Le Monde - 12.03.2020

(Tina Meador) #1
0123
JEUDI 12 MARS 2020 planète | 7

washington ­ correspondant

C


onfronté, après d’autres,
à l’épreuve que repré­
sente le coronavirus
pour la santé et l’écono­
mie aux Etats­Unis, Donald
Trump ne cesse d’osciller entre les
impératifs de sa fonction et son
humeur. Il en a donné une nou­
velle fois l’illustration, mardi
10 mars, professant un opti­
misme qui a tranché à nouveau
avec la prudence des experts en
première ligne face à l’épidémie.
« Cela va disparaître, il faut juste
rester calme », a­t­il lancé, se féli­
citant une nouvelle fois du « très
bon travail » réalisé selon lui par
l’équipe dirigée par le vice­prési­
dent, Mike Pence. Ce dernier a
réactivé depuis bientôt deux se­
maines la salle de presse de la
Maison Blanche pour y tenir des
briefings presque quotidiens, en­
touré des meilleurs spécialistes.
Cette omniprésence accentue la
distance prise par Donald
Trump, qui a multiplié les affir­
mations erronées au cours des
derniers jours.
Il avait ainsi insisté, lors de l’une
de ses premières interventions
sur le sujet, le 27 février, sur le fai­
ble nombre de cas de contamina­
tion alors enregistré aux Etats­
Unis, alors que ses experts insis­
taient sur leur essor à venir, jugé
inévitable. Il a ensuite promis un
vaccin rapidement, une perspec­
tive repoussée par ses conseillers,
puis assuré que les tests de dépis­
tage seraient disponibles pour
tous, ce qui ne sera pas le cas avant
des semaines.
Après l’effondrement de Wall
Street, lundi, de retour à la Maison
Blanche après un week­end dans
son club de luxe de Mar­a­Lago,
en Floride, il a tenu à rassurer les
Américains en promettant des
mesures de « grande ampleur »
pour soutenir l’économie au
cours d’une conférence de presse
tenue avec les membres du co­
mité mis sur pied pour répondre à
la crise sanitaire. Le lendemain, il
s’est bien rendu au Congrès, mais
il n’y a rencontré que des respon­
sables républicains.
Il a évité la speaker (présidente)
de la Chambre des représentants,
Nancy Pelosi, avec laquelle il en­
tretient des relations tendues, et
qu’il a critiquée sur son compte
Twitter dans la matinée. Cette
dernière a fait savoir que les dé­
mocrates préparaient un plan de
leur côté. Parvenir à un consensus
risque de prendre du temps.

« Pas de la faute de notre pays »
Lundi, le président s’était montré
amer sur son compte Twitter, op­
posant une nouvelle fois la mor­
talité de la grippe à celle du Co­
vid­19. « L’année dernière,
37 000 Américains sont morts de
la grippe normale. La moyenne
est généralement entre 27 000 et
70 000 par an. Pourtant, rien n’est
fermé, la vie et l’économie conti­
nuent. Il existe actuellement
546 cas confirmés de coronavirus,
avec 22 décès. Pensez­y! », avait
pesté Donald Trump après avoir
dénoncé sans autres précisions
« les infos bidons ». Vendredi, il
avait qualifié de « serpent » le
gouverneur de l’Etat de Washing­
ton, Jay Inslee, après les critiques
de ce dernier visant les lenteurs
de l’Etat fédéral. L’Etat de
Washington est le plus sévère­
ment touché par le virus.
Le président était également re­
venu sur sa décision d’interdire
l’accès au territoire américain, le

31 janvier, aux étrangers venant
de Chine, premier foyer de l’épi­
démie. « La MEILLEURE décision
prise a été la plus difficile de
toutes – ce qui a sauvé de nom­
breuses vies. Notre décision, TRÈS
tôt, d’arrêter de voyager vers et de­
puis certaines parties du
monde! », a­t­il affirmé, alors que
le virus s’est depuis répandu
dans la majorité des Etats améri­
cains. « Ce n’est pas de la faute de
notre pays », s’est défaussé plus
tard le président.
Les démocrates reprochent au
président d’avoir perdu du temps
après sa décision du 31 janvier. Ils
laissent entendre que Donald
Trump n’a cessé de se montrer

exagérément optimiste, au point
de contredire les experts de son
administration, pour tenter de
préserver la bonne santé de l’éco­
nomie et de la Bourse, sur les­
quelles il a indexé la réussite de
son mandat. Il n’a d’ailleurs pas
eu un mot pour l’effondrement
de Wall Street, lundi, alors qu’il
n’a cessé de revendiquer les re­
cords battus depuis son arrivée à
la Maison Blanche.

