Les Echos - 24.02.2020

(lily) #1

Les Echos Lundi 24 février 2020 MONDE// 09


communiste veut croire que
les mesures prises pour endi-
guer l’épidémie sont efficaces.
Le bilan des autorités chinoises
a atteint dimanche les
2.442 morts après l’annonce de
97 décès supplémentaires, tous
sauf un dans la province cen-
trale du Hubei, berceau du nou-
veau coronavirus. Si le nombre
de nouveaux cas confirmés est
reparti en hausse (à 648 diman-
che), le nombre de malades
recensés en dehors du Hubei
enregistre une baisse continue
depuis trois semaines : seuls
18 nouveaux cas ont été recen-
sés en dehors du Hubei.

Consommation
d’animaux sauvages
Pékin veut pouvoir s’appuyer
sur ces chiffres pour relancer au
plus vite l’économie. Xi Jinping a
reconnu que l’épidémie aurait
« inévitablement un fort impact
sur l’économie et la société » mais
que son gouvernement accen-
tuerait ses politiques de soutien
pour que les objectifs de déve-
loppement socio-économiques
soient tenus en 2020.
Les propos de Xi Jinping
interviennent à la veille d’une
réunion du comité permanent
de l’Assemblée nationale qui
doit entériner le report de la réu-
nion annuelle de la session par-
lementaire, qui devait à l’origine
commencer le 5 mars. A cette
occasion, doit également être
examinée une motion visant à
élargir la liste des espèces d’ani-
maux sauvages à protéger
et à interdire explicitement la
consommation d’animaux sau-
vages, une pratique qui pourrait
avoir contribué à la transmis-
sion du virus à l’homme.n

Frédéric Schaeffer
_@frschaeffer
— Correspondant à Pékin


Un mois après la mise en
quarantaine de la ville d e
Wuhan, la bataille contre l’épi-
démie de pneumonie virale
est toujours à un stade crucial, a
déclaré dimanche le président
chinois Xi Jinping, exhortant
les p lus hauts responsables g ou-
vernementaux et militaires à
travailler sans relâche pour la
surmonter.
La maladie de coronavirus,
qui a contaminé près de 77.
personnes en Chine, dont plus
de 2.400 mortellement, consti-
tue « la plus grave urgence sani-
taire »
à laquelle est confrontée
la Chine depuis la fondation du
régime communiste en 1949, a
poursuivi le leader chinois,
selon des propos rapportés par
la t élévision d’Etat à l’issue d’une
réunion des plus hauts diri-
geants du Parti communiste.
Elle s’avère « très difficile à préve-
nir et à maîtriser »,
a-t-il encore
poursuivi, tout en reconnais-
sant « des lacunes manifestes »
apparues en réponse à l’épidé-
mie. Le régime a fait face ces
dernières semaines à une vague
de mécontentement inhabi-
tuelle pour avoir tardé à réagir.
Si l a crise sanitaire r este
sérieuse et complexe, le régime


La bataille contre
l’épidémie est toujours
à un stade crucial,
a déclaré dimanche
le président chinois
Xi Jinping, exhortant les
plus hauts responsables
à travailler sans relâche
pour la surmonter.


En Chine, la crise


sanitaire reste


sérieuse et complexe


ter contre la volonté d’Abdelaziz
Bouteflika, au pouvoir depuis vingt
ans mais invisible depuis un AVC en
2013, de briguer un cinquième man-
dat. Le Hirak, mouvement popu-
laire et sans leader que personne
n’avait vu venir tant on disait les
Algériens résignés et dépolitisés,
continue de défier le « système »,
ainsi que les Algériens appellent le
régime opaque et militaro-affairiste
qui essaie de garder la main depuis
la chute de « Boutef ».

« Une volonté de rupture »
Le pouvoir, qui a multiplié les arres-
tations de militants, espérait que
le Hirak s’arrêterait après l’élection
présidentielle, marquée par une
forte abstention, de mi-décembre,
qui a porté à la tête de l’Etat Abdel-
madjid Tebboune, un ex-fidèle du
président déchu. Certes, depuis lors
les défilés semblaient marquer le
pas, mais celui de vendredi, consi-
déré largement comme un test, a
repris de l’ampleur. Jeudi soir, dans
un entretien à la presse nationale,

