Les Echos - 03.03.2020

(Dana P.) #1
en France – plus que le cinéma – et
un chiffre d’affaires direct et indirect
de 4,9 milliards d’euros. Mais ses
acteurs sont essentiellement des
petites entreprises, voire des très
petites, déjà fragilisées par les muta-
tions du secteur (numérique, inter-
nationalisation de la c oncurrence...)
et par les réglementations de plus en
plus contraignantes, notamment en
matière de bruit. Les coûts de sécu-
rité et de sûreté ont ainsi explosé
depuis l’instruction de mai 2018, le
secteur devant prendre en charge
les frais de police et de gendarmerie
en lien direct avec ces événements.
« Nous avons des trésoreries faibles
et des marges négatives : moins 0,2 %
quand la moyenne nationale, tous
secteurs confondus, se situe à 7 %. Et
donc une capacité d’investissement et
d’absorption des chocs exogènes limi-
tée » , soulignait récemment Olivier
Darbois, président du Prodiss,
devant des candidats aux municipa-
les à Paris, symboliquement réunis
au Bataclan, toujours délaissé par le
public depuis les actes terroristes de
novembre 2015.
Nombre de producteurs se disent
pris en étau entre des salles dont les
coûts de location augmentent et des
cachets qui flambent, les artistes
étant plus gourmands depuis la
chute des ventes de disques, profi-
tant parfois de la surenchère des
géants mondiaux comme Live
Nation et AEG. « Nos entreprises
gagnent peu d’argent. A Paris, il n’est
même pas rare qu’elles en perdent, en
raison d’une mauvaise répartition de
la richesse » , reconnaît Pierre-
Alexandre Vertadier, le patron de
Décibels Productions. Dans ce con-
texte, le développement de nou-
veaux talents, qui représente une
prise de risque importante pour des
petites sociétés, pourrait bien lui
aussi être sérieusement menacé par
le coronavirus.n

lLes producteurs de spectacle


étaient déjà ces derniers temps


confrontés à des marges négatives...


lL’ interdiction des rassemblements


au-delà de 5.000 personnes pour


cause de coronavirus et les mesures


de confinement dans certaines villes,


assombrissent encore le paysage.


Le coronavirus dévastateur pour


le secteur du spectacle vivant déjà fragilisé


SPECTACLE VIVANT


payons pas l’artiste avant son
show : si une date de concert est
annulée, on peut passer à une autre
étape de la tournée » , ont expliqué
Michel Rapino et Joe Berchtold
aux investisseurs.
Le modèle économique de Live
Nation commence par les con-
certs et s’enrichit de toutes les
recettes annexes : billetterie, par-
rainages et publicité, hospitalités
(offres premiums, loges...). L’an
dernier, la fréquentation des con-
certs a augmenté de 5 %, avec une
progression de 2,5 % en Amérique
du Nord et de 10,6 % à l’internatio-
nal. Du coup, sa très lucrative acti-
vité de billetterie, Ticketmaster, a
vu son résultat d’exploitation croî-
tre de 15 %, tandis que son unité
Sponsoring et Publicité augmen-
tait son chiffre d’affaires de 17 %, à
59,3 millions de dollars.
Avec l’augmentation de 66 %
des ventes de billets Platinum lors
de 3.000 événements, le prix
moyen des billets pour les specta-
cles dans les théâtres et arenas a
connu une croissance à deux chif-
fres ces trois dernières années. Et
Live N ation continue d’acheter des
sociétés de billetterie dans le
monde entier.
Et pour 2020, Live Nation se
dirige même vers un record, selon
son directeur général Michael
Rapino, puisque la multinationale
de la musique va organiser encore
plus de concerts. A moins que le
coronavirus fasse plus de dégâts
qu’estimé à ce stade. — M. R.

Le roi du concert Live Nation vise


quand même une année record en 2020


Jolie prestation pour le plus grand
organisateur de concerts au
monde, Live Nation. Son action a
regagné presque 5 points à Wall
Street à l’annonce des résultats
jeudi dernier – ce qui lui a permis
de se donner un peu d’oxygène
après une chute de 22 % de son
cours de Bourse en une semaine à
cause du coronavirus. Le chiffre
d’affaires de Live Nation a aug-
menté de 7 % l’an dernier, à
11,5 milliards de dollars, et son
résultat d’exploitation ajusté a
bondi de 14 %, à 942,5 millions.

Reports et annulations
Av ec des événements sur les cinq
continents, Live Nation ne se sent
pas menacé par l’épidémie. Son
directeur général, Michel Rapino,
considère que la diversité géogra-
phique de Live Nation protège
l’entreprise des dommages poten-
tiels du virus. L’Asie représente
0,01 % des activités de la société,
même compte tenu de ses déve-
loppements récents à Taïwan et à
Singapour.
Aussi l’annulation de 17 specta-
cles en Chine censés r éunir

Présente sur les cinq
continents, la multinatio-
nale américaine compte
sur son assise géographi-
que pour résister au
coronavirus. Son chiffre
d’affaires en 2019 a aug-
menté de 7 %, à 11,5 mil-
liards de dollars.