Meetings démocrates annulés
Ce message brouillé a été illustré
symboliquement par les interro­
gations qui se sont multipliées
lorsque trois responsables répu­
blicains qui ont côtoyé le prési­
dent, les jours précédents, se sont
placés en quarantaine volontaire
après avoir été exposés au virus,
sans présenter pour l’instant de
symptômes. Le premier d’entre
eux n’est autre que Mark Mea­
dows, promu vendredi chef de
cabinet de Donald Trump. Le
deuxième, l’élu de Floride Matt
Gaetz, testé négatif mardi, a
voyagé la veille à bord de l’avion
présidentiel Air Force One. Le
troisième, Doug Collins (Géor­
gie), avait accompagné Donald

TROIS RESPONSABLES 


RÉPUBLICAINS, QUI ONT 


CÔTOYÉ LE PRÉSIDENT, 


SE SONT PLACÉS 


EN QUARANTAINE APRÈS 


AVOIR ÉTÉ EXPOSÉS


AU VIRUS


Aux Etats­Unis, Donald Trump s’obstine


à minorer l’impact de l’épidémie


Le président américain a promis des mesures de « grande ampleur » en faveur de l’économie


Trump lors d’une visite officielle
au siège des Centres pour le con­
trôle et la prévention des mala­
dies, vendredi, à Atlanta. Tous
ont croisé une personne infectée
lors du rassemblement annuel
des conservateurs américains
dans la banlieue de Washington,
une semaine plus tôt.
Mardi soir, alors que six Etats
délivraient leur verdict dans la
course à l’investiture présiden­
tielle démocrate, les deux der­
niers candidats, Joe Biden et Ber­
nie Sanders, ont annulé par pré­
caution les meetings prévus
pour célébrer leurs victoires. Do­
nald Trump, dont la campagne
de réélection repose en bonne
partie sur les rassemblements de
milliers de supporteurs, n’a pas
indiqué pour l’instant s’il révise­
rait ses plans.
Le président des Etats­Unis doit
justement retrouver ses troupes
vendredi dans le Nevada. Il a as­
suré mardi être prêt à se faire tes­
ter. « J’ai parlé au médecin de la
Maison Blanche, il dit qu’il n’y
avait aucune raison de le faire,
pas de symptômes, rien du tout »,
a­t­il ajouté.
gilles paris

Au col du Brenner,


l’Autriche prête à refuser


les arrivées depuis l’Italie


Vienne se résout à la fermeture partielle
de ce passage entre le nord et le sud des Alpes

REPORTAGE
col du brenner (autriche) ­
envoyé spécial

L


e poète voyageur allemand
Friedrich von Matthisson
l’avait qualifié en 1799 de
« col connu pour être le plus sûr et
le plus agréable, pour nous ame­
ner, les gens du Nord, vers l’Italie ».
Mercredi 11 mars, le col du Bren­
ner, axe de circulation majeur
pour l’Europe, n’amène plus
grand monde de l’Autriche vers
l’Italie, et inversement. L’auto­
route par laquelle transitent d’ha­
bitude 7 000 camions par jour ne
ressemble plus qu’à un axe déser­
tique du Massif central. La gare est
vide. Les centres commerciaux
italiens destinés aux Autrichiens,
délaissés. Le coronavirus est par­
venu à faire ce que des années de
mobilisation des habitants des
deux côtés de la frontière n’ont
jamais réussi : réduire la circula­
tion passant entre les montagnes,
à 1 370 mètres d’altitude.
La veille, l’Autriche a en effet an­
noncé un régime de quasi­ferme­
ture de la frontière. « Pour éviter les
contaminations, nous avons dé­
cidé d’une interdiction d’entrée sur
le territoire pour les personnes ve­
nant d’Italie, à l’exception de ceux
qui peuvent présenter une attes­
tation médicale », a affirmé le chef
de gouvernement conservateur
Sebastian Kurz depuis Vienne, en­
touré de son ministre de la santé
et de celui de l’intérieur. Avec seu­
lement 206 cas et pas un seul
décès sur l’ensemble de son terri­
toire, l’Autriche est devenu le pre­
mier pays frontalier avec l’Italie à
introduire de telles restrictions. Il
a rapidement été suivi par la petite
Slovénie, au nord­est.

