Dossier Apoptose

(Vadim Doro1J7ucA) #1

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« Ils font tout très vite. Ils sont pressés de vivre. Ils ne sont pas
dans le présent puisqu’ils se projettent dans l’immédiat qui n’existe
pas encore. Donc, ils ne sont nulle part, ni dans le présent, ni dans
le futur et encore moins dans leur passé qu’ils ne prennent pas le
temps de regarder ».

Il s’arrêta, ferma le cahier, s’interrogeant : Et toi? As-tu pris le
temps de vivre? N’as-tu pas traversé toutes ces années sans aucune
pause, toi non plus?

Décidément, ses certitudes étaient en train de vaciller. Il décida de
se vêtir et de sortir malgré le temps gris qui baignait la capitale.

Alain aimait marcher dans Paris les samedis matin, l’ambiance
était détendue. L’activité était moins fébrile qu’en semaine. Le temps
ralentissait avant la pause morne du dimanche. Ses pas l’amenèrent vers
la rue Montorgueil. Il y avait déjà beaucoup de monde. En regardant
la perspective de la rue, les allées et venues des passants évoquaient
les mouvements Browniens. Ceux qui étaient assis aux tables installées
sur les trottoirs des cafés regardaient passer ceux qui allaient chez le
poissonnier, ceux qui sortaient de chez le pâtissier en mordant goulûment
leur petit gâteau, ou encore la petite vieille tirant son cabas à roulettes.
Il avait sous les yeux un échantillon d’humanité avec toute sa
poésie.
Cédant à la gourmandise, il entra dans une petite viennoiserie
et choisi un merveilleux croissant comme seul Paris sait les faire.
Il chercha une place libre à un bistrot, évitant le voisinage de la
poissonnerie. Il trouva son bonheur à une petite table ronde bancale à
côté d’un comptoir de légumes et commanda un expresso.
Il savoura son deuxième petit-déjeuner avec délice quoique son
plaisir fût un peu gâché par l’odeur des cageots de l’épicier voisin.

Une bonne douche ; Un long coup de peigne ; Vite habillée ; Un peu
de rouge à lèvres et elle fut prête. Un tendre baiser et elle s’éclipsa.

Alain resta seul face à ses problèmes. L’absence de réaction
du CCNE lui faisait redouter ce qu’avait prédit « Tissier », la mise
aux oubliettes de la saisine. Pourtant, le rapport ne manquait pas
d’arguments alarmants sur les risques. Pas de réponse signifierait
effectivement que la commission était muselée par les hautes autorités
étatiques en dépit des aspects éthiques, sociétaux et humains.
Il n’arrivait pas à se résoudre à cette idée. Suzie avait raison, sans
l’aide d’un spécialiste de la dialectique il risquait d’être broyé.

Joubert eut soudain une idée : Il n’avait jamais pris de notes
personnelles mais en cet instant, il se dit que c’était peut-être le
moment de prendre un peu de recul sur les événements.

Après une toilette rapide il s’assit dans le salon, ouvrit la première
page d’un cahier neuf et débuta son journal. Il laissa courir son stylo
et écrit ce qui lui venait à l’esprit.

« Samedi 17 septembre 2050 »

« Quand on est passé de l’écriture calligraphiée au clavier
d’ordinateur, on a fait un bond en arrière de plusieurs millénaires.
Nous tapons nos claviers du bout des doigts pour obtenir un texte
ou une image comme le singe appui sur le bouton correspondant
à la bonne réponse pour avoir une friandise. La pensée ne passe
plus par la main mais par une machine qui ne l’accepte que si elle
correspond à son codage programmé. Nous avons délibérément
réduit nos possibilités de pensée à celle de machines formatées par
d’autres. Nos esprits sont prisonniers d’une aliénation mentale
acceptée et considérée comme la normalité. »
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