Le Monde - 08.03.2020 - 09.03.2020

(Marcin) #1

8 |planète DIMANCHE 8 ­ LUNDI 9 MARS 2020


0123


La propagation du virus affole les marchés


Les indices ont encore plongé cette semaine, les investisseurs scrutent le nombre de nouvelles contaminations


É P I D É M I E D E C O V I D ­ 1 9


Aux Etats­Unis, le monde de


la tech rattrapé par le coronavirus


Annulation des cours à Stanford, télétravail chez Apple ou
Microsoft : la Côte ouest multiplie les mesures de précaution

san francisco ­ correspondante

L


a Californie à son tour est
entrée en état d’urgence.
Le gouverneur, Gavin New­
som, a proclamé cette mesure
le 5 mars, après l’annonce du
premier décès du au coronavirus
dans l’Etat. La victime, un homme
de 71 ans, avait participé à une
croisière de dix jours entre San
Francisco et le Mexique, du 11 au
21 février, sur un paquebot de la
compagnie Princess Cruises. Il est
décédé deux semaines plus tard, à
son domicile de la région de Sa­
cramento, en Californie du Nord,
onzième des quinze victimes re­
censées aux Etats­Unis.
L’épisode a entraîné une course
de vitesse pour localiser les passa­
gers qui avaient voyagé avec lui. Le
bateau Grand­Princess, qui entre­
temps avait embarqué 2 500 nou­
veaux passagers pour une autre
croisière vers Hawaï, a fait demi­
tour dans le Pacifique, pour ren­
trer à San Francisco. Samedi
7 mars, le paquebot – similaire au
Diamond­Princess, longtemps im­
mobilisé au large du Japon – était
ancré à 110 km de la côte, avec
3 400 personnes à bord. Les pre­
miers tests – parachutés par
deux hélicoptères de la garde na­
tionale – ont montré que 21 per­
sonnes étaient contaminées, mais
moins d’une centaine de passa­
gers avaient pu en bénéficier.
La Californie, 40 millions d’habi­
tants, n’a déclaré « que » 84 cas


  • dont 50 dans la baie de San Fran­
    cisco, mais les responsables de la
    santé publique sont inquiets. Ils
    craignent d’avoir perdu un temps
    précieux en raison de la décision
    du Center for Disease control
    (CDC) – révisée le 4 mars seule­
    ment – de ne tester que les person­
    nes ayant voyagé à l’étranger.


Le télétravail s’est répandu
comme un feu de paille. Twitter,
LinkedIn, Microsoft, et même Ap­
ple, vendredi, ont demandé à leurs
employés de s’abstenir de venir au
bureau. L’université Stanford, où
deux étudiants sont à l’isolement,
a indiqué que tous les cours se­
raient remplacés par un enseigne­
ment en ligne à partir du 9 mars.
C’est la deuxième université amé­
ricaine à suspendre les cours, avec
celle de l’Etat de Washington.

« Une leçon d’humilité »
A Seattle (Etat de Washington),
un des salariés du siège d’Amazon
a été testé positif pour le corona­
virus : tout le personnel a été invité
à travailler à domicile, à l’image
des salariés de Microsoft. Seattle,
qui est aussi la ville de Bill Gates,
est devenue la « capitale » du
Covid­19 : sur quinze morts aux
Etats­Unis, quatorze proviennent
de cette ville, pour la plupart des
patients d’une maison de retraite.
« Dans une ville qui est au cœur de
la technologie, de la recherche
médicale et des efforts de santé pu­
blique mondiale ; une ville qui se
consacre à essayer d’éradiquer les
épidémies, pas à y succomber, c’est
une leçon d’humilité », écrit la spé­
cialiste de l’histoire de la Silicon
Valley, Margaret O’Mara, dans le
New York Times.
Les conférences sont annulées
les unes après les autres. Après la

