’Alsace (parallèle au Rhin),
à proximité immédiate de la plus
puissante centrale hydro­
électrique du Rhin, ce qui lui
garantit une alimentation élec­
trique en cas de problème.
Contrairement à la plupart des
centrales nucléaires, elle
est dépourvue de tours de
refroidissement : le débit en eau
élevé du grand canal a permis de
s’en passer.


LE 22 FÉVRIER, LE RÉACTEUR N^0 1
DE LA CENTRALE NUCLÉAIRE DE
FESSENHEIM, LA PLUS ANCIENNE
ENCORE EN SERVICE EN FRANCE,
A ÉTÉ MIS À L’ARRÊT. LE 30 JUIN,
CE SERA AU TOUR DU N^0 2,
CONCRÉTISANT LE DÉBUT
DU DÉMANTÈLEMENT DU SITE
ALSACIEN.


47° 54’ 10’’ N


7° 33’ 46’’ E


C'EST LÀ QUE ÇA SE PASSE


Texte Nathalie STEY


LA MANNE ATOMIQUE.
Posé au milieu des champs de
maïs, le village de Fessenheim
compte aujourd’hui 2 4 34 habi­
tants. La localité agricole a été
profondément bouleversée par
l’arrivée de la centrale nucléaire
qui a fait doubler sa population
en une dizaine d’années. Les
employés du site et leurs familles
représentent aujourd’hui plus de
20 % des Fessenheimois. EDF a
d’ailleurs construit sa propre
mini­cité à proximité de la cen­
trale. Le village est aussi le ber­
ceau de la famille de Victor
Schœlcher, journaliste et homme
politique à l’origine de l’abolition
de l’esclavage de 1848. La manne
liée au secteur de l’énergie a per­
mis à la municipalité d’ouvrir un
musée consacré à son grand
homme.

UNE TRANSITION DÉLICATE.
La centrale nucléaire représente
quelque 2 000 emplois, dont
850 salariés EDF et 344 sous­
traitants. Elle contribue aussi à la
fiscalité locale pour 45,2 millions
d’euros, dont 1,9 de taxe foncière.
Pour compenser ces pertes, un
« projet d’avenir » a été élaboré
par les acteurs locaux, épaulé à
hauteur de 30 millions par l’État,
tandis qu’EDF s’est engagé à
investir dans un centre de déman­
tèlement. Mais les opérations de
reconversion tardent à se concré­
tiser. Le technocentre envisagé
par EDF, par exemple, pourrait ne
jamais voir le jour, du fait de l’op­
position de l’Allemagne. Face
à ces difficultés, l’annonce de
l’État d’indemniser EDF à hauteur
de 400 millions d’euros pour la
fermeture de la centrale passe
mal chez les élus.

SOUS L’ŒIL DES VOISINS.
Située à proximité des frontières
allemande et suisse, la centrale de
Fessenheim a fait depuis sa
construction l’objet d’une attention
soutenue de la part de nos voisins.
Ce sont ainsi des médias alle­
mands qui, en 2016, signalent
l’usage, deux années auparavant,
d’eau borée pour arrêter en
urgence le cœur du réacteur, alors
que seul un incident de niveau 1
avait été détecté. Et c’est une
députée allemande qui rend
publique, en 2018, la liste des
17 « événements précurseurs »
(conduisant à un accroissement
du risque de fusion) signalés entre
2003 et 2014. La question n’a
jamais été évoquée par les pou­
voirs publics français, mais les
représentants tant du land de
Bade­Wurtemberg que du canton
de Bâle­Ville ont longtemps
réclamé l’arrêt de Fessenheim.  Didier Marc/ABACA
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