Libération - 14.03.2020

(Darren Dugan) #1

16 u Libération Samedi 14 et Dimanche 15 Mars 2020


Quasi-unanimité. Ces dernières se-
maines, les sondages s’accordent à
prédire des scores médiocres pour les
candidats de La République en mar-
che : ils sont souvent donnés en troi-
sième ou quatrième position. Une dé-
faite annoncée? Tout en faisant profil
bas, la direction du parti s’est trouvé
des raisons de ne pas désespérer. Se-
lon la député LREM Marie Guévenoux,
responsable de la commission d’in-
vestiture du parti, la forte progression
des listes étiquetées «divers centre»
dans les villes de plus de 3 500 habi-
tants prouve que « la recomposition
politique » engagée par Macron n’a pas
fini de produire ses effets.
A en croire le nuançage proposé par le
ministère de l’Intérieur et très contesté
par la droite comme la gauche, le
nombre de listes classées au centre est
passé de 342 en 2014 à 1 622 en 2020.

Dans le même temps, les listes PS sont
passées de 682 à 175 et celles étique-
tées Les Républicains de 539 à 305.
Seule exception, les listes EE-LV pro-
gressent de 135 à 182. Nouveau venu
aux municipales, LREM ne se présente
que dans la moitié des villes de plus
de 9 000 habitants. Dans la majorité
des cas, les macronistes se contentent
de soutenir des maires sortants issus
de LR ou, plus rarement, du PS. Pour le
reste, le patron du parti, Stanislas Gue-
rini, estime qu’il aura atteint son objec-
tif de conforter son «ancrage local» s’il
parvient à faire élire 10 000 conseillers
municipaux. En réalité, dimanche soir,
le parti majoritaire sera surtout jugé
sur ses résultats à Paris ainsi que dans
des villes comme Strasbourg, Besan-
çon ou Metz sur lesquelles il fondait
ses plus grands espoirs.
ALAIN AUFFRAY

LA RÉPUBLIQUE EN MARCHE
LA PEUR DE LA DÉBÂCLE

Les insoumis esquivent
les municipales. Après
sa gamelle aux élections
euro péennes au prin-
temps dernier, le mou-
vement de Jean-Luc
Mélenchon s’interroge
sur son avenir. Faut-il
enterrer La France in-
soumise et mettre au
monde un nouveau
mouvement pour (ten-
ter) de créer une (nou-
velle) dynamique? Les
avis divergent en in-
terne. Une tête pensante
sceptique : «Changer le
décor, très bien, ça peut-
être utile. Mais si le
22 mars les écolos ga-
gnent plusieurs mairies,
ça sera difficile pour
nous de les rattraper
alors que la présiden-
tielle vient vite» der-

rière. Le choix des in-
soumis – soutenir des
listes citoyennes ou se
ranger derrière un can-
didat de gauche – ne fait
pa s m a r re r tout le
monde. De nombreux
militants grimacent,
notamment en Seine-
Saint-Denis. Ils vou-
laient se battre sous
leurs couleurs. Interdit.
A Montreuil et Bagnolet,
par exemple, les chefs
de LFI ont décidé de
soutenir les communis-
tes. Le député du coin,
Alexis Corbière, as-
sume : « Politiquement,
c’était le meilleur choix,
une municipale ça ne
s’improvise pas. »
Depuis son départ du PS
en 2008, Mélenchon a
toujours eu du mal lors

des élections intermé-
diaires. Des mauvais
scores à la pelle. Cette
fois, grâce au choix de
ne pas afficher le logo
au premier plan, per-
sonne ne sera en capa-
cité de donner le score
exact de LFI.
Et si l’on ajoute à ça le
débat houleux des re-
traites à l’Assemblée et
surtout la lutte nationale
contre la propagation
du coronavirus, l’ab-
sence des insoumis sur
les podiums municipaux
pourrait quasiment pas-
ser inaperçue. On ou-
blierait presque qu’il y a
trois ans, Jean-Luc Mé-
lenchon était à la porte
du second tour lors de la
présidentielle.
R.La.

LA FRANCE INSOUMISE
LES GRANDS ABSENTS DU SCRUTIN

Les rouges marchent sur un fil pour
éviter de tomber. D’un côté, ils mènent
le combat derrière des socialistes
ou les écologistes partout dans le
pays. De l’autre, ils serrent les dents
pour récupérer ou éviter de perdre
quelques bastions historiques,
notamment en Seine-Saint-Denis.
Comprendre : participer aux diffé -
rentes dynamiques pour passer le
message à leurs alliés que l’avenir
se dessine avec eux, et sauver les
meubles.
En Seine-Saint-Denis, qui fut surnom-
mée la «ceinture rouge de Paris», les
communistes luttent pour récupérer
Saint-Ouen et Bobigny. La baston est
rude mais l’espace existe pour qu’ils
passent. A Saint-Denis, c’est plus
compliqué. La ville est dirigée par
les communistes depuis la Libération
et risque de tomber dans les bras du
socialiste Mathieu Hanotin.
Un cadre du PCF : «On ne peut pas
dire que nous sommes en dynamique
mais on peut dire que nous ne som-