Abdelmadjid Tebboune, qui avait
présenté fin janvier un programme
censé permettre au pays de « pren-
dre un nouveau départ », a affirmé
qu’il voulait tendre la main au Hirak
et répondre à « toutes ses revendica-
tions », sans autres précisions.
« Nous ne sommes pas venus faire la
fête, nous sommes venus vous déga-
ger! » scandaient les manifestants
de toutes origines sociales, au milieu
d’un important dispositif policier.
« Le peuple veut la chute du régime »,
lançaient-ils également.
Plusieurs organisations citoyen-
nes et partis ont appelé à « la mobili-
sation populaire pour disqualifier
l’agenda de la régénération du sys-
tème et jeter les bases d’une nouvelle
République ». Dans un « Manifeste
du 22-Février » distribué vendredi
par les manifestants, des organisa-
tions proches du Hirak expriment
« une volonté de rupture avec les insti-
tutions actuelles » et le refus « que le
processus de changement soit confié
au pouvoir en place ». Depuis la prési-
dentielle, « il y a une façade constitu-

tionnelle et démocratique, mais en fait
c’est exactement ce qu’il y avait
avant », estime auprès de l’AFP Dalia
Ghanem, chercheuse au Carnegie
Middle East Center de Beyrouth, le
chef de l’Etat élu n’étant que « la
façade civile d’un régime qui reste aux
mains de l’institution militaire ».
— Y. B.

de l’armée syrienne contre le der-
nier grand bastion djihadiste dans
le pays, ainsi qu’au risque d’affron-
tement sans précédent entre sol-
dats turcs et russes. Moscou sou-
tient de manière inconditionnelle
Damas, dont Ankara est l’ennemi.
Appuyées par l’aviation russe, les
forces syriennes ont tué 17 soldats
turcs depuis un mois, dont encore
un samedi.

Fuite de 900.000 personnes
Les dirigeants de l’Union euro-
péenne avaient appelé vendredi à la
cessation de l’offensive militaire
menée depuis deux mois par le
régime syrien dans l a région
syrienne d’Idleb, au nord-ouest du
pays, qui a provoqué la fuite de
900.000 personnes, un chiffre sans
équivalent depuis le début de la
guerre civile en 2011.
« La Russie ne devrait pas permet-
tre au régime (syrien) d’utiliser la
lutte contre des groupes terroristes
comme excuse pour procéder à de
l’épuration ethnique », a souligné
Ankara samedi. Moscou, pour sa
part, accuse la Turquie de protéger
la formation djihadiste Hayat
Tahrir al-Sham, dont les chefs sont
d’anciens dirigeants de la franchise

syrienne d’Al Qaida. Les deux pays,
qui semblaient avoir trouvé un
modus vivendi dans le conflit
syrien, échangent critiques et
menaces depuis dix jours. Moscou
a bloqué une résolution appelant à
un cessez-le-feu, mercredi, lors
d’une réunion à huis clos du Conseil
de sécurité, dans une ambiance
extravagante avec échanges
d’insultes entre diplomates... Les

Etats-Unis et les Européens ont pris
parti, prudemment, pour la Tur-
quie, au nom de la solidarité au sein
de l’Otan et parce que Bachar el-As-
sad « ne fait pas partie de la solu-
tion » à leurs yeux.
La prise d’Idleb permettrait à
Damas de proclamer sa victoire
dans la guerre civile, alors que le
régime turc craint que cela ne sus-

cite un flux ingérable de réfugiés
sur son territoire, à quelques dizai-
nes de kilomètres de là. La Turquie
héberge déjà 3,5 millions de Syriens
en raison de la guerre civile déclen-
chée en 2011. Recep Tayyip Erdogan
a donné jusqu’à la fin du mois aux
forces de Damas pour stopper leur
offensive, faute de quoi l’armée tur-
que interviendra. « Nous surgirons
dans la nuit, sans crier gare » , a-t-il
proclamé mercredi. L e dernier i nci-
dent militaire entre la Turquie et la
Russie, lui-même sans précédent
depuis q uasiment un s iècle, avait vu
l’aviation turque abattre en 2015 un
chasseur russe à la lisière de
l’espace aérien syrien. Vladimir
Poutine avait pris sur lui de ne pas
opérer de représailles.
Si le risque d’une escalade
menant à un conflit direct entre la
Russie e t la Turquie demeure faible,
tant les deux parties auraient à y
perdre, le régime turc se prépare à
l’éventualité de tirs de missiles rus-
ses vers son territoire. Il a demandé
jeudi soir à Washington le déploie-
ment de missiles antimissiles
Patriot, alors qu’elle avait, pied de
nez à l’Alliance atlantique, acquis
l’an dernier des systèmes S400...
russes.n

Yves Bourdillon
@yvesbourdillon

Paris, Berlin, Moscou et Ankara
vont se concerter pour tenter de
stopper l’escalade en Syrie. Le prési-
dent turc, Recep Tayyip Erdogan, a
annoncé samedi la tenue d’un som-
met, l e 5 mars, avec ses homologues
français, Emmanuel Macron, et
russe, Vladimir Poutine, ainsi q ue la
chancelière allemande, Angela
Merkel, consacré à la crise à Idleb,
dans le nord-ouest de la Syrie.
Les quatre dirigeants ont multi-
plié les échanges téléphoniques
vendredi pour convenir de cette
réunion censée mettre fin au drame
humanitaire consécutif à l’offensive

MOYEN-ORIENT


Emmanuel Macron,
Angela Merkel,
Vladimir Poutine et
Recep Tayyip Erdogan,
vont tenir un sommet,
le 5 mars, consacré
à la crise humanitaire
à Idleb, dans le nord
de la Syrie.

