Les Echos - 24.02.2020

(lily) #1

Les Echos Lundi 24 février 2020 FRANCE// 03


Retrouv ez Nicolas Barré dans


le journalde7hpour« L’ éditoéco »


dansle 6h-9h de MatthieuBelliard


Paris en surchauffe


écolo?


LE FAIT
DU JOUR
POLITIQUE

Cécile
Cornudet

P


aris décidément n’est
pas la France.
Trois femmes se
disputent l’Hôtel de Ville.
L’intelligence artificielle fait
officiellement son entrée en
politique en se retrouvant,
inspirée par Cédric Villani,
dans les programmes
de Rachida Dati et d’Agnès
Buzyn, pour résoudre
les problèmes de propreté.
Et l’écologie, qui arrive
en priorité (avec la sécurité)
dans tous les tracts, de tous
bords, des petites et grandes
communes de France,
est questionnée dans la
capitale, pourtant première
concernée par la pollution.
Après Rachida Dati, qui met
en avant la sécurité et la
propreté, Agnès Buzyn entre
dans la course sur les mêmes
thèmes, en abandonnant
la grande mesure verte de
son prédécesseur, Benjamin
Griveaux, la création d’un
Central Park à la place de
la gare de l’Est. Aucune
des deux n’assume de virage
anti-écolo, bien sûr,
Agnès Buzyn promet même
des rues jardin dans chaque
quartier et une meilleure
anticipation des épisodes
de canicule.
Mais les deux font le calcul
que leur meilleur carburant
électoral réside dans le rejet
que suscite, dans une partie
de la population,
la personnalité, et partant

la méthode, d’Anne Hidalgo.
Les deux insistent sur leur
crédibilité de gestionnaire
(Rachida Dati à la mairie
du 7e, Agnès Buzyn dans les
crises sanitaires). Les deux
prennent leurs distances
avec le combat de la maire
contre la voiture, symbole
de sa méthode, disent-elles,
« idéologique » ,
« autoritaire » , « chaotique ».
Pour Rachida Dati, ce n’est
pas une surprise. Le parti LR
n’a que très timidement
enfourché la mode écolo qui
a saisi la politique. Ça l’est
nettement plus pour Agnès
Buzyn, la candidate
d’En marche. Cédric Villani
s’en est d’ailleurs saisi pour
justifier l’absence d’accord
entre eux avant le premier
tour (Europe 1 - « Les
Echos » - Cnews). « Je ne
retrouve pas mes grands
enjeux » , a-t-il souligné,
tandis qu’A nne Hidalgo
dressait le même constat
sur ses deux adversaires
« conservatrices » (Radio J).
Avec la « bienveillance »
affichée du médecin, Agnès
Buzyn entre en campagne
en revendiquant l’étiquette
« d’alternative à Anne
Hidalgo » que brandit
Rachida Dati. L’opération
peut fonctionner tant
la personnalité de la
candidate LR est, elle aussi,
clivante. Mais elle comporte
deux risques. Elle peut jeter
dans les bras d’Hidalgo
les électeurs de Villani.
Elle peut paraître surjouée,
quand Emmanuel Macron
tente au contraire, sur
le plan national, de tourner
la page des retraites pour
lancer une phase écolo.
[email protected]

L’éco logie, c’est elle. Pour contrer Anne Hidalgo,
Rachida Dati et Agnès Buzyn tournent le dos
à la politique qui porte sa marque et sa méthode.

en bref


Salaire des profs : Blanquer promet une
hausse mensuelle de 100 euros en 2021

ÉDUCATION Le minis-
tre de l’Education,
Jean-Michel Blanquer,
a annoncé dimanche
que les professeurs,
dont les hausses de
salaire sont actuelle-
ment en discussion,
gagneront « 100 euros
net » de plus chaque
mois à partir de l’an
prochain pour ceux qui
sont en début de carrière. Les discussions avec les syndicats,
engagées en janvier, doivent déboucher avant l’été sur une loi
de programmation de revalorisations salariales.

Marine Le Pen « réfléchit » à quitter
la tête du RN à l’approche de 2022

POLITIQUE Marine Le Pen a déclaré dimanche qu’elle réflé-
chissait à abandonner la présidence de son parti, le Rassem-
blement national, à l’approche de la présidentielle de 2022,
pour y être la « candidate de tous les Français ». Interrogée
sur les raisons pour lesquelles elle s’était lancée si tôt dans la
course, elle a répondu que, « à la différence des autres respon-
sables politiques » , elle ne « joue pas la fausseté hypocrite ».

