Libération - 14.03.2020

(Darren Dugan) #1

Libération Samedi 14 et Dimanche 15 Mars 2020 http://www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe u 15


E


t si Lyon devenait la nouvelle
sensation écolo, six ans après
Grenoble? Depuis plusieurs
mois, Grégory Doucet, le candidat
d’Europe Ecologie - les Verts, est
donné favori pour s’installer après
le 22 mars dans le fauteuil de maire
de la ville de 516 000 habitants, fief
de Gérard Collomb depuis 2001.
Pilier de la macronie, l’ancien mi-

nistre de l’Intérieur a décidé de ne
pas briguer un quatrième mandat
municipal, préférant la conquête de
la présidence de la métropole lyon-
naise et son budget mirobolant
de 3,5 milliards d’euros.

INTÉRIM
Cadre dans l’humanitaire et secré-
taire de la section locale d’EE-LV,
Doucet, 46 ans, n’en est pas à son
premier galop électoral. Il figurait
déjà sur la liste de Yannick Jadot
aux élections européennes de mai.
A Lyon, bastion macroniste, le parti
écologiste avait dépassé les 20 %
des suffrages, contre 13 % au niveau
national, arrivant juste derrière
La République en marche. Pendant

leur campagne lyonnaise, les écolos
ont donc vanté la vague verte pour
compenser le peu de notoriété
de leur tête d’affiche. «Personne ne
peut aujourd’hui se prévaloir
d’avoir déjà été maire de Lyon», ba-
laie l’intéressé. Ce qui n’est pas tout
à fait vrai : Grégory Doucet compte
parmi ses adversaires Georges Ké-
pénékian, qui a assuré l’intérim à la
mairie lors du passage de Collomb
place Beauvau et qui s’est finale-
ment pris au jeu au point de se pré-
senter.
Mais Képénékian, boudé par les ins-
tances de LREM qui ont préféré in-
vestir Yann Cucherat, un ancien
gymnaste adjoint de Collomb, peine
à décoller dans les sondages. De-

puis l’automne, l’ordre d’arrivée du
premier tour a peu varié : Doucet
en tête, devançant de peu Yann
Cucherat et Etienne Blanc, le vice-
président Les Républicains de la ré-
gion Auvergne-Rhône-Alpes, avec
à la quatrième place Nathalie Per-
rin-Gilbert, maire du Ier arrondisse-
ment de Lyon soutenue par une
alliance conduite par La France in-
soumise. Le peloton de queue est
composé par le Rassemblement na-
tional, Georges Képénékian, les
centristes Denis Broliquier et Eric
Lafond, et la Gauche unie, menée
par le Parti socialiste. Vendredi, ce-
pendant, un sondage est venu ra-
fraîchir la campagne écologiste : se-
lon une étude OpinionWay pour
Lyon Mag, Blanc (23 %) passe nette-
ment devant Doucet (20 %), qui paie
le prix du «tout sauf les Verts» en-
tonné par ses rivaux.

«GRAND SAUT»
Il y a six ans, les écolos avaient ré-
colté près de 9 % des voix au
premier tour, avant de s’allier à
Gérard Collomb. Depuis, tout a
changé. «C’est fini, le “on est là pour
peser” : maintenant, il faut sortir de
la logique de minorité contributrice,
on part pour gouverner la ville,
martèle Grégory Doucet, qui pense
déjà à l’après. Au-delà de ce que si-
gnifierait une victoire d’EE-LV pour
Lyon, pour le quotidien des Lyonnai-
ses et des Lyonnais, ce serait aussi un
coup d’accélérateur pour la recom-
position politique.» Et donc un ca-
mouflet d’envergure pour le camp
des «progressistes» macronistes,
qui continuent de revendiquer
Lyon comme leur creuset et leur
laboratoire.
Au « verdissement de façade » de
ses opposants, le candidat EE-LV
oppose la « constance » de son projet
pour une ville qui a connu 33 pics
de pollution rien qu’au cours de
l’année dernière. Le sentiment d’ur-
gence climatique ressenti par une
partie des électeurs lyonnais suffi-
ra-t-il pour que les Verts emportent
la mise? «A Grenoble, quand c’est
arrivé avec Eric Piolle, personne
ne l’avait vu venir, rappelle Romain
Meltz, politologue et enseignant-
chercheur à l’université Lyon-II. A
Lyon, en 2020, c’est l’inverse : les
écologistes ont une énorme pression

à gérer. Il reste beaucoup de per -
sonnes, dans les milieux modestes
notamment, qui craignent de faire
ce grand saut. Et c’est une ville qui
brasse beaucoup de non-Lyonnais,
avec 100 000 étudiants. Quand bien
même ils sont inscrits ici, est-ce que
les jeunes qui se sont mobilisés lors
des marches pour le climat vont
aller voter ?»
Alors que le jeu semblait très ouvert
dans une ville oscillant entre le
centre droit et le centre gauche, le
désistement de Gérard Collomb
a paradoxalement contribué à anes-
thésier le débat. Même le candidat
LR Etienne Blanc a fait une campa-
gne très peu marquée à droite, ali-
mentant l’idée d’un rapprochement
éventuel avec LREM. A Lyon, per-
sonne ne clive, personne n’attaque
personne, en se gardant d’insulter
l’avenir. Car comme à Paris et Mar-
seille, avec la particularité du vote
à deux échelons, c’est d’abord dans
les arrondissements que le scrutin
va se jouer. Pour obtenir une ma -
jorité à la mairie centrale, dotée
de 73 conseillers municipaux, la
liste dominante doit donc s’assurer
37 sièges. En cas de triangulaire,
voire de quadrangulaire, il s’agira
donc de donner des gages suffisants
aux outsiders. «Fabriquer une majo-
rité sous les yeux des électeurs en
trouvant des points d’ancrage démo-
cratique, c’est le plus dur à assu-
mer», souligne le politologue Ro-
main Meltz.
Le casse-tête se double du premier
scrutin pour désigner au suffrage
universel le président de la métro-
pole dans les 59 communes autour
de Lyon. Si les derniers sondages
donnent Gérard Collomb en pole
position, l’ancien maire perd du ter-
rain face au candidat EE-LV, Bruno
Bernard. «Les enjeux de la ville et de
la métropole sont extrêmement liés ,
rappelle Grégory Doucet pour ten-
ter de faire pencher la balance mé-
tropolitaine vers le vert. Pour savoir
ce qu’il est possible de négocier, il
faut voir ce que chaque formation
est prête à donner sur les deux échel-
les.» Il y a aura donc à Lyon un
double troisième tour, qui s’an-
nonce plus qu’incertain pour les
macronistes.
MAÏTÉ DARNAULT,
Correspondante à Lyon

A Lyon, les écologistes


tentent le doublé gagnant


Anciens alliés de Gérard
Collomb, les Verts sont
désormais assez bien
placés dans les sondages
pour arriver en tête à la
mairie et à la métropole.

Sources : Insee, ministère de l’Intérieur

Habitants

Candidats principaux pour les municipales 2020

Maire sortant
LUG Gérard Collomb

Grégory Doucet LREM Yann Cucherat

LR Etienne Blanc

EE-LV

LFI Nathalie Perrin-Gilbert

515 695


Score d’Emmanuel Macron
au 1er tour en 2017

Moyenne nationale 24,01%

30,31%
5 km

RHÔNE

Lyon
RHÔNE

MÉTROPOLE
DE LYON

ISÈRE

AIN
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