Dossier Apoptose

(Vadim Doro1J7ucA) #1

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Pour Suzanne son travail passait avant tout, comme pour beaucoup
d’étudiants qui poussent leurs études jusqu’au doctorat.
Elle s’était mariée à 30 ans, Cédric était né 4 ans après. Le diagnostic
précoce in utero de son anomalie génétique fut un choc. Après une
difficile réflexion avec le gynéco et son mari, ils avaient
décidé de mener la grossesse à son terme. Le corps médical leur avait
expliqué les désordres du mongolisme et, vu son âge, il y avait peu de
chance d’essayer une autre gestation. Alors ils s’étaient raccrochés à
l’espoir que Cédric serait peu atteint. Ce fut le cas. L’enfant se développa
bien physiquement mais il nécessitait une débauche d’attention et de
tendresse pour compenser le défi cit mental. Ils frappèrent à toutes les
portes des organismes en charge des aides sociales ; Jusqu’à solliciter
des rendez-vous à des « présidents » de conseil général, de centre de
sécurité sociale. Malgré quelques promesses ils n’obtinrent jamais
la moindre pension, la moindre aide ménagère, sous prétexte que les
revenus du couple étaient supérieurs aux critères administratifs.
Au fur et à mesure de sa croissance, Suzanne n’accepta jamais de
l’interner dans un établissement spécialisé. Elle pensait que c’était le
condamner à une régression. En s’occupant de lui en dehors de ses
heures de travail, elle agissait en complément de ce que faisait Cédric
avec les enseignants. Il progressait ainsi régulièrement. Il apprenait
à ranger ses vêtements, faire sa toilette seul. La lecture et le langage
s’amélioraient.

Concilier l’activité professionnelle et la disponibilité pour Cédric
était un souci permanent.
Peu à peu, et sans qu’elle s’en rendit compte, Suzanne consacra
tout son temps à son fils et à ses recherches. Son mari était mis de côté
mais elle pensait que c’était normal et qu’il était capable d’assumer
cette position de retrait. Elle ne voulait pas l’admettre, mais elle se
trompait. L’intimité qui les liait les premières années se diluait, ils
parlaient de moins en moins et il ne trouva plus sa place dans
la relation de son épouse avec leur fils. Ils finirent par se séparer.

SUZANNE


Cédric dormait, il était presque 23 heures, la rue était silencieuse.
Depuis que les voitures circulaient peu de nuit, on entendait
distinctement résonner les pas des quelques rares piétons encore
dehors à cette heure.
Suzanne repensait encore à cette étrange conversation avec son
patron. « En quoi nos connaissances avancées sur le processus du
vieillissement tissulaire, les intéressent-ils autant? »

Tout à coup, elle eut une idée : « Si on peut ralentir l’inéluctable
glissade de la cellule vers sa fin naturelle, on peut peut-être éloigner
l’échéance des pertes de performances incompatibles avec le service
armé! Ainsi on maintient son effectif au top de ses capacités! Voilà
ce qu’ils veulent, un soldat sans date de péremption! »
Tout en allant se coucher, son esprit continuait sur sa lancée malgré
le sommeil qui la gagnait : « S’il y avait encore le service militaire
obligatoire, ce ne serait pas logique puisqu’alors ils auraient une
source constante de sang jeune, mais depuis que l’armée ne compte
plus que des professionnels, le raisonnement se tient... »
Sur ce, elle s’endormit.

Le lendemain, comme d’habitude, Cédric prépara le petit déjeuner.
Il était fier de montrer qu’il était capable de le faire tout seul. Le
soleil envahissait l’appartement qu’elle partageait avec son fi ls de 17
ans. Ils vivaient seuls depuis douze ans.
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