Libération - 22.02.2020

(Brent) #1

Libération Samedi 22 et Dimanche 23 Février 2020 u 21


Il est allongé au sol, face
contre terre, en train
d’être menotté dans le dos
par un policier. Il, c’est
Piotr Pavlenski, l’activiste
russe qui a publié des
photos et vidéos intimes
de Benjamin Griveaux,
poussant l’ancien porte-
parole du gouvernement
à abandonner la course à
la mairie de Paris. Cette
image, où l’on aperçoit
également sa compagne,
Alexandra de Taddeo, de-
bout derrière lui, a fait la
une de Paris Match cette
semaine.
Pourtant, d’un point de
vue juridique, l’arti-
cle 35 ter de la loi modifiée
du 29 juillet 1881 est très
clair : «Lorsqu’elle est réali-
sée sans l’accord de l’inté-
ressé, la diffusion, par
quelque moyen que ce soit
et quel qu’en soit le sup-

port, de l’image d’une per-
sonne identifiée ou identi-
fiable mise en cause à
­l’occasion d’une procé-
dure pénale mais n’ayant
pas fait l’objet d’un juge-
ment de condamnation et
faisant apparaître, soit que
cette personne porte des
menottes ou entraves, soit
qu’elle est placée en dé-
tention provisoire, est pu-
n i e de 15 0 0 0 eu ros
d’amende.»
Contacté par CheckNews,
Hervé Gattegno, directeur
de la rédaction de Paris
Match, assume : «Si la jus-
tice est saisie, on verra
bien. Nous, on considère
qu’il y a un devoir d’infor-
mation supérieur à tout
cela. Si ce débat doit avoir
lieu devant un tribunal, il
aura lieu.» Ces dernières
années, la jurisprudence
s’est plutôt montrée défa-

vorable aux médias atta-
qués. En 2004, le quoti-
dien France Soir, les ma-
gazines VSD et Paris
Match avaient été con-
damnés à payer des
amendes allant de 5 000 à
6 000 euros après avoir
publié des photos de
­Bertrand Cantat menotté,
prises en Lituanie en
août 2003. Le chanteur de
Noir Désir venait alors
d’être arrêté pour le meur-
tre de sa compagne, Marie
Trintignant. Même chose
en 2007, pour le Journal
du dimanche, Métro et
le Nouveau Détective,
après avoir publié des
photos de l’acteur Samy
Naceri ­menotté. Lors de
l’arrestation de Dominique
Strauss-Kahn, en 2011, à
New York, plusieurs chaî-
nes de télévision françai-
ses avaient diffusé des
images de lui, menotté
dans le dos sous le flash
des photographes. Si DSK
n’avait engagé aucune
poursuite à l’encontre des
médias français, le CSA
avait rappelé à l’ordre plu-
sieurs chaînes.
Robin Andraca

«Paris Match» a-t-il


le droit de montrer


Piotr Pavlenski


menotté en une?


nUn chargeur par
induction. Photo Djedzura.
Getty Images. istockphoto
nBenjamin Griveaux,
le 28 mars 2019.
Photo Denis Allard
nTubes de granules
homéopathiques des
laboratoires Boiron.
Photo Hugo Ribes
nPiotr Pavlenski,
à Paris le 14 février. Photo
Lionel Bonaventure. AFP
nExtrait d’une vidéo
montrant des personnes
dormant dans les rues
de Shenzhen. Capture
Twitter @minshengguancha

«Des morts partout à Wuhan. Des centaines
dans les rues.» Selon de nombreux internau-
tes, une vidéo virale montrerait des «cada-
vres» dans des sacs, empilés sur les trottoirs
de la ville chinoise de Wuhan. La preuve,
pour certains comptes Twitter très suivis,
que la Chine sous-estime le nombre de
morts dans la province du Hubei, épicentre
de l’épidémie du Covid-19, comme elle en est
accusée depuis décembre. Officiellement,
la contamination a fait plus de 1 900 victimes
dans cette région du centre de la Chine

(pour un peu plus de 9 000 cas de guérison
recensés). Premier problème : la scène ne se
déroule pas à Wuhan. CheckNews a identifié
la rue en question, qui se trouve à quel-
que 1 000 kilomètres de la capitale de la pro-
vince du Hubei. Il s’agit d’une rue de Shen-
zhen, sur la côte sud-est de la Chine. Surtout,
les objets qu’on peut voir sur les trottoirs ne
sont pas des sacs renfermant des corps mais
des couettes et couvertures, comme une au-
tre vidéo tournée au même endroit permet
de le vérifier. Surtout, vérification faite, ces

images montrent des travailleurs de la ré-
gion du Hubei qui ne peuvent pas rentrer
chez eux à cause du coronavirus et à qui l’on
refuse de louer des logements. Il ne s’agit
donc pas de corps, mais de Chinois bien vi-
vants et contraints de dormir dehors. «Tous
les natifs du Hubei sont désormais considé-
rés comme des virus dans les autres régions,
ils se font dénoncer à la police ou refouler
des hôtels», se désolait auprès de Libé une
Shanghaïenne bloquée dans le Hubei.
V.Co.

Une vidéo


montre-t-elle


des cadavres


dans les rues


de Wuhan?


Jusqu’à la semaine dernière, Benjamin
Griveaux était encore le candidat de
la majorité à Paris. A ce titre, l’ex-porte-
parole du gouvernement pourra bien se
faire rembourser une partie de ses frais
de campagne. Certes, le remboursement
revient normalement aux candidats
aux élections municipales obtenant au

moins 5 % des suffrages, et dans la limite
de 47,5 % du plafond des dépenses de
campagne. Celui-ci, fixé par arrondis­-
sement et selon le nombre d’habitants, va
de 69 000 euros pour les listes présentes
au second tour dans le VIIIe à 312 000 eu-
ros dans le XVe.
Mais même remplacé dans la dernière
­ligne droite, les frais engagés pour Gri-
veaux pourront être remboursés car il
s’agissait du candidat pressenti, estime
la Commission nationale des comptes de
campagne. Il en sera ainsi des dépenses
réellement utilisées, comme des tracts
déjà distribués ou un meeting organisé.
Mais les dépenses qui n’ont pas servi
(des affiches obsolètes qui seront ­jetées)
ne seront pas remboursées. «Cela va être
du cas par cas. L’équipe de campagne de-
vra prouver que les dépenses ont été utili-
sées pour qu’elles soient remboursées»,
explique la Commission. P.M.

Municipales :


les dépenses


de campagne


de Griveaux


seront-elles


remboursées


par l’Etat?

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