Libération - 14.03.2020

(Darren Dugan) #1

Libération Samedi 14 et Dimanche 15 Mars 2020 http://www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe u 9


tomatiques. Bref, l’Hexagone
testerait plus largement,
à défaut de tester davantage
en valeur absolue.
Mais cette différence tient
surtout au fait que la France
n’en est pas au même stade
que l’Italie face à l’épidémie.
Face à l’urgence, les Italiens
ont dû, avant les Français, se
focaliser sur la prise en
charge et le diagnostic des
cas les plus graves qui afflu-
aient. D’où l’augmentation
de la létalité.
Ajoutons que la mortalité
plus ou moins forte s’expli-

que aussi par des aspects
propres à chaque pays (dont
l’état du système de santé ou
la pyramide des âges : deux
facteurs qui contribuent
aussi, selon les commenta-
teurs, à la forte mortalité liée
au coronavirus en Italie).
Si on devait essayer de
comparer les tests réalisés
dans les deux pays, il
conviendrait au moins de le
faire à des stades com -
parables de l’épidémie.
Au 1er mars, l’Italie se trou-
vait, en termes de bilan, à un
niveau proche de ce que

connaissait la France au
moment où parlait Véran :
1 700 cas positifs pour
34 décès, contre 1 412 cas
positifs pour 25 décès
en France au 9 mars. Pour
reprendre l’indicateur d’Oli-
vier Véran, le taux de létalité
en Italie il y a dix jours était
donc très proche des chif-
fres français du début de se-
maine. Et à cette date, l’Italie
avait réalisé 21 127 tests.
Environ deux fois plus que
la France au même stade de
l’épidémie.
CÉDRIC MATHIOT

Une fois contaminé, un porteur du
Sars-CoV-2 (qui provoque la maladie du Co-
vid-19) met, en durée médiane, entre quatre
et cinq jours à ressentir les premiers symp-
tômes. Mais l’Agence régionale de santé
d’Ile-de-France, chargée de contacter les
personnes contaminées, explique recher-
cher les gens en contact avec un cas avéré
jusqu’à vingt-quatre heures avant l’appari-
tion des symptômes, car il y a un risque de
contagion.
Selon Alexandre Bleibtreu, infectiologue
à la Pitié-Salpêtrière, à Paris, il n’est toute-
fois pas possible de savoir précisément à
partir de quand des porteurs du virus de-
viennent contagieux : «On suit une doctrine
qui peut être revue dans six mois. On pro-

cède aussi par analogie avec les autres mala-
dies virales, où généralement, on considère
que dans les vingt-quatre heures précédant
l’apparition des symptômes, la charge vi-
rale est suffisante pour être contagieuse.»
Reste qu’un porteur en période d’incuba-
tion est moins contagieux, d’après la Direc-
tion générale de la santé, car il ne tousse
pas. «On s’est posé la question de savoir si
on pouvait être contagieux en étant asymp-
tomatique. C’est peu probable. Pour l’être,
il faut excréter des gouttelettes : tousser,
éternuer. Quelqu’un qui n’a pas de symptô-
mes pourrait être porteur mais a peu de
moyens de diffuser le virus», assure Jérôme
Salomon, le directeur général de la santé.
EMMA DONADA

Est-on contagieux pendant


la période d’incubation?


Angela Merkel a joué les Cassandre mer-
credi, en déclarant que «60 à 70 % de la po-
pulation allemande sera infectée» par le co-
ronavirus. Une prévision basée sur l’analyse
de nombreux experts allemands, qui a
agacé le Premier ministre tchèque, Andrej
Babis, pour qui «de telles décla rations pro-
voquent plutôt la panique». En Allemagne,
ce pourcentage spectaculaire a aussi gé-
néré des inquiétudes sur le bilan humain
qu’impliquerait l’épidémie si elle prenait
une telle ampleur. En appliquant le taux de
létalité le plus communément admis du Co-
vid-19 (1 %) à 60 % ou 70 % des 83 millions
d’Allemands, on parviendrait à un bilan
compris entre 500 000 et 600 000 morts.
Or ce raisonnement ne tient pas, selon le di-
recteur du département de virologie de
l’hôpital berlinois de la Charité, Christian
Drosten, la référence actuellement en
Allemagne. Le 6 mars, dans une interview
à la Neue Osnabrücker Zeitung, le virologue
(qui considère aussi que deux tiers de la po-
pulation devrait être infectés pour que l’épi-
démie cesse) a avancé un chiffre possible
de 280 000 morts en Allemagne, considé-
rant que la létalité de 1 % qu’on prête au-
jourd’hui au Covid-19 est surestimée. Pre-
nant en compte les données statistiques de
la Corée du Sud, pays qui a diagnostiqué
très largement, Christian Drosten consi-

