Libération - 22.02.2020

(Brent) #1

36 u http://www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe Libération Samedi 22 et Dimanche^23 Février 2020


Chaque samedi, une photo
parue dans le journal observée
d’un peu plus près.

Ciné/ Clean Eastwood


Discret et exultant, le Cas Richard Je-
well est à l’opposé du film testamen-
taire – vocable dont on affuble le ci-
néma de Clint Eastwood depuis plus
de trente ans. Moins le récit de l’anti-
héros eastwoodien que du «faux hé-
ros», ce nouvel opus du cinéaste s’as-
sume en comédie sans roulement de
mécaniques.
Le Cas Richard Jewell de Clint
Eastwood (2 h 09)

Arts/ Ticket de bustes


Si aucun des bustes peints par Chris-
tina Ramberg n’a de tête, ils ont de la
tenue, de l’aplomb et des épaules
de déménageuses. La peinture de
l’Américaine figure des silhouettes
­entravées avec un trait chirurgical.
«Contenir, maîtriser, retenir, remode-
ler, blesser, comprimer, lier, trans­-
former une forme grumeleuse en une
­ligne lisse et nette», écrivait-elle Ce
programme vaut pour ses toiles, sub­-
tiles et rares.
The Making of Husbands :
Christina Ramberg jusqu’au
10 mai au Frac Lorraine, à Metz

Arts/ Passion baston


En 2006, Contact Gonzo se faisait con-
naître avec une vidéo de baston. A la
Maison de la culture du Japon, le col-
lectif expose un art qui bouscule les
normes en allant au contact, passé maî-
tre dans l’art de la branlée. Réduire l’es-
pace entre les corps, quitte à se faire
mal, n’est-ce pas éprouver que l’on est
encore vivant?
Watching you surf
On beautiful accidents
de YuyaTsukahara + Contact
Gonzo jusqu’au 28 mars, Maison de
la culture du Japon (75007).

Ciné/ Sort Alamo


Fin de partie, game over, retour au dé-
sert, au départ. Dans un film roman­-
tique et sombre, le cinéaste tunisien
Ala Eddine Slim narre l’évasion d’un
soldat dans la forêt, sur la carte du
­fantastique où l’on ne s’enfonce
que dans la fuite. Les relations y sont
impossibles : seul l’ensorcellement
­garantit un lien entre les êtres, et le
­langage de cet étrange périple sans
destination est celui du sentiment.
On ne s’y parle qu’en silence, et comme
on jette un sort.
Sortilège d’Ala Eddine Slim
(2 h 00)

Au revoir
Die harde

Mathias BENGUIGUI

Par
Didier Péron

portant sur son dos jusqu’à
Mycènes un sanglier vivant
capturé à mains nues dans la
neige, variations iconogra-
phiques sur les plus couran-
tes figurations criophores
(homme portant un bélier) ou
le Moschophore (qui porte un veau). La bran-
che de buis dans la gueule du sanglier est un
geste de respect du chasseur à sa proie, le der-
nier repas après le dernier souffle. Une union
virile est scellée dans un imaginaire primor-
dial comme chez Lucrèce où l’homme appa-
raît tour à tour chasseur et proie, livré à la na-
ture indomptée : «Surpris par la nuit, il se
couchait nu sur la terre, s’enveloppant d’her-
bes et de feuillages. [...] Parfois happé par son
ennemi [terribles hôtes, les sangliers ou les
lions, ndlr], vivant il se voyait descendre en un
tombeau dévorant ; ses gémissements remplis-
saient les bois et les montagnes.»
Trompe-l’œil : l’homme ployé et la bête tête
haute troublent ici le rapport de force entre
vainqueur et vaincu, de même que le fusil
éclipsé (sur l’autre épaule ?) suggère un épi-
sode de fable compliquée où faisant fi de leurs
terreurs réciproques et des querelles de mau-
vais voisinage, tout pourrait s’achever autour
d’une bonne assiette de glands.•

P


our aller à Plaisians, dans la Drôme, il
n’existe qu’une seule route qui traverse
une sorte de soupirail naturel, les gor-
ges de la Clue, formant une frontière rocheuse
isolant encore un peu plus ce village de mon-
tagne qui ne compte que quelque 200 habi-
tants. Frappés de plein fouet par l’exode rural,
les villageois toujours tournés
vers l’agriculture et l’apiculture
sont désormais largement cernés
par des parcelles de broussailles,
des zones qui ne sont plus tra-
vaillées par l’homme et qui de-
vraient faire la joie de tous les
­petits animaux que l’on voit dans
les dessins animés. Sauf qu’ici,
semble-t-il, seul le sanglier règne
sans grand partage car les trop
mignonnes familles de lapins
ont succombé à l’inflation du
prix du terrier dans le secteur ou

à on ne sait quelle épizootie
foudroyante. Reste l’animal
à poil dur bousillant du groin
et en meute les maraîchages
et que chassent le week-end
les gaillards du coin pour se
détendre et ripailler de la
bête écartelée et taillée à la hache au-dessus
de baignoires de sang où l’on patauge pieds
nus dans une sorte d’ivresse paillarde que pri-
seront peu les végétariens.
Le photographe Mathias Benguigui connaît
bien les lieux pour y avoir grandi. Cette image
a été prise au terme d’une longue attente ma-
tinale en hauteur, une palette dans un arbre.
Une balle a suffi à écrire dans un
style laconique la dernière ba-
lade du sanglier qui traçait pour-
tant pour lui et les siens des per-
spectives plus grandioses et
lointaines, mais... c’est la vie. Au
premier coup d’œil, la scène, qui
illustrait notre annonce du pre-
mier dossier de notre «Fil vert»
consacré à la chasse, à lire sur le
site de Libération, reconvoque
les mythes tracés sur les vases
grecs. C’est tout particulière-
ment Héraclès que l’on montre

Le nouveau dossier
de Libération.fr

LE FIL VERT

LA CHASSE EST-ELLE
ÉCOLO-COMPATIBLE?
DOSSIER, CE JEUDI MIDI SUR LIBÉ.FR MATHIAS BENGUIGUI

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