Libération - 22.02.2020

(Brent) #1
12 u Libération Samedi 22 et Dimanche^23 Février 2020
MUNICIPALES

Dans le 5e arrondissement de Marseille, jeudi.

Entre les colleurs
d’affiches de
Martine Vassal (LR)
et de Bruno Gilles
(dissident LR)
la tension monte.
Vendredi, une
baston a éclaté :
les deux camps ont
porté plainte.

Ç


a devait arriver. L’af-
frontement a eu lieu
vendredi matin dans
une ruelle derrière la
mairie des 4e et 5e arrondis-
sements, dans le centre de
Marseille, l’un des secteurs

A Marseille, la droite se bagarre


pendant les heures de colle


les plus disputés de la ville
pour ces municipales. D’un
côté, des colleurs d’affiches
du camp Vassal, la candi-
date LR. De l’autre, un mem-
bre de la team du sénateur
Bruno Gilles, challenger dis-
sident. Depuis trois semai-
nes, la tension monte sur
le terrain entre les concur-
rents, qui se disputent les
panneaux installés le temps
de la campagne électorale
pour accueillir les affiches
des prétendants.
Vendredi en début de mati-
née, c’est autour de la mairie
de secteur, tenue par une fi-
dèle de Bruno Gilles, qu’ils en
sont venus aux mains. Résul-
tat : un homme d’une qua-
rantaine d’années à l’hôpital


  • il en est ressorti avec trois
    jours d’ITT – et des plaintes
    déposées par les deux camps,
    les uns accusant les autres
    d’avoir commencé. Et tous


dénonçant un climat ­explosif
sur le terrain.

Scooter. Deux jours avant
l’altercation, on avait suivi la
tournée des partisans
de Bruno Gilles. L’équipe du
jour, du genre militants che-
vronnés, se rejoint au QG de
campagne pour récupérer du
matériel et claquer la bise
à Roger Barski. Comme pour
chaque campagne électorale
depuis 2008, ce fidèle du sé-
nateur et son chauffeur de-
puis vingt-cinq ans est chargé
de coordonner l’affichage.
Bruno Gilles briguant cette
fois-ci la mairie centrale, cet
habitué des campagnes a dû
dispatcher les bras restés fi-
dèles sur toute la ville, même
si le 4e-5e, avec une soixan-
taine de colleurs, reste en tête
des priorités. En tête des ac-
crochages aussi : depuis le dé-
but de la campagne et l’arri-

vée des panneaux blancs, les
rivaux de droite se livrent
à une véritable guerre de po-
sition, recouvrant à tour de
rôle l’intégralité des emplace-
ments disponibles, évinçant
quasiment les autres forma-
tions politiques. Avantage
à Martine Vassal, dont le vi-
sage a envahi la ville.
«Sur les autres campagnes, on
ne sortait pas autant. C’est la
première fois que je vois au-
tant d’argent et d’agressivité,
raconte Vitto, un ancien de
l’équipe de Bruno Gilles. Moi,
j’ai 50 ans et j’ai le stress de
venir coller.» Dans leur viseur
principalement, des jeunes
en scooter qui quadrillent le
territoire pour le compte de
la rivale LR. «Vous passez le
soir devant leur permanence,
on dirait Uber! souffle encore
Vitto. Ils ont dû leur promet-
tre un travail ou quelque
chose... Ils n’ont aucune

­conviction et ont juste l’ordre
de tout recouvrir. En tout cas,
ce ne sont pas des militants !»
«Avec les autres, on s’arrange,
renchérit Karim, un autre
colleur. Mais eux, ils nous ont
poussés dans une ambiance...
Au début, on en mettait deux
ou trois, mais quand on a vu
qu’ils recouvraient tout, alors
on a fait pareil !»
Difficile de suivre, reconnaît
Roger Barski, qui a décidé ce
jour-là d’adopter une nou-
velle stratégie : «On va mettre
que trois affiches et laisser le
reste, on verra bien...» Direc-

Par
Stéphanie
Harounyan
Correspondante à Marseille
Photo Patrick
Gherdoussi

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tion la place Sébastopol, près
de la mairie, lieu stratégique
bordé de panneaux blancs,
sur lesquels, en arrivant,
trône partout le visage de
­Martine Vassal, parfois rem-
placé par celui de la tête de
liste de secteur, Jean-Phi-
lippe Agresti. La figure de
Bruno Gilles est apposée sur
trois panneaux. L’équipe s’at-
table au café voisin, et at-
tend. Dix minutes plus tard,
un jeune en scooter déboule :
les trois affiches sont couver-
tes par celles du candidat of-
ficiel de LR... Le jeune repart,
gratifiant ses adversaires de
quelques coups de klaxon.
«Vous voyez, en plus ils nous
narguent !» s’énerve Vitto.

«Mercenaires». Vendredi,
l’altercation a en revanche
opposé deux quadragénaires.
Le plus mal en point, issu du
camp Vassal, est parti à l’hô-
pital avant de porter plainte.
Le colleur de Bruno Gilles a
lui aussi saisi la justice, assu-
rant avoir dû riposter. Le sé-
nateur a en outre annoncé
suspendre sa campagne d’af-
fichage jusqu’au 27 février,
date à laquelle chaque candi-
dat se verra attribuer un seul
panneau par la préfecture.
«Mes militants, notamment
mes afficheurs, sont, pour leur
part et exclusivement, des bé-
névoles, pères et mères de fa-
mille et je ne prendrai pas le
risque de voir leur intégrité
physique remise en cause par
des comportements de merce-
naires», a-t-il ajouté.
De quoi faire bondir Jean-
Philippe Agresti : «Il est regret-
table que M. Gilles cherche, en
prenant les devants, à inverser
la situation et à essayer de se
victimiser en la politisant.
C’est lamentable et la justice
dira de quel côté est le droit»,
a renvoyé dans un communi-
qué le candidat de la liste Vas-
sal dans le secteur, dénonçant
des «méthodes d’un autre
temps [...] qui rappellent les
pires heures de l’histoire poli-
tique marseillaise.» La bagarre
s’est en effet déroulée alors
qu’ailleurs à Marseille, on
commémorait la mort d’Ibra-
him Ali, tué à 17 ans d’une
balle dans le dos tirée par des
colleurs d’affiches du Front
national en 1995. En début de
soirée, le maire LR de Mar-
seille, Jean-Claude Gaudin,
s’est invité dans l’histoire, ap-
pelant chaque partie – issues
de sa propre majorité – à la
«sagesse».•

Les municipales sous tous les angles
Des infos, des coulisses Fait maison («Le directeur
de la communication de Cédric Villani ­gérait
@TeamAbrutis, un compte Twitter parodique anti-Benjamin
­Griveaux»), du décryptage («Pour éviter un casse-tête d’agenda
et d’utilisation des moyens de l’Etat, Gérald Darmanin a choisi de
tout donner pour sa ville de Tourcoing»), de l’humeur... C’est à lire
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