Game Developers Conference,
rendez­vous du jeu vidéo à San
Francisco, et le show annuel F8 de
Facebook, c’est l’événement bran­
ché des « techies », le festival SXSW
d’Austin (Texas), qui a jeté l’éponge
vendredi, au « désespoir » de ses or­
ganisateurs. Pour les program­
meurs, travailler à domicile n’a pas
que des désagréments. « Etre con­
finé chez soi n’a jamais été aussi
plaisant », écrit Ian Bogost, un spé­
cialiste de la culture des jeux vi­
déo, dans le magazine Atlantic.
Les actions qui ont échappé à la
chute de Wall Street sont celles
de compagnies de divertissement
(Netflix), de sport en appartement
(Peloton) ou de vidéoconférence
(Zoom). Rien de tel en revanche
pour le « prolétariat du numéri­
que », selon l’expression du chro­
niqueur Charlie Warzel, les li­
vreurs, chauffeurs, manutention­
naires qui ne bénéficient pas de
congés maladie. Le sénateur dé­
mocrate Mark Warner a écrit aux
PDG de Uber, Lyft, Postmates,
Grubhub, DoorDash et Instacart
pour leur demander de continuer
à payer leurs contractuels en qua­
rantaine. Il n’a fallu que quelques
heures pour que Uber annonce
qu’il acceptait.
Les plates­formes technolo­
giques, d’habitude réticentes à
« censurer » les contenus, ont réagi
avec une rapidité exceptionnelle
pour empêcher la publication de
fausses nouvelles ou de théories
complotistes. Facebook, qui a in­
clus dans son fil d’actualité une
fenêtre qui renvoie à la page
Covid­19 du CDC, a proposé de dif­
fuser gratuitement les messages
de l’OMS. Twitter, Facebook, You­
Tube et Instagram ont entrepris de
faire la chasse aux annonces van­
tant des cures miraculeuses.
corine lesnes

new york ­ correspondant

A


ceux qui se sont lassés
d’observer le yo­yo de
Wall Street, on donne
le résultat final : c’est
une baisse, et assez forte. Depuis
son plus haut atteint en février,
Wall Street a perdu près de 13 %,
en dépit d’une réduction surprise
d’un demi­point des taux d’intérêt
décidée mardi par la Réserve
fédérale américaine.
En dépit d’un paquet budgétaire
de 8,3 milliards de dollars (7,3 mil­
liards d’euros), signé vendredi par
Donald Trump pour lutter contre
l’épidémie. En dépit des bons chif­
fres de l’emploi, qui ont confirmé
que la santé de l’économie améri­

caine était excellente avant l’ex­
plosion de l’épidémie due au co­
ronavirus (273 000 emplois créés
en février ; taux de chômage à
3,5 %). En dépit de la remontée
spectaculaire de Joe Biden lors du
Super Tuesday, qui permet d’éloi­
gner le risque d’une victoire du
socialiste Bernie Sanders à la pré­
sidentielle américaine et a fait re­
bondir les valeurs de la santé.
Mais l’extension de l’épidémie
de Covid­19, il y a deux semai­
nes à l’Italie, cette semaine aux
Etats­Unis (327 cas dont 17 décès),
change la donne. On est passé
d’une épidémie chinoise ayant
un impact sur le reste du monde
à une situation affectant toute
la planète : l’Europe et le Japon

d’abord, qui étaient au bord de
la récession, puis les Etats­Unis,
censés rebondir après la trêve
commerciale signée avec la
Chine, le Canada et le Mexique.
A New York, les voyageurs reve­
nant d’Italie, du Japon ou de Corée
du Sud sont censés s’appliquer
une autoquarantaine de quatorze
jours tandis que les réunions pu­
bliques sont de plus en plus rédui­
tes. A Austin, au Texas, le festival
de rock South by Southwest a été
annulé, tandis que la ville de
Seattle est quasi paralysée.

