Libération - 14.03.2020

(Darren Dugan) #1
18 u Libération Samedi 14 et Dimanche 15 Mars 2020
MUNICIPALES

A Montpellier, qui remportera


le grand n’importe quoi?


A Montpellier le 8 novembre. Clothilde Ollier avait été investie par EE-LV avant que le parti revienne sur son soutien. PHOTO D. RICHARD. TRANSIT

Q


uatorze listes. Ce
chiffre révèle l’am-
pleur des divisions à
Montpellier. Face au maire
sortant – ex-PS pro-Macron
qui se présente comme di-
vers gauche – se profile un
éparpillement façon puzzle.
Dans ce contexte, difficile
de prédire qui passera le pre-
mier tour. «Avec aucune liste
qui ne parvient à 20 %, c’est
l’incertitude totale autour
de ce scrutin», note Frédéric
Dabi, directeur général ad-
joint de l’Ifop et auteur d’un
sondage publié le 6 mars
par Midi libre. «A ma con-
naissance, aucune autre ville
en France ne présente une
telle fragmentation de l’offre
politique.»
Les Verts pensaient la ville
prenable? Ils ont dû revoir
leurs ambitions à la baisse.
Car dimanche, les électeurs
écolos auront le choix entre
pas moins de trois listes.
D’abord, celle de Jean-Louis
Roumégas : l’ancien député
a décidé de se lancer dans la
course malgré sa défaite à la
primaire organisée en octo-
bre pour désigner la tête de
liste EE-LV. Clothilde Ollier,
qui a remporté ce scrutin,
mène la seconde liste. Soute-
nue par Génération·s, les
radicaux de gauche, des in-
soumis et Confluence, un
groupe local réunissant des
acteurs de gauche et d’ex-
trême gauche, cette infir-
mière et ancienne édile d’un
village du coin était parve-
nue à se hisser en tête des
sondages.
C’était sans compter sur le
coup de théâtre survenu
le 18 janvier. A la surprise gé-
nérale, EE-LV, qui la suspecte
notamment de dérive gau-
chiste et autoritaire, lui retire
son soutien et désigne en ur-
gence une autre tête de liste,
Coralie Mantion. Résultat :
dimanche, ces listes pour-

diffusé sur Facebook la photo
d’un gâteau d’anniversaire
décoré d’une croix gammée
et mimé durant un conseil
municipal plusieurs «quenel-
les», geste à connotation an-
tisémite popularisé par Dieu-
donné. «Quasiment personne
n’était au courant» de la pré-
sence en si bonne place sur la
liste de «cet énergumène», a
dénoncé un de ses colistiers
sur Lengadoc Info. Ce site
identitaire a publié une lettre
du res ponsable RN de Mont-
pellier appelant désormais à
faire barrage à cette liste... Si-
tuation pour le moins inédite.

Bâtisseur. A ce tableau dé-
sordonné, il faut aussi épin-
gler le portrait de Mohed
Altrad, PDG du groupe du
même nom et président du
club de rugby MHR. Celui
qu’on surnomme volontiers
«le milliardaire» n’a pas ob-

tenu le label LREM, mais le
regrette-t-il? Après avoir
longtemps stagné à 10 %, le
grand patron sans étiquette
gagne du terrain dans le son-
dage de l’Ifop jusqu’à se his-
ser dans le trio gagnant pour
le second tour. En compagnie
de Michaël Delafosse, candi-
dat soutenu par le PS, le PC,
le PRG, et de Philippe Saurel,
exclu du PS en 2014 pour
s’être présenté contre le can-
didat officiel du parti.
Selon Frédéric Dabi, le «cas
Saurel» est lui aussi inédit :
«Dans toutes les enquêtes que
nous avons menées pour ces
municipales, je ne me sou-
viens pas d’avoir vu un maire
sortant crédité de juste 19 %.»
En cause : sa position Ma-
cron-compatible, son entrée
très tardive en campagne,
officiellement liée à une opé-
ration du genou. Mais aussi
son bilan jugé mitigé, ses

conflits avec de nombreux
élus ayant brouillé son image
de rassembleur. Enfin, beau-
coup lui reprochent la béto-
nisation acharnée de Mont-
pellier. Georges Frêche, maire
de 1977 à 2004 qui se posait
en grand bâtisseur, rêvait de
voir sa ville s’étendre jusqu’à
la mer. A voir les chantiers
qui défigurent aujourd’hui sa
frange sud, ces desseins hier
improbables ont trouvé de
nouveaux promoteurs.
Interrogé en février par le
magazine Métropolitain sur
la foule de candidats face à
lui, Saurel estime avoir lui-
même montré la voie et attisé
des ambitions en étant élu
sans avoir fait l’ENA ou HEC
(il est dentiste). «Donc au-
jourd’hui, dit-il, ces instincts
se réveillent.» Et de conclure :
«Ils veulent tous être maire à
ma place.» On ne saurait être
plus clairvoyant.•

Par
SARAH FINGER
Correspondante
à Montpellier

celle des insoumis. Car si LFI
soutient «Nous sommes»,
une liste citoyenne portée
par Alenka Doulain, de nom-
breux insoumis ont choisi de
rester avec Ollier. Pour LFI,
ils ont cédé «à l’appel de la
pastèque», ce fruit vert de-
hors et rouge dedans.
Du côté de l’extrême droite,
c’est aussi la débâcle. La liste
conduite par Olaf Rokvam,
quasi inconnu, s’est vu retirer
la bénédiction du RN après
son dépôt en préfecture.
Motif : les cadres
lepénistes au-
raient subite-
ment découvert
le nom de Djamel Boumaaz
en troisième position, un per-
sonnage sulfureux. Elu mu-
nicipal d’opposition, ex-FN,
ce provocateur s’est fait con-
naître localement pour avoir
démâté un drapeau LGBT et
tenté de l’enterrer. Il a aussi

raient toutes deux porter le
logo EE-LV...

Clown. Le Parti animaliste
fait aussi les frais de cette
fragmentation : d’abord en-
gagé aux côtés d’Ollier, le
voilà rattaché à Mantion et
concurrencé par l’humoriste
vidéaste Rémi Gaillard. Ce
dernier, lui aussi focalisé sur
la cause animale, présente sa
propre liste, créditée de 9 %
au premier tour par l’Ifop,
soit un point de plus que la
candidate offi-
cielle d’EE-LV.
Bien mieux placé
dans ce sondage
que les têtes de liste LR-UDI
et LREM-Modem, qui stag-
nent respectivement à 7 %
et 5 %, celui qui se définit
comme un clown ne fait plus
rire ses rivaux.
Cette campagne a provoqué
une autre implosion locale :

L'HISTOIRE
DU JOUR

Quatorze candidats,
dont le maire
sortant ex-PS,
trois écolos,
un Youtubeur et
un PDG s’affrontent
dans cette ville
de gauche sans
qu’aucun ne semble
se détacher.

Ils (ne) se représentent
(pas) aux municipales
Parmi les maires des 42 villes
françaises de plus de 100 000 habitants, seuls 34 se
représentent. Les huit qui ne briguent pas un nouveau
mandat le font pour des raisons différentes : de
Jean-Claude Gaudin (photo) – trop vieux – à Marseille
à Gérard Collomb qui préfère briguer la métropole
à Lyon. Carte et article sur Libé.fr. PHOTO AFP

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