Libération - 14.03.2020

(Darren Dugan) #1

Libération Samedi 14 et Dimanche 15 Mars 2020 http://www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe u 17


Un mot revient souvent dans la bouche des
socialistes, qui adorent la novlangue poli -
tique. Ces derniers temps, ils parlent beau-
coup de «territoires». La formule permet
d’expliquer que le Parti socialiste est sé-
rieusement mal en point sur la scène natio-
nale mais qu’il respire mieux lorsqu’on
s’éloigne du pouvoir central. A l’issue du
second tour, le 22 mars, le PS espère avoir
conservé de nombreuses grandes villes.
Des fiefs symboliques comme Paris, Nan-
tes ou Rennes, et d’autres tout aussi impor-
tantes comme Clermont-Ferrand ou en-
core Villeurbanne, où se dispute un match
serré avec les écolos.
Les roses aimeraient aussi créer une ou
deux surprises. Le premier secrétaire du
parti, Olivier Faure, mise d’ailleurs sur ce
scrutin pour prouver aux oiseaux de mau-
vais augure que, sans les socialistes, la
gauche ne peut pas espérer grand-chose.
Au début du quinquennat Macron, le PS

avançait sur la pointe des pieds, ne sachant
pas trop comment se positionner face
au Président. Aujourd’hui, il cogne sur le
gouvernement du matin au soir. Des atta-
ques qui facilitent les discussions avec les
autres familles à gauche. Du coup, les so-
cialistes affichent une certaine tranquillité.
Un dirigeant : «C’était vraiment compliqué
lors des européennes, on risquait l’élimina-
tion, mais cette fois c’est différent. On de-
vrait conserver nos mairies et on peut en
gagner d’autres derrière les écolos.» Cette
bonne humeur donne des ailes : le PS sou-
haite « nationaliser le débat » afin d’expli-
quer aux électeurs que le bulletin rose est
la meilleure arme démocratique contre
Macron. Ce qui ressemble à la stratégie de
LFI lors des européennes. Sauf qu’à la fin,
le mouvement de Jean-Luc Mélenchon
était tombé de haut, terminant sur un tout
petit score de 6,3 %.
R.La.

LE PARTI SOCIALISTE
FIDÈLES AUX FIEFS

Allait-on leur voler la victoire? L’hypothèse
d’un report des municipales, désormais
démentie, a soulevé à droite des cris indi-
gnés. De Christian Jacob, chef des Répub -
licains, à Gérard Larcher, président du
Sénat, en passant par François Baroin, pa-
tron de l’Association des maires de France,
tous ont fait savoir qu’une telle décision
vaudrait fin de la trêve décrétée pour cause
de crise sanitaire.
S’il y a quelque chose de politique dans la
décision d’Emmanuel Macron, la pression
de la droite n’y est pas pour rien. Celle-ci
place bien des espoirs dans un scrutin
dont, pour la première fois depuis 2017, elle
pourrait sortir debout. Du moins si, comme
elle l’anticipe, ses nombreux sortants se
voient massivement reconduits : de Reims
à Toulouse, d’Aubagne à Evreux, nombre
de villes avaient chaviré dans la «vague
bleue» de 2014. Peut-elle, en plus, rêver de
conquêtes?
S’agissant de Paris, derrière l’enthousiasme
de rigueur pour la campagne de Rachida
Dati, la plupart des cadres LR n’y croient
guère. On observe avec plus d’optimisme
les cas de Lyon, Metz et Orléans. Le tableau
n’est pas sans nuages. A Marseille, une

dissidence fragilise la favorite LR, Martine
Vassal.
Mais, partant de si haut, la droite est plus
susceptible de céder du terrain que d’en
gagner. Certains sortants s’étant rappro-
chés du macronisme, leurs éventuelles vic-
toires seront, dans les statistiques officiel-
les, mises au crédit du centre. «Il y aura un
enjeu de lecture des résultats, prévient un
député LR. Je vois bien les titres : “Poussée
des verts, LR maintient ses positions”. Ça ne
fait pas une victoire...» Pour un autre parle-
mentaire, «c’est vrai qu’on aura du mal à dé-
signer le gagnant, mais il sera facile de trou-
ver le perdant. Notre victoire, c’est l’échec
de LREM, dont le plan était de nous foutre
en l’air aux européennes puis de nous ache-
ver aux municipales». L’entre-deux-tours
s’annonce pourtant gros de dilemmes : fau-
dra-t-il envisager un rapprochement avec
LREM, là où une telle alliance permettrait
de conserver ou de gagner une mairie? Na-
tionalement, le parti n’a aucun intérêt à
donner le sentiment qu’il peut s’entendre
avec le macronisme. Mais il n’aura pas for-
cément les moyens d’imposer cette ligne
aux candidats tentés par un tel dialogue.
DOMINIQUE ALBERTINI

LES RÉPUBLICAINS
SE REQUINQUER PAR LES VILLES

Dès le début de sa campa-
gne, le Rassemblement
national a affiché des ob-
jectifs très peu ambitieux
pour qui se prétend «pre-
mier parti de France» à lon-
gueur d’affiches. Objectif
le 22 mars : garder la di-
zaine de villes gagnées
en 2014 et élargir autour,
par effet «d’inondation».
Pariant sur la prime au
maire sortant, le parti a
pondu un slogan : «La ges-
tion RN, ça marche !»
A Hénin-Beaumont, cela
devrait même permettre la
réélection de Steeve Briois
dès le premier tour. Comme
à Béziers, où Robert Mé-
nard est soutenu par le RN.
Pour le reste, il s’agira de
«gagner un certain nombre

de communes», dit-on sans
plus de précisions. Les
frontistes évoquent Perpi-
gnan, avec Louis Aliot can-
didat, comme leur «plus
belle chance de victoire».
Ce profil bas tranche avec
l’optimisme affiché lors des
européennes. Mais à l’épo-
que, le scrutin était plus
simple à lire : il s’agissait
d’une élection nationale et
le RN en avait fait le match
retour de la présidentielle
face à Emmanuel Macron.
Pour les municipales, la si-
tuation est autre : le parti
n’a jamais brillé au niveau
local. De plus, ses bilans à
la tête des mairies rempor-
tées il y a six ans sont miti-
gés : au mieux neutres et
donc insipides.

Il y a aussi eu ces départs de
conseillers municipaux dé-
çus par poignées : le RN a
perdu plus d’un tiers d’entre
eux depuis 2014. Un record.
Dans ce contexte, Marine
Le Pen espérait faire venir
à elle des candidats venus
d’ailleurs pour illustrer le
mot «rassemblement» du
nom du parti. Mais les ral-
liements se sont comptés
sur les doigts d’une main.
De fait, le RN n’a pas pré-
senté de listes partout. Il est
absent dans plus de deux
tiers des principales com-
munes et présente moins
de 400 listes dans celles de
plus de 3 500 habitants, soit
une baisse de 28 % par
rapport à 2014.
TRISTAN BERTELOOT

LE RASSEMBLEMENT NATIONAL
PROFIL BAS POUR L’AUTOPROCLAMÉ «PREMIER PARTI»

Villeurbanne, le 15 janvier. PHOTO BRUNO AMSELLEM

de Rachida Dati à Paris, lundi. PHOTO ALBERT FACELLY

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