La baisse entraîne la baisse
En Europe, les indices ont tous clô­
turé la semaine sur des pertes
sévères : Milan et Madrid perdant
autour de 3,50 % vendredi, Franc­
fort terminant sur une chute de
3,26 %, Londres de 3,62 %, et Paris
plongeant de 4,14 %.
La chute des marchés comporte
des aspects techniques : la baisse
entraîne la baisse, de nombreux
gérants étant obligés en raison de
leurs règles prudentielles de ré­
duire leur exposition pour limiter
les pertes. Les secteurs directe­
ment touchés sont frappés,
comme les compagnies aériennes
et le tourisme, tout comme les

multinationales dont les chaînes
d’approvisionnement sont cou­
pées. Les compagnies pétrolières
déjà mal en point au Texas sont
en chute libre, plombées par la
chute brutale des cours du brut.
Les opérateurs fuient les PME, plus
susceptibles de connaître des cri­
ses de trésorerie les conduisant à
la faillite. Ils se réfugient sur les
très grosses compagnies, assises
sur des milliards de liquidités sus­
ceptibles de soutenir un siège et
les bons du Trésor américain.
Le rendement des obligations
d’Etat à dix ans s’est effondré,
pour tomber en dessous de 0,7 %,
ce qui suscite l’inquiétude du Prix
Nobel d’économie Paul Krugman :
« Les Etats­Unis ont passé huit
des douze dernières années dans
une trappe à liquidités et semblent
y retourner, alors que l’Europe et
le Japon n’en sont jamais sortis.
C’est notre nouvelle normalité, les
gars », a­t­il twitté.
Le dollar a pour sa part perdu
près de 5 % depuis son plus haut de
février, l’euro cotant 1,1285 dollar :
la baisse du loyer de l’argent a visi­
blement plus que compensé
l’atout valeur refuge du billet vert
sur le marché des changes qui est
l’un des plus difficiles à prédire.

Les analystes sont tous persua­
dés que l’économie américaine est
particulièrement saine, sans en­
dettement excessif des entrepri­
ses et des particuliers. S’ils savent
que l’action de la Fed et des gou­
vernements ne va pas renvoyer les
ouvriers dans les usines ou les
consommateurs dans les restau­
rants et les cinémas, ils sont con­
vaincus que les gouvernements
prendront la mesure du problème.
D’ailleurs, Hongkong et l’Italie
ont pris des mesures budgétaires.
Tout comme les Etats­Unis :
« J’avais demandé 2,5 milliards. J’en
ai eu 8,3 et je les prends », s’est ré­
joui Donald Trump en signant,
vendredi, la facilité budgétaire dé­

bloquée par le Congrès. Un satisfe­
cit qui alimente la polémique aux
Etats­Unis, M. Trump ayant fermé
les frontières aux visiteurs venus
de Chine sans se concentrer sur
la détection d’un virus qui était
sans doute déjà sur le sol améri­
cain mais non détecté – le coût de
la santé rend prohibitif les visites
préventives à l’hôpital.
« C’est facile de se moquer de la
sécu pour tous [proposée par le
progressiste Bernie Sanders] jus­
qu’à ce qu’il y ait une pandémie »,
a lancé sur Twitter la représen­
tante démocrate progressiste Il­
han Omar. L’apparition de foyers
d’infection laisse augurer que les
Etats­Unis vont connaître dans les
prochaines semaines une paraly­
sie partielle, en dépit des propos
rassurants de Trump. L’épidémie
est vécue comme un nouveau re­
vers pour la globalisation, après les
guerres commerciales. Les opéra­
teurs estiment que celle­ci va con­
duire les entreprises à produire
plus prêt des consommateurs, au
risque de perdre en efficacité.
Paradoxalement, l’affaire pourrait
conduire à un léger retour de l’in­
flation, qui manque cruellement
depuis trois décennies.
arnaud leparmentier

Les cours du pétrole dévissent


L’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et
son principal allié russe ne sont pas parvenus, vendredi 6 mars,
à s’entendre pour amplifier leurs baisses de production afin
d’enrayer la chute des cours du brut affectés par l’épidémie
de Covid-19. La Russie a refusé l’offre de l’OPEP d’une coupe
collective supplémentaire de 1,5 million de barils par jour
jusqu’à la fin de l’année 2020. L’impasse de ces discussions a fait
dévisser les cours du pétrole. Le baril de brent de la mer du Nord
pour livraison en mai a