Moscou, Ankara, Paris et Berlin


essaient d’éviter le pire en Syrie


Le régime turc se prépare à l’éventualité de tirs de missiles russes vers son territoire. Photo Muhammad Hajkadour/AFP

Les deux pays, qui
semblaient avoir
trouvé un modus
vivendi dans le conflit
syrien, échangent
critiques et menaces
depuis dix jours.

Le mouvement de contestation


reste mobilisé en Algérie


Le Hirak est toujours bien là. Le
mouvement de contestation lancé il
y a un an, jour pour jour, contre le
régime algérien a mobilisé des fou-
les considérables, vendredi, dans
plusieurs villes du pays. Les mani-
festants ont ainsi exprimé leur
défiance envers le régime qui espère
contrôler le processus politique
déclenché par le renversement, en
avril dernier, par l’armée, du prési-
dent Abdelaziz Bouteflika, sous la
pression de la rue. Une mobilisation
toutefois moins importante qu’au
printemps quand des millions
d’Algériens défilaient pour protes-

MAGHREB


Le Hirak, le vaste
mouvement de révolte
qui a fait chuter
le président Bouteflika
en avril, a fêté
son 53e vendr edi
de contestation.
Depuis la
présidentielle,
« il y a une façade
constitutionnelle
et démocratique
mais en fait
c’est exactement
ce qu’il y avait
avant ».
DALIA GHANEM
Chercheuse au Carnegie
Middle East Center de Beyrouth

ces du pays, dont Téhéran. Les
gants et masques ont com-
mencé à apparaître samedi
dans les rues d e la capitale, où les
bus et métros sont désormais
désinfectés. L’épidémie en Iran a
poussé dimanche la Jordanie,
l’Afghanistan et l’Irak à interdire
l’accès à leur territoire à toute
personne en provenance d’Iran,
tandis que le Pakistan et la Tur-
quie fermaient leurs frontières
terrestres. Ajoutant à l’isole-
ment économique du pays pour
cause de bras de fer avec les
Etats-Unis.

Les Iraniens sont d’autant
plus inquiets qu’ils font peu
confiance à un régime pris en
flagrant délit de mensonge le
mois dernier, après la destruc-
tion par erreur d’un avion de
ligne ukrainien par la défense
antiaérienne. Le guide
suprême, l’ayatollah Ali Kha-
menei, a prétendu dimanche
que les discours sur une épidé-
mie en Iran é taient le fruit d’une
« propagande étrangère » visant
à dissuader les Iraniens d’aller
aux urnes. La participation n’a
d’ailleurs pas dépassé 43 % offi-
ciellement, au plus bas depuis
1979, en raison notamment
du boycott des modérés dont la
plupart des candidats avaient
été invalidés. — Y. B.

Les Iraniens ont voté la tête
ailleurs et la peur au ven-
tre. L’enjeu des législatives de
vendredi dernier a été totale-
ment supplanté par les inquié-
tudes liées à la propagation
rapide du coronavirus. Une
souche fortement létale et d’ori-
gine inconnue : les autorités
ont annoncé trois nouveaux
décès dimanche, portant le
bilan à huit victimes sur 43 per-
sonnes infectées, un ratio de
létalité de 20 %, dix fois supé-
rieur à celui constaté officielle-
ment en Chine. Et les premiers
malades iraniens, mercredi
dernier, n’avaient eu aucun
contact avéré avec des person-
nes venant de Chine. Ce qui
confirmerait les craintes de
ceux des épidémiologistes
qui estiment que la durée
d’incubation et de contagiosité
sans symptômes serait bien
supérieure aux quatorze jours
avancés jusqu’ici.


« Propagande étrangère »
Le nombre réel de morts et de
personnes infectées en Iran
serait trois fois supérieur aux
données officielles, selon divers
documents de médecins ira-
niens diffusés sur les réseaux
sociaux, ce que corrobore le fait
que les autorités ont reconnu
samedi que le virus était présent
dans la plupart des villes ira-
niennes. Elles ont d’ailleurs pris
des mesures prophylactiques
d’envergure, avec la fermeture
des écoles, universités et lieux
culturels dans 14 des 31 provin-


Le scrutin aux
législatives de vendredi
a été éclipsé par
l’angoisse des Iraniens
devant la propagation
rapide de l’épidémie.


L’ Iran a voté dans la


hantise de la contagion


L’épidémie
a poussé dimanche
la Jordanie,
l’Afghanistan
et l’Irak à interdire
l’accès à leur
territoire à toute
personne en
provenance d’Iran.
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