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33Il relisait pour la énième fois La princesse septembre de Somerset
Maugham. Cette petite nouvelle pleine d’humour et de poésie résumait
tout ce qui comptait pour lui en dehors de ses chères recherches. Il
y retrouvait une profonde humanité, la même que celle des écrits de
Saint-Exupéry quelques dizaines d’années plus tard. Pérennité des
valeurs bien oubliées maintenant.Au bout de sa lecture, il posa le livre et contempla longtemps le
paysage comme il aimait le faire depuis qu’ils avaient « jeté l’ancre »
ici.Suzanne s’approcha en lui mettant la main sur l’épaule :— Tu as lu Le Nouvelliste d’aujourd’hui?
— Non, pourquoi?— Regarde ce titre en troisième page :
« Mort inexpliquée d’un homme de 45 ans ; L’épidémie des
“Quadra” apparue depuis un an en Europe gagne-t-elle la Suisse? »,
ils rapportent le décès d’un homme de quarante ans à Brig. Il a été
transféré à la morgue de l’hôpital de Sion. Tu as des connaissances
là-bas. Tu pourrais peut-être voir le rapport d’autopsie?— Tu as raison, je vais essayer!Joubert mit à profit de descendre à Sion au siège de sa société pour
appeler le médecin légiste de l’hôpital. Il avait d’excellents rapports
avec quelques collègues Suisses.Le lendemain, avant de remonter chez lui, il fit un crochet par
l’institut médico-légal. Le Docteur Schlesser l’accueillit amicalement :— Dans la saisine du conseil d’éthique, on avait bien insisté sur
cet aspect des risques! Souviens-toi!— On ne peut plus rien faire. Dieu seul sait comment ça va
évoluer, mais je crains le pire! Tu sais : La spirale du pire! Je crois
que nous y sommes...— Ça me rappelle un journal « people » que j’ai parcouru dans la
salle d’attente du dentiste, la semaine dernière. Il y avait des photos
d’un directeur d’une société internationale de grands magasins. Il
fêtait ses 96 ans. Il paraissait en avoir 65. Il y avait plusieurs pages sur
d’autres personnages du même acabit, grands propriétaires fonciers,
gérant de banques internationales, anciens ministres, chefs d’État.
Tous plus de 90 ans et tous en pleine forme!
Je me souviens : la conclusion du torchon, c’était « Le travail c’est
la santé »!— On en a déjà parlé, ma chérie, ils croient en l’immortalité
et s’approprient toutes les techniques qui pourraient leur garantir
l’éternité. Quelle vanité imbécile! Ils sont incapables de voir la
catastrophe qui vient.***L’été avait été très chaud et Alain supportait mal la chaleur. La
fraîcheur des jours d’octobre était bienvenue. Suzy trouvait qu’il
avait maigri. Les vacances auraient dû lui permettre de retrouver de
l’allant, mais il rechignait de plus en plus pour marcher, à son grand
regret, elle qui adorait les promenades en montagne. Elle le regardait
lire dans son fauteuil face à la vallée qui s’offrait à eux avec toute sa
lumière et ses senteurs.