Dossier Apoptose

(Vadim Doro1J7ucA) #1

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— Très peu. Farniente et festivals d’été. À propos on a découvert
un petit village d’à peine 200 habitants où depuis dix ans, en août, ont
lieu trois jours consacrés à l’opérette.

Elle s’arrêta un instant, on apportait les magrets de canard aux cèpes.

— C’était très sympa. Vers 19 h 30 ils servent un repas
campagnard : Deux longues tables avec des bancs sont disposées
dans un pré, pendant que des amateurs viennent se placer à côté d’un
piano interpréter des airs célèbres. L’ambiance est très bon enfant.
Vient chanter qui veut!
Après le dîner, le piano est transporté au pied d’une scène au
rideau rudimentaire. Environ 150 chaises sont rangées devant. Des
grands arbres supportent les projecteurs. Pas de micros, pas de sono.
Ce soir-là ils jouaient deux œuvres d’André Messager créées à
Paris en 1917, en pleine première guerre mondiale.

— C’était assez grivois! Le trio classique mari-femme-amant
avec quelques détails croustillants! fi t remarquer Philippe

— C’était le style de l’époque, on plaisantait pour se distraire des
angoisses de la guerre. La musique était légère, presque primesautière.

— Justement! Ma chérie, j’ai trouvé le style choquant alors
qu’au même moment, de pauvres poilus étaient déchiquetés dans les
tranchés à 150 kilomètres de là.

Alain était plutôt d’accord avec son ami :
— Ça me rappelle une lettre de mon arrière-grand-père à son épouse
en 1916, écrite depuis le front, que mon père avait précieusement
gardée et m’avait lue. J’avais 20 ans mais je me souviens encore des
mots qui m’avaient marqué : « Alors que tant d’hommes tombent, il y
a encore des gens qui ne se passeront pas d’un petit agrément, d’un

— Il faudrait demander à un avocat. Je ne crois pas que ce soit
prévu dans les textes. Il y a peut-être une jurisprudence là-dessus. Je
n’en sais rien! Mais parlons d’autre chose. Tu sais que l’asso « Notre
France » vient d’être dissoute?

— Oui, j’ai reçu le courrier, comme toi je suppose. Ordre venu
directement du ministère de l’Intérieur. Je le sais par une connaissance
bien placée. « Activités subversives mettant en danger la sécurité
publique ». C’est la raison officielle. Tous les comptes rendus de
séances ont été saisis. Interdiction de réunions et de publications sur
tout support.

— Dommage! C’était encore un des rares endroits où on pouvait
s’exprimer librement!

— Avec précautions tout de même! N’oublie pas les risques de
délation pour propos « racistes » tenus en privé que la législation
pénalise. Il suffit d’une parole malheureuse, d’un trait d’humour mal
compris pour se retrouver inquiété. Il n’y a plus que dans le cercle
restreint de la famille où des amis comme nous que l’on peut encore
dire le fond de sa pensée.

Suzanne commençait à trouver que, pour un dîner entre amis, la
conversation n’était guère distrayante. Elle leur coupa la parole en se
tournant vers Claudine :

— Qu’avez-vous fait cet été? Vous êtes retournés sur le Golfe du
Morbihan?

— Deux semaines seulement.

— Vous avez navigué un peu?
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