AFP


Dessins Kim Roselier pour


« Les Echos »


succès : « On sent une écoute, une
compréhension des problèmes. Agnès
Buzyn ne nous a jamais dit qu’il fallait
absolument remplacer le personnel
absent » , commente la diabétologue
parisienne Agnès Hartemann, dans
la délégation.

Remplacement des absences
Le nouveau ministre leur a promis
d’assurer, dès la fin avril, le rempla-
cement systématique de toutes les
absences prévisibles de paramédi-
caux de plus de 48 heures, afin
« que le principe de polyvalence
subie par les soignants ne soit plus la
règle » , selon le communiqué du
ministère. Les soignants épuisés
attendent en effet des renforts.
Mais la principale difficulté con-
siste à trouver du personnel, en
pleine pénurie. A Paris, un millier
de lits sont fermés faute d’infir-
miers ou d’aides-soignants.
Olivier Véran a aussi confirmé le
lancement d’une étude sur la rému-
nération des soignants et des méde-
cins par rapport à leurs homologues
étrangers, avant de décider d’éven-
tuelles revalorisations. Et il a rappelé
les annonces de sa prédécesseure
dans l e cadre du plan d’urgence pour

égrenées par Agnès Buzyn, sont
jugés insuffisants.
C’est pourquoi le rapport Igas-IGF
de la fin mars sur les modalités de la
reprise de dette est attendu avec
impatience. L’utilisation des crédits
ainsi libérés sera discutée en avril
avec les représentants hospitaliers,
dont le collectif, et chaque hôpital
connaîtra le montant de sa reprise de
dette dès juin, a promis le ministère.
Selon la Fédération hospitalière de
France, plutôt que vers une vraie
reprise de dette, on s’oriente vers une
prise en charge par l’Etat des annui-
tés et des intérêts dus par les établis-
sements. La FHF demande que ces
crédits ne soient pas ponctionnés sur
l’objectif de dépenses hospitalier
(Ondam) et que le gouvernement
n’exige pas en contrepartie l’atteinte
de ratios de désendettement. « Cin-
quante établissements sur 74 8 portent
la moitié de la dette, c’est supportable » ,
explique-t-on à la fédération, où la
priorité affichée est de faire repartir
l’investissement, pas d’embellir les
bilans. La FHF veillera aussi à ce que
le niveau de dette ne soit pas l’unique
clé de répartition, et qu’on tienne
compte de la vétusté des lieux, ainsi
que des besoins des territoires.n

projets bien pensés, avec « des objec-
tifs ambitieux de gradation des soins »
entre hôpitaux. Mais ils sont mal
articulés avec les soins de ville, les
Ehpad, les services d’hospitalisation
à domicile. Pour faire mieux, les
hôpitaux attendent d’avoir un inter-
locuteur dans le cadre des commu-
nautés professionnelles territoriales
de soins (CPTS), qui sont cen-
sées quadriller le territoire avant la
fin du quinquennat et regrouper à
peu près tous les médecins libéraux.
Or ces CPTS prennent du temps à se
mettre en place.

Dossier patient
et achats groupés
Vo ilà qui ne facilite pas la restructu-
ration de l’offre de soins et de la carte
hospitalière promise par Emma-
nuel Macron. A ce propos, la mission
remarque que « la situation finan-
cière très dégradée de certains établis-
sements-supports leur interdit globa-
lement de jouer le rôle moteur que leur
assigne la réglementation ». En
somme, l’hôpital universitaire qui

tient la baguette a trop de dettes et
pas assez de cash p our bien faire exé-
cuter la partition. Selon l’Igas, il fau-
dra « un accompagnement financier
spécifique » « à l’échelle du GHT ».
Quant aux efforts de rationalisa-
tion, ce n’est pas gagné non plus. Au
lieu de choisir un seul système
d’information, on se contente géné-
ralement de les interconnecter. « Le
dossier patient unique, important
pour coordonner l’exercice médical
au niveau du territoire, paraît un
objectif en général très lointain. Des
délais de cinq à dix ans sont évoqués ».
Les financements manquent.
La mutualisation des achats a déjà
fait des pas de géant depuis une
dizaine d’années. Par conséquent, les
gains « ne paraissent pas progresser
avec les GHT ». Malgré ces critiques,
la mission applaudit les résultats des
GHT, « qui, bien qu’incomplets et iné-
gaux, sont en trois ans très supérieurs
à ceux que les communautés hospita-
lières de territoire antérieures présen-
taient sept ans après leur instauration,
en 2009 ». — S. G.