Les rassemblements de 5.000 personnes en milieu confiné sont temporairement interdits, ce qui impacte les spectacles dans nombre
d’arenas et zéniths. Ph oto Sébastien Bozon/AFP

Les grandes
scènes
pénalisées

Les salles de grande jauge
sont aussi pénalisées.
Quand un concert est
annulé suite à un arrêté,
elles perdent les recettes
des bars (de 2 à 8 euros par
spectateur) et restaurants,
du merchandising (très
élevé sur des spectacles
comme la K-pop, par
exemple), de la location de
la salle au producteur du
spectacle. Soit les deux-
tiers du chiffre d’affaires.
Dimanche, l’AccorHotels
Arena a ainsi annulé le
show hip-hop Juste
Debout. « Mais nous cher-
chons au maximum à
reporter les concerts, à la
fin de la saison, voire à la
saison prochaine » , souli-
gne Nicolas Dupeux à
l’AccorHotels Arena. Et
quand les salles organi-
sent elles-mêmes le spec-
tacle , comme « Roméo et
Juliette », chorégraphié
par Benjamin Millepied, à
La Seine Musicale fin mai,
elles se retrouvent
contraintes d’annuler, de
reporter ou d’attendre les
prochaines directives si le
spectacle est encore loin.
« Dans l’intervalle, les
réservations s’effondrent
car le public attend lui
aussi », note Olivier Haber,
directeur de la Seine
Musicale.

« Beaucoup
de producteurs qui
se maintenaient
déjà hors de l’eau
depuis les
attentats de 2015
ne passeront pas
le cap. Les
réservations sont
en chute libre. »
MALIKA SEGUINEAU
Directrice générale du Prodiss

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Martine Robert
@martiRD


Cela risque de faire mal. « Après les
grèves des transports, les mouve-
ments sociaux et les “gilets jaunes”, le
coronavirus va toucher sévèrement le
monde du spectacle, si au fur et à
mesure de l’évolution de l’épidémie,
les instructions de fermeture d’équi-
pements culturels ou d’annulation de
concerts se font plus draconiennes »
,
pronostique Aurélien Binder, à la
tête de Fimalac Entertainment.
Nombre de producteurs n’ont
pas, comme lui, contracté une assu-
rance annulation pour cause de
pandémie. Déjà, les rassemble-
ments de plus de 5.000 personnes
en milieu confiné sont interdits, ce
qui annule beaucoup de concerts
dans les Arenas et les Zéniths de
France. Cette interdiction touche
potentiellement des centaines de
salles de spectacles en France et des
milliers d’événements culturels
selon le Prodiss, le syndicat des pro-
ducteurs de musique, des théâtres
privés et cabarets.
Car les dégâts vont bien au-delà
de ces lieux à jauge élevée. « J’ai
35 petits concerts programmés cette
semaine. Certains dans l’Oise, où des
mesures de confinement peuvent être
exigées, seront peut-être annulés,
ainsi que dans le Morbihan, où toute
manifestation collective est interdite.
Il faut clarifier les directives, on en a
besoin pour s’organiser, et le public
aussi »
, déplore Angelo Gopee,
directeur général de Live Nation
France.


« Flou sur les directives »
« Be aucoup de producteurs qui se
maintenaient déjà hors de l’eau
depuis les attentats de 2015 ne passe-
ront pas le cap. Les réservations sont
en chute libre, alors que mars-avril est
une période de grosse activité, suivie
de la saison des festivals. Et le flou sur
les directives, les dates concernées, est
dévastateur pour les organisateurs
qui ne p euvent même pas se retourner
sur les assureurs »
, s’inquiète Malika
Seguineau, directrice générale du
Prodiss. Le spectacle musical et de
variété représente 135.000 emplois


135.


EMPLOIS
Les effectifs du spectacle
musical et de variété en France.
Soit plus que le cinéma.


75.000 spectateurs, a eu u n
impact minime, selon son prési-
dent, Joe Berchtold. En Italie, pays
très touché également par la pan-
démie, Live Nation n’a p ro-
grammé que 30 concerts avec
125.000 spectateurs, essentielle-
ment au printemps et à l’été pro-
chain, ce qui laisse à la multinatio-
nale le temps d’échapper aux
conséquences d’annulations si le
virus est rapidement contenu,
a-t-il estimé.

Live Nation s’attend néanmoins
à des annulations ici et là en fonc-
tion de l’évolution de la pandémie
qui pourrait se propager aux
Etats-Unis, son premier bastion.
Et si le public prend peur et
déserte les salles de concerts, il y
aura forcément des reports, réor-
ganisations, voire annulations
pure et simple de tournées. « Ne
vous inquiétez pas, les dommages
financiers seront limités. Nous ne

Le modèle
économique de Live
Nation s’enrichit
de toutes les recettes
annexes...

...billetterie,
parrainages
et publicité,
hospitalités.

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Mardi 3 mars 2020 Les Echos

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