Dossier Apoptose

(Vadim Doro1J7ucA) #1

1 2 3 4 5 6 7 8 9


10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
32
33


1 2 3 4 5 6 7 8 9

10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
32
33

L’APOPTOSE


Le soleil commençait à réchauffer les hauteurs de Chermignon.
Sierre était encore nappé dans une couche de brume. Alain apportait
le petit déjeuner sur la terrasse, Suzanne l’attendait en contemplant
les sommets alpins qui commençaient à se teinter de rose pâle. Ils
allaient bientôt s’allumer de blancheur éclatante les uns après les
autres. On apercevait dans le Sud-Est les hautes cimes qui atteignaient
les 4 500 m : La pointe Burnaby, le Weisshorn.

Cinq ans déjà qu’ils avaient trouvé refuge dans le Valais Suisse.
Vivre à Paris était devenu insupportable. Ils se sentaient surveillés en
permanence. Les voisins les dédaignaient. Les collègues de l’hôpital
avaient rompu les ponts. Les quelques amis proches étaient occupés
à leurs affaires et les visitaient peu.

Grâce à Hervé Bonpaim et à Le Cohadec, Joubert avait été
embauché par une entreprise pharmaceutique à Sion.

Malgré ses références, son admission n’avait pas été facile. Le DRH
de la boîte avait émis un avis défavorable. À son arrivée, le professeur
était encore marqué au fer rouge par les scandales qui venaient de
secouer le landernau Européen. Sur l’insistance du manager qui
savait la valeur de l’immunologiste, le jeune chef du personnel avait
plié mais il avait imposé dans le contrat une clause interdisant au
médecin tout contact avec les médias. L’accord prévoyait également
que toutes ses publications devaient être contrôlées avant envoi

Ce que Joubert redoutait était maintenant réalité. Ce coup dur avait
consumé ses dernières forces. Il ne pouvait plus lutter. Son groupe de
soutien jetait l’éponge. Les médias le traînaient dans la boue.

Quelle naïveté d’avoir cru être en mesure de déstabiliser le
système! Il valait mieux tout abandonner y compris les conférences!
La « régulation démographique » contrôlée était donc inéluctable! Ainsi
le sort de ses concitoyens amorphes semblait scellé. Au moins, il
avait la maigre satisfaction d’avoir fait ce qu’il pouvait et il n’avait
pas trahi ses convictions.

Il ne se supportait plus dans son appartement dévasté, Il se retira
chez Suzanne. Christine l’avait appelé depuis Hong Kong. Elle avait
vu les titres dans les journaux français vendus là-bas. Mais, il était
tellement accaparé par cette affaire qu’il n’avait pas remarqué son
appel. Il lui envoya un message pour l’informer de l’issue favorable
de l’instruction. Elle répondit par un smiley bisou, sans plus. Andrew
n’avait pas donné signe de vie. Il ne devait pas être au courant. Il était
vrai que les Américains ne s’occupaient guère de ce qui se passait à
l’étranger sauf quand il s’agissait d’y porter la guerre.

Alain pensait souvent à eux, si loin. Sur son cahier, il avait marqué :

« Enfants »

Aimer des enfants qui ne font guère cas de votre affection c’est
comme jeter son amour dans le vide. Sacrifier tout pour eux et leur
descendance vaut-il la peine de gaspiller autant d’énergie?

Triste février! Il pleuvait sur Paris...
Free download pdf