Les Echos - 24.02.2020

(lily) #1
Pierre-Alain Furbury
@paFurbury

Dans la bataille pour l’Hôtel de
Ville, Rachida Dati peut se targuer
de redonner des couleurs à une
droite parisienne qui en avait bien
besoin. Investie par Les Républi-
cains, en novembre, l’ancienne
ministre de la Justice a démarré sa
campagne avec 16 % des inten-
tions de vote. Elle est aujourd’hui
créditée de 20 % à 25 % des suffra-
ges, selon les sondages.
Tout près du score de Fillon à
Paris à la présidentielle dans la
capitale (26,4 %). La dynamique
est réelle. Mais Rachida Dati est
encore loin d’être à l’Hôtel de Ville.
Et pas seulement parce que les
sondages doivent être pris avec
des pincettes, le scrutin se dérou-
lant par arrondissement.

- L’AR^ RIVÉE DE BUZYN
Jusqu’ici, Rachida Dati a bénéficié
des déboires de LREM. Benjamin
Griveaux n’est jamais parvenu à
être dans le match, avant même
l’affaire de vidéo à caractère sexuel
qui l’a contraint à jeter l’éponge.
Elle en a profité pour récupérer
une partie des électeurs de droite
séduits, depuis 2017, par Emma-
nuel Macron. « Après des années
de flottement, ce qui restait de la
droite parisienne a retrouvé un
patron »
, observe le politologue
Pascal Perrineau. Mais l’arrivée
d’Agnès Buzyn, même si elle est
toujours handicapée par la candi-
dature dissidente de Cédric Vil-
lani, peut changer la donne et


La candidate LREM, Agnès Buzyn, sur le marché du boulevard Quinet, dans le 14 e arrond issement. Photo Eric Tschaen/RÉA

opinion de la candidate LR, contre
41 %. Anne Hidalgo ne fait guère
mieux mais Agnès Buzyn
recueille, elle, un peu plus de bon-
nes opinions que de mauvaises
(47 % contre 45 %). Ce n’est pas
énorme, mais dans la mesure où
Rachida Dati, si elle veut être
maire, doit l’emporter dans les
arrondissements de droite
(notamment le 15e, où l e maire sor-
tant, le LR Philippe Goujon, refuse
de soutenir celle qu’il qualifie de
« mitraillette à mensonges » ) et en
gagner un ou deux autres, cela
peut avoir un impact.

- LES RÉSERVES DE VOIX
Depuis qu’elle s’est lancée,
Rachida Dati mène « à fond » une
campagne de premier tour, axée
sur la sécurité et la propreté. Des
fondamentaux pour l’électorat
conservateur. Cette stratégie,
d’autant plus efficace qu’elle n’a
guère de concurrence à l’extrême
droite, a permis de capter les deux
tiers de l’électorat parisien de
François Fillon de 2017. « Elle
occupe le bon terrain pour l’électo-
rat de droite, où Hidalgo n’est pas
crédible et qu’En marche aurait dû
d’emblée occuper »
, explique un
marcheur issu de la droite.
Mais son niveau n’est pas très
haut : Nathalie Kosciusko-Mori-
zet, aux municipales de 2014,
avait obtenu 35,6 % des voix. Et,
surtout, quid du second tour? Les
Républicains n’ont pas de réser-
ves de voix quand Anne Hidalgo
peut compter sur les écologistes
et Agnès Buzyn peut espérer
récupérer une partie des élec-
teurs de Cédric Villani. « Sur le
papier, le rapport de force est extrê-
mement difficile pour LR. Mais si
elle arrive en deuxième position,
elle peut espérer apparaître comme
le point de ralliement de tout le vote
antiHidalgo »
, souligne Pascal
Perrineau.n


enra yer, à terme, « l’appel d’air »
en faveur de Rachida Dati, selon la
formule d’une tête de liste du parti
présidentiel à Paris.
L’ex-ministre de la Santé est cré-
ditée de 17 à 19 % des voix, d’après
les sondages. Elle a obtenu jeudi le
ralliement de Gaspard Gantzer,
l’ancien conseiller de François
Hollande qui plafonnait à 1,5 %. Et
est partie à la conquête de l’électo-
rat de droite. La bataille pour
incarner le vote utile face à Anne
Hidalgo bénéficie aujourd’hui à
Rachida Dati. Mais elle peut
encore se retourner.