« On n’a pas le choix »
Mercredi matin, de simples con­
trôles de température avaient
commencé à la frontière. Pris de
court, la police et les services auto­
routiers ne semblaient pas encore
en mesure de contrôler sur­le­
champ tous les passages d’une
frontière totalement ouverte de­
puis l’adhésion de l’Autriche à
l’Union européenne en 1995. Le
trafic automobile était néan­
moins « réduit de 90 % », selon le
conducteur d’un chasse­neige. Le
transport des marchandises étant
toujours autorisé, le flot des ca­
mions, en revanche, se poursui­
vait, mais à un rythme aussi infé­
rieur. « Je comprends tout à fait
cette mesure, on n’a pas le choix »,
défend un patrouilleur du côté ita­
lien, en possession d’une autori­
sation du ministère de l’intérieur
italien pour continuer de circuler.
Pour l’instant, au nord­ouest de
l’Italie, la France résiste. Cette idée
est « mauvaise », a affirmé Em­
manuel Macron mardi soir, en

parlant de « mesures dispropor­
tionnées ». Pour un président qui
s’est fait fort de défendre « une ré­
ponse européenne coordonnée »,
et qui ne veut pas lâcher ses alliés
italiens, le blocage de frontière est
un symbole de désunion. Même
si M. Kurz a assuré que cette me­
sure avait été « discutée » avec
Rome, les Italiens ne semblent
pas l’avoir accepté. « Je comprends
que certains soient en colère en rai­
son de la façon dont sont traités les
Italiens à l’étranger. Nous nous
souviendrons de tous les pays qui
nous ont été proches en cette pé­
riode, qui ont été avec nous en ces
moments de difficulté », a déclaré
le ministre des affaires étrangères
italien, Luigi Di Maio, sur Face­
book. Le pays a dépassé les
10 000 cas, avec 631 décès.

Vols et trains annulés
Tous les vols et les trains vers l’Ita­
lie ont été annulés. Seuls les ci­
toyens autrichiens, qui sont appe­
lés à rentrer immédiatement chez
eux, devraient être autorisés à le
faire sans contrôle, en s’enga­
geant à respecter une quaran­
taine de 14 jours « à leur domi­
cile ». Le ministre de l’intérieur a
par ailleurs précisé que les per­
sonnes à destination d’autres
pays mais qui ne s’arrêteraient
pas en Autriche seraient autori­
sées à circuler. Pour cela, tout pas­
sage sera enregistré à la frontière
et il sera vérifié que les véhicules
ont suffisamment de carburant.
Mardi soir, alors que la frontière
se fermait très progressivement,
les voyageurs se précipitaient
pour pouvoir rentrer chez eux
avant que le couperet tombe. A la
gare d’Innsbruck, trois étudiants
italiens, Leonardo, Andrea et
Maia, cherchaient désespérément
à rallier Trente, après une semaine
de vacances aux Pays­Bas. « Notre
vol direct pour l’Italie a été annulé,
nous avons été déroutés vers Inns­
bruck. C’est ensuite le Flixbus qui
devait nous ramener depuis ici qui
a été annulé », raconte Leonardo,
en essayant de réserver un billet
de train. Non sans mal, le vendeur
parvient à lui trouver des billets
pour un des derniers trains en
partance. La plupart des autres
passagers doivent sinon changer à
la gare quasi désertique du Bren­
ner, où des militaires italiens les
accueillent la bouche protégée par
leurs écharpes. Le chef de gare
s’est enfermé dans son bureau sur
lequel il a collé une affiche « Zone
Sans Virus. Entrée interdite ».
A la station Shell, juste avant le
poste de frontière sur la route na­
tionale, le pompiste assurait ne
percevoir aucune différence. « Les
Polaks continuent de passer avec
leurs virus et leurs camions. Et per­
sonne ne dit rien », affirme­t­il, en
pointant du doigt les nombreuses
camionnettes immatriculées en
Europe de l’Est d’ouvriers du bâti­
ment ou de salariés de la restaura­
tion. Accoudé au bar, Markus,
58 ans, habite le dernier immeuble
accolé à la frontière. « Les policiers
sont en train d’y aménager des ap­
partements pour dormir, c’est bien
qu’ils ferment la frontière. Moi, ils
m’ont dit que j’aurais le droit de
continuer d’aller et venir en Italie »,
dit­il sans état d’âme pour la fin de
la liberté de circulation qui a pour­
tant tant façonné les pentes du
Brenner. « L’Italie a de toute façon
interdit aux Italiens de se déplacer.
On sera plus tranquille. »
jean­baptiste chastand

▶▶▶


FRANCE

SUISSE
SLOVÉNIE

AUTRICHE

Rome

Vienne

Milan Crimée

ITALIE

Mer
100 km Méditerranée

Col
du Brenner

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