dère que la létalité du Covid-19 se situe «en-
tre 0,3 % et 0,7 %».
S’il est bien à l’origine de l’estimation
de 280 000 morts, Christian Drosten a aus-
sitôt indiqué qu’elle était à prendre avec des
pincettes : «Un tel calcul n’a guère de sens
car la composante temporelle est absente.
Si la propagation est lente, les victimes du
coronavirus se fondront dans le taux de
mortalité normal. Chaque année,
850 000 personnes meurent dans ce pays.
Le profil d’âge est similaire à celui des décès
causés par le nouveau virus.» Une analyse
prudente partagée par l’Institut Robert-
Koch, en charge du contrôle et de la lutte
contre les maladies, qui considère aussi
qu’à défaut de données précises sur la léta-
lité du virus et sur le temps qu’il mettra à se
propager, «on ne peut pas établir de tels cal-
culs à ce stade».
Plus abruptement, Thomas Schulz, virolo-
gue à l’université de Hanovre, considère
qu’il est «absolument prématuré» de se li-
vrer à de tels calculs, car «il n’existe pas de
données fiables qui permettraient de faire
de telles projections». Selon lui, le taux de
contamination de 70 % «ne devrait pas être
atteint dans le cadre de la vague de propa-
gation actuelle», mais «dans plusieurs an-
nées».
JACQUES PEZET

Le Covid-19 va-t-il provoquer


3 00 000 morts en Allemagne?


Placer ses vêtements au micro-ondes,
voire au congélateur, pour se prémunir
du Covid-19? Nombreux sont les internau-
tes à s’interroger sur la conduite à tenir
concernant les habits. De précédentes
études sur le Sras, génétiquement lié
au Covid-19, montrent en effet que «les co-
ronavirus peuvent persister sur des surfa-
ces de quelques heures à plusieurs jours»,
rendant ainsi possible une contamination
en touchant une matière infectée puis en
portant sa main à son nez ou à la bouche.
Que faire, alors que cette famille de virus
résiste, jusqu’à un certain seuil, à des tem-
pératures élevées? Deux spécialistes indi-
quent à CheckNews que le Covid-19 perd
son potentiel infectieux à partir d’une

e x p o s i t i o n à 5 6 d e g r é s p e n d a n t
vingt à trente minutes ou à 65 degrés pen-
dant cinq à dix minutes. C’est ainsi qu’est
stérilisé le matériel médical, précise la vi-
rologue Anne Goffard. Il s’agit donc de la-
ver le linge à haute température. Gilles Pia-
loux, du service des maladies infectieuses
et tropicales de l’hôpital Tenon, conseille
ainsi de nettoyer les vêtements à 60 de-
grés pendant au moins dix minutes. Quant
à l’option congélateur, c’est une mauvaise
idée. «Des virus ont perduré des centaines
de milliers d’années en étant gelés. A
moins de vouloir conserver le virus pour
les futures générations, il ne faut surtout
pas y mettre ses vêtements.»
ANAÏS CONDOMINES

A quelle température laver ses


vêtements pour tuer le virus?


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11
mars

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ITALIE


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FRANCE


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52 décès 48 décès


19
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28
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28
janvier

28
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Evolution des cas et décès en Italie et en France


Sources : Direction nationale de la santé, Université Johns-Hopkins Baltimore

Zoom sur le départ de la propagation
cas confirmés et décès
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