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33— Elle a toujours été très altruiste... Genre « bourge de
gooooche »!— Papa! Tu te trimballes un sacré train d’ondes négatives
aujourd’hui!Christine était restée très proche de sa mère. Elle ne supportait pas
que son père la critique.— Elle dirige un service d’assistances sociales à la direction
départementale de la « Sécu ». Je crois qu’elle a pas mal de travail.Alain répondit machinalement.— Ça lui va bien.Il sentait, comme à chaque fois qu’il rencontrait sa fille qu’ils
venaient d’atteindre la limite de leurs capacités de communication.
Il y avait toujours un moment où ils savaient tous les deux que la
complicité ne pouvait pas aller plus loin.La neige avait cessé de tomber. Malgré la blancheur des
trottoirs, la pénombre du crépuscule commençait à envelopper les
rues désertes. L’éclairage public ne s’allumait que la nuit venue.
En hiver, les heures entre chien et loup diffusaient dans Paris une
ambiance feutrée à peine égayée par les premières lumières de
quelques vitrines.— Bon! Papa! Je vais rentrer maintenant. L’heure avance et je
préfère prendre le métro sans attendre. Le dimanche, il y a moins
de rames.
— Tu as raison ma grande! Il l’appelait « ma grande », c’était
une affectueuse dérision de connivence entre eux depuis longtemps.— Papa! C’est pratique! Tout le monde l’admet!— Toi aussi apparemment, mais pas moi !!Alain savait qu’il s’égarait dans un débat d’arrière-garde.
L’utilisation des puces électroniques et des systèmes intégrés dans les
tatouages, les bijoux et autres piercings étaient autorisés depuis plus
de dix ans. Il s’arrêta, pensif quelques secondes, le regard ailleurs.— En fait, nous sommes comme les poissons!— Les poissons ???— Oui... Les poissons! Aller à contre-courant est épuisant.
Regarde les Saumons, ils en meurent. Il n’y a que deux options :
Soit se mettre à l’abri du courant, soit se laisser emporter. La
majorité des gens perdent leur sens critique et ils se laissent aller :
Les poissons morts vont toujours dans le sens du courant!Nous sommes tous prisonniers du petit lac de nos savoirs. On
croit être libre dans un océan de pensées mais nous sommes tous
agglutinés dans une petite couche d’atmosphère sur un grain de sable
dans l’univers.— Eh bien mon papa, t’aurais bien besoin de retrouver une
compagne sympa, pour te remonter le moral!— Tu as raison, changeons de sujet : Tu as des nouvelles de ta
mère?— Oui, elle est toujours aussi impliquée dans la vie associative