Dossier Apoptose

(Vadim Doro1J7ucA) #1

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Le reporter se consacrait maintenant à d’autres domaines moins
« dangereux ». Il donnait des cours dans des écoles de journalisme
entre deux reportages à l’étranger.
Dans ses exposés, il essayait de faire passer à ses étudiants l’idée
qu’il devait y avoir de l’analyse dans la rédaction d’un article, qu’il
ne s’agissait pas de rapporter simplement les faits. Alain se souvenait
de leur dialogue sur ce sujet :
— Lucas! Toute l’équivoque vient de là! Écrire un article qui
va éclairer le lecteur. Oui! Mais tout dépend de l’éclairage. Rendre
compte des faits et livrer une synthèse, c’est déjà de la propagande
dans le choix du sujet d’abord et dans la rédaction ensuite.

— Il faudrait juste se contenter de rapporter les faits crus, sans
autres commentaires?

— Oui! Dans l’absolu, ce serait au lecteur de faire appel à son
sens critique, à sa culture personnelle, pour déterminer par lui-même
quoi penser.

— On en est loin mon cher ami! C’est illusoire!

Là-dessus, ils savaient tous les deux à quoi s’en tenir. Ils avaient
grand plaisir à discuter ainsi mais ses passages étaient toujours courts
et Alain le regrettait.

Le soleil était maintenant haut sur l’horizon et il commençait à
faire chaud. Pendant qu’il lisait la presse locale, Suzanne consultait
pour la vingtième fois le document pédagogique de l’année en cours
édité par l’institut spécialisé qui avait accepté Cédric en demi-
pension. C’était à Visp, une bourgade à 40 kilomètres vers l’Est
dans la vallée, 35 minutes par l’autoroute. L’effectif était limité à
trente pensionnaires ou demi-pensionnaires pour assurer un suivi
personnalisé à chacun. Depuis qu’il y était rentré Cédric avait encore

aux revues spécialisées. Précautions bien superflues car Alain évitait
soigneusement la presse et les comités de lecture n’acceptaient plus
ses papiers.

D’ailleurs on ne lui avait pas attribué un statut de chercheur.
Son rôle était de concevoir les process de l’unité Suisse du groupe
mais les décisions étaient du ressort de la seule direction. Cela lui
convenait parfaitement. Il avait perdu beaucoup de forces dans sa
croisade et n’était plus en mesure de faire des journées de 14 heures.
Les locaux se trouvaient entre l’aéroport et la gare, emplacement
idéal pour les expéditions à l’export. C’était à 25 minutes de leur
chalet en prenant l’autoroute du Rhône. Il ne venait que trois jours
par semaine car il pouvait faire beaucoup de choses chez lui grâce
à l’informatique.

Avec sa compagne ils s’étaient peu à peu habitués à ce nouveau
rythme. L’endroit était calme, ils avaient une vue splendide et, alors
que la vallée était souvent prise par les nuages, l’altitude du lieu leur
permettait d’avoir très souvent d’un ciel dégagé.

Il passait de longs moments sur leur terrasse quand le temps
le permettait. Il lisait beaucoup les journaux ou consultait les
nouvelles sur Internet. Bien qu’il ait complètement abandonné
la lutte, il n’en restait pas moins attentif aux indicateurs
démographiques et sociaux qu’il pouvait trouver et il essayait de
recouper les informations pour en retirer quelques enseignements.

Lucas venait de temps en temps. À chaque passage, il lui
apportait de la documentation sur les pyramides des âges pays par
pays et c’était toujours un plaisir de discuter avec lui. Les deux
hommes, opiniâtres chacun à leur façon, n’avaient pas renoncé à
surveiller les évolutions des populations. Ils se sentaient liés par
cette connivence tacite.
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