mes pas en mauvaise posture sur
nos terrains. Si l’on conserve Dieppe,
Ivry-sur-Seine, Montreuil, qu’on ne
perd pas Saint-Denis et que l’on
récupère une ou deux villes moyen-
nes, on passera une belle nuit le soir
du second tour.»
Lorsque l’on discute avec les commu-
nistes, une ville revient souvent dans
la discussion : Le Havre, sur laquelle
tous les regards seront braqués di-
manche. Le candidat rouge, Jean-Paul
Lecoq, soutenu par les insoumis, va
tenter de faire trébucher le Premier
ministre, Edouard Philippe. Le chal-
lenger communiste y croit chaque
jour un peu plus, notamment depuis
l’épisode du 49.3 pour faire passer la
réforme des retraites.
Pour le secrétaire national, Fabien
Roussel, qui a bataillé ferme contre le
texte à l’Assemblée nationale, une vic-
toire face au Premier ministre serait
un magnifique coup de projecteur
pour les siens.
R.La.

LE PARTI COMMUNISTE
GARDER SES POSITIONS, FAIRE TOMBER PHILIPPE

MUNICIPALES


Officiellement, les
écologistes ne donnent aucun objectif chif-
fré. Ils se contentent de dire qu’ils rêvent de
remporter «un maximum» de mairies. Un
peu facile. Officieusement, ils espèrent rem-
porter plus de trois grandes villes, visant Gre-
noble, Besançon, Rouen, Strasbourg et Lyon
(lire page 15). «On ne peut pas crier partout
que l’on souhaite prendre le pouvoir et ne pas
gagner des mairies. Les choses vont très peu
bouger car les sortants partent avec l’étiquette
du favori mais nous devons être la force capa-
ble de créer des surprises»,
glisse une tête
pensante verte. L’élection se joue à deux
tours, voire trois, et réaliser un joli score ne
suffit pas pour planter un drapeau vert sur
le toit d’un hôtel de ville. Un dirigeant expli-
que : «Notre stratégie de se mettre au centre
du jeu est la bonne pour trouver le maximum
d’alliés entre les deux tours. Car il ne faudrait
surtout pas que l’on se retrouve avec l’éti-
quette du gentil deuxième.»

Certains écolos proposent une autre lecture :
ce qu’ils veulent, c’est arriver devant les so-
cialistes et les insoumis dans les quatre coins
du territoire afin d’officialiser leur leadership
à gauche. «Qui aurait prédit que le PS s’allie-
rait à nos candidats dans plusieurs villes et
que l’on serait devant eux lorsque ce n’est pas
le cas ?»
s’interroge un proche de Jadot. La
stratégie agace la majorité de la gauche tradi-
tionnelle. «Nous avons joué le jeu partout,
nous nous sommes désistés dès le premier tour
dans plusieurs villes pour soutenir des candi-
dats, contrairement à eux. J’espère qu’ils
n’hésiteront pas à se rallier à nous lorsqu’ils
arriveront derrière nous au premier tour»,

prévient Pierre Jouvet, responsable des élec-
tions au Parti socialiste.


MUR DU SON
La campagne des écologistes a connu de
nombreux hauts mais également des bas.
A Montpellier, les chances de victoire ont filé
après une embrouille folle : la direction
d’EE-LV a retiré le logo à Clothilde Ollier
après des désaccords sur le fond et la forme,
alors qu’elle était en tête des sondages,
pour la remplacer par Coralie Mantion.
Résultat : deux listes, toutes les deux sous
la barre des 10 % dans les enquêtes d’opi-
nions. Bravo. A Paris, David Belliard n’a ja-
mais réussi à percer le mur du son. Ses tenta-
tives de rapprochement avec le marcheur
dissident Cédric Villani ont créé de la confu-
sion. Alors que les écolos flirtaient avec la
barre des 20 % lors des européennes dans la
capitale, ils craignent de ne pas dépasser
les 10 %. Jadot, qui s’est énormément investi
dans la campagne parisienne, explique : «Ce
n’est pas facile de se faire une place lorsque les
médias décident de raconter une bataille au-
tour de trois femmes. Et Anne Hidalgo a parlé
de l’écologie matin, midi et soir. On oublierait
presque qu’elle est socialiste.»

Dimanche soir, les écologistes en sauront un
peu plus sur leur marche en avant. Ils espè-
rent faire taire ceux qui soufflent en privé
que leur score à deux chiffres lors des euro-
péennes était un simple coup de bol. Un joli
résultat permettrait de rassembler la gauche
autour d’eux pour le second tour, mais pas
seulement. Les régionales et les départe-
mentales arrivent vite derrière. La présiden-
tielle aussi. Un député PS rapporte une
discussion qu’il a eue récemment avec un di-
rigeant écolo. A qui il a dit : «C’est vrai que
lorsque le PS était majoritaire, nous étions un
peu arrogants et suffisants, et on a fini par le
payer. Donc ne faites pas la même erreur que
nous, ne faites pas les cons lorsqu’un plus
petit que vous tend sa main. Vous aurez
besoin de tout le monde pour les grandes vic-
toires.»
A la fin de la discussion, l’écologiste
s’est contenté de sourire, un geste que le so-
cialiste n’a pas su interpréter.•


Suite de la page 14


Meeting de Cédric Van Styvendael, tête de liste PS à

Les figures du parti Les Républicains lors du meeting
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