- UNE IM^ AGE CLIVANTE
L’ancienne garde des Sceaux n’a
pas une image plus dégradée
qu’A nne Hidalgo dans les sonda-
ges. Mais elle n’en a pas non plus
une meilleure. Et elle est plus cli-
vante que celle d’Agnès Buzyn,
dont le profil est plus rassembleur
que Benjamin Griveaux. Selon
Ipsos, 52 % des Parisiens pensent
que Rachida Dati ferait un mau-
vais maire, quand 42 % sont d’un
avis contraire. Ses rivaux font un
petit peu mieux, même Cédric Vil-
lani. En outre, selon Harris Inte-
ractive, 56 % ont une mauvaise


La candidate Les Républi-
cains a gagné du terrain
dans les sondages, ce qui
lui permet de se poser en
vote utile face à Hidalgo.
Mais sa dynamique
se heurte encore
à plusieurs difficultés.

Les trois écueils de la candidate LR


Matthieu Quiret
@MQuiret


Ren voyer à la maire sortante l’image
d’une capitale sale et dangereuse.
C’est la même stratégie qu’ont affi-
chée dimanche la nouvelle candi-
date LREM à la Mairie de Paris,
Agnès Buzyn, et Rachida Dati, chez
LR. L’ancienne garde des Sceaux de
Nicolas Sarkozy, dans une interview
au « Parisien Dimanche », affirme
qu’e lle positionnera 3.400 policiers
municipaux armés dans une
antenne par arrondissement. Elle
installera 4.000 caméras de vidéo-
surveillance, contre 1.360 actuelle-
ment. Dénonçant le « bilan chaotique,
épouvantable »
d’A nne Hidalgo, elle
promet de mécaniser le service de
nettoyage de la voirie, d’y employer
« de l’intelligence artificielle » et de
confier aux mairies d’arrondisse-
ments une partie de la propreté.


Privatisation
De son côté, l’ancienne ministre de
la Santé – qui a remplacé au pied levé
le week-end dernier l’ex-candidat
LREM, Benjamin Griveaux –
esquisse dans le « JDD » des priori-
tés très semblables. Ainsi Agnès
Buzyn reprend l’essentiel du pro-
gramme de Griveaux, débarrassé
des projets les plus contestés (dispa-
rus, le fameux Central Park à la fran-
çaise à la place de la gare de l’Est
ainsi que l’apport de 100.000 euros
pour l’achat d’un appartement dans
la capitale). Elle confirme notam-
ment la création d’une véritable
police municipale qu’elle armera et
dotera de caméras piétons. Elle pro-


met aussi une décentralisation de la
gestion de la propreté aux mairies
d’arrondissement et annonce la pri-
vatisation intégrale du ramassage
des ordures ménagères, seule la
moitié de Paris étant actuellement
en délégation de service public.

Place à l’automobile
Les deux rivales d’A nne Hidalgo se
retrouvent aussi contre la politique
anti-voiture de la maire sortante.
« En restreignant la place de la voiture
brutalement, par idéologie, la maire
sortante a créé des problèmes nou-
veaux », cingle Agnès Buzyn qui
favorisera la voiture électrique.
Rachida Dati proposera par référen-
dum de rouvrir les berges à la circu-
lation. Quelques touches permet-
tent néanmoins aux deux femmes
de se distinguer. L’ancienne ministre
de Macron, qui n’oublie pas que la
Mairie de Paris est aussi dotée des
compétences d’un département,
mâtine son programme d’un volet
plus social avec la mise en place d’un
service public de maintien à domi-
cile de personnes âgées.
Rachida Dati, elle, s’engage à
baisser fortement les tarifs munici-
paux pour les familles et les p erson-
nes âgées, annonçant par exemple
une réduction de moitié du prix du
repas de cantine à 3,5 euros.
Un sondage Ifop-Fiducial pour le
« JDD » et « Sud Radio » publié
dimanche installe les trois femmes
dans un trio de tête a ux municipales.
C’est une bonne opération d’abord
pour Agnès Buzyn, qui recueille
19 % d’intentions de vote, derrière la
socialiste Anne Hidalgo (24 %), et la
candidate LR, Rachida Dati (22 %).
Le profil consensuel et rassurant
de l’ancienne ministre de la Santé
fonctionne, le premier objectif du
mouvement LREM est donc atteint.
Non seulement Agnès Buzyn évite la

dégringolade que les tribulations de
Griveaux auraient pu provoquer
dans l’électorat LREM, mais elle
redonne même des couleurs à son
camp. Son prédécesseur était autour
de 15 % d’intentions de vote. Elle
prend notamment des voix au camp
de Cédric Villani, qui tombe à 9 %.n

lDans une interview au « Parisien », Rachida Dati a décrit la police municipale qu’elle installera dans les mairies


d’arrondissement, lesquelles géreront aussi une partie du nettoyage de la voirie.


lDeux priorités que l’on retrouve dans le programme qu’a esquissé la candidate LREM, Agnès Buzyn, dimanche.