Le nouveau ministre de la Santé, Olivier Véran, a tendu la main aux hospitaliers en grève depuis un an. Photo Geoffroy van der Hasselt/AFP

SANTÉ


Solveig Godeluck
@Solwii

Un médecin hospitalier chasse
l’autre. Avec Olivier Véran au minis-
tère de la Santé depuis une semaine,
la neurologie a remplacé l’hématolo-
gie, et le CHU de Grenoble, l’Assis-
tance publique-Hôpitaux de Paris.
Les fondamentaux n’ont pas changé.
Pourtant, les hospitaliers en grève se
prennent à espérer un nouveau souf-
fle pour l’hôpital. Et Olivier Véran ne
dément pas, expliquant en privé que
sa position au sein du gouvernement
sera un levier pour obtenir les arbi-
trages qu’il a échoué à décrocher en
octobre en tant que rapporteur du
budget de la Sécurité sociale.
Le nouveau ministre n’a pas tardé
à tendre la main aux hospitaliers.
Vendredi, il s’e st rendu à Saint-
Etienne, à l’invitation du syndicat
d’internes généralistes Isnar-IMG.
La veille, il a reçu une délégation de
chefs de service démissionnaires,
membres du collectif interhospita-
lier q ui p oursuit la grève débutée il y a
bientôt un an à Paris. Avec un certain

lLe ministre de la Santé a reçu une délégation du collectif interhospitalier.


lIl a précisé le calendrier de la reprise de dette des hôpitaux.


Avec Olivier Véran, l’hôpital


espère un « nouveau souffle »


Dispenser le b on soin au bon
endroit – ce que l’on a ppelle la grada-
tion des soins, du g énéraliste près de
chez vous au service ultra-spécialisé
d’un grand centre hospitalier. Et,
aussi, économiser sur les frais de
gestion. Ce sont les deux objectifs
assignés par la loi Touraine aux 135
groupements hospitaliers de terri-
toire (GHT) qui ont vu le jour en


  1. Mais trois ans n’ont pas suffi
    pour a tteindre la cible, s i l’on en croit
    un rapport de décembre de l’Inspec-
    tion générale des affaires sociales,
    qui vient d’être rendu public.
    « Globalement, les GHT sont
    encore au milieu du gué, avec des
    déploiements très inégaux »
    , écrit
    l’Inspection. Ils sont en majorité
    encore « en chantier » , estime-t-elle.
    Ces ensembles se sont pourtant


Les progrès poussifs du regroupement hospitalier


Un rapport ministériel tire
le bilan de la restructura-
tion de l’offre de soins
depuis la création, en 2016,
des groupements hospita-
liers de territoire.

l’hôpital de novembre, notamment
une e nveloppe immédiate d e
150 millions pour investir dans le
matériel, et une reprise de dette de
10 milliards d’euros en trois ans afin
de donner des marges de manœuvre
financière aux établissements (envi-
ron un milliard par an).

« Nous avons eu le sentiment que
le tempo s’accélérait, tant mieux,
mais nous ne savons toujours pas si
le milliard dégagé pourra servir à
revaloriser les salaires. Si c’est pour
investir dans les locaux, ça ne
répond pas au problème » , expli-
que Agnès H artemann. Pour attirer
des soignants à l’hôpital, il faut les
payer bien mieux, répètent les grévis-
tes. Les 100 euros par mois accordés
aux 200.000 aides-soignants depuis
janvier, ainsi que les autres primes

L’ Etat pourrait
prendre en charge
les annuités
et les intérêts
de la dette dus par
les établissements.

constitués rapidement et sans bruit.
Mais quelques GHT sont trop petits,
avec par conséquent une offre de
soins « fragile ». De plus, on note des
« velléités de dissidence » de la part de
certains établissements. Les agen-
ces régionales de santé devront y
mettre bon ordre rapidement, esti-
ment les auteurs du rapport.
Les projets médicaux partagés
adoptés par les hôpitaux réunis en
GHT ont deux ans et demi d’exis-
tence. A mi-parcours, leur bilan est
« contrasté ». Ce sont certes de beaux

« Globalement,
les [groupements]
sont encore au
milieu du gué, avec
des déploiements
très inégaux. »
INSPECTION GÉNÉRALE
DES AFFAIRES SOCIALES
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