Municipales : à Paris, Buzyn et Dati

se disputent la propreté et la sécurité

non négociables » , estime Cédric Vil-
lani, qui se dit notamment favorable
à une police municipale en partie
armée. Il estime toutefois aller plus
loin avec des propositions plus pros-
pectives pour se distinguer : « Il faut
aussi préparer le Paris du futur, de
2030, le Paris de la grande transition
écologique... C’est un enjeu majeur. »
Il propose ainsi de privilégier les
filières bio et en circuit court dans la
capitale, comme c’est le cas dans le
5 e arron dissement.

L’agrandissement de Paris
Cet expert en intelligence artifi-
cielle veut aussi mettre les nouvel-
les technologies au service des
citoyens. « Il faut y avoir recours
pour se décharger des tâches les plus
répétitives et les plus rébarbatives.
C’est la mutation de la technologie
qui sert à redistribuer le partage des
rôles » , explique-t-il. U n autre grand
projet l ui t ient à cœur : « L’agrandis-
sement de Paris e st majeur pour moi,
c’est une proposition forte que tous
les partis politiques m’ont décon-
seillé de mettre sur la table. Imaginez
un futur où les 22 communes limi-
trophes pourraient travailler de con-
cert sur toutes les grandes thémati-
ques de la société, des transports en
commun aux crèches. Personne n’a
osé porter un tel projet » , assure
Cédric Villani.n

LE GRAND RENDEZ-VOUS//EUROPE 1 - CNEWS - « LES ECHOS »


Chantal Houzelle
@HouzelleChantal


Candidat à la Mairie de Paris, Cédric
Villani est déterminé à porter ses
idées et son programme jusqu’au
premier tour des municipales, le
15 mars prochain. Invité dimanche
du « Grand Rendez-vous », l’émis-
sion politique d’Europe 1 en parte-
nariat avec CNews et « Les Echos »,
le député de l’Essonne se défend
d’être un dissident de LREM, dont il
a pourtant é té exclu fin janvier, et ne
fléchit pas, en dépit de ses discus-
sions, la semaine dernière, avec
Agnès Buzyn, l’ex-ministre des Soli-
darités et de la Santé qui a remplacé
au pied levé le candidat du parti pré-
sidentiel, Benjamin Griveaux, mis
hors jeu par l’affaire de la vidéo à
caractère sexuel.
« Il n’y a pas de rapprochement
possible pour le premier tour, on
verra pour le second, c’est loin. Je suis
à l’écoute comme toujours »
, confir-
me-t-il. Lui se dit confiant dans ses


Le candidat à la Mairie
de Paris croit en ses
chances malgré son recul
dans les derniers sondages.
Il estime que le programme
d’Agnès Buzyn, axé sur
la sécurité et la propreté,
« parle à la droite ».


Villani : « Pas de rapprochement


possible avec Buzyn au premier tour »


« Après
des années
de flottement,
ce qui restait
de la droite
parisienne
a retrouvé
un patron. »
PASCAL PERRINEAU
Politologue

ÉLECTIONS

2020

MUNICIPALES

chances et veut toujours « gagner » ,
malgré des sondages en baisse qui
le donnent cinquième, entre 7 et
10 % des suffrages.
Alors qu’A gnès Buzyn a dévoilé
dimanche les grandes lignes de son
programme, le mathématicien
estime que celui-ci « parle à la
droite ». « J’attends de voir l’ensemble
du programme d’Agnès Buzyn, mais
je me retrouve dans ses deux priori-
tés : la sécurité et la propreté de la
capitale, qui sont inconditionnelles et

Le mathématicien veut mettre
les nouvelles technologies
au service des citoyens.

Er

ic Frotier

FRANCE


Lundi 24 février 2020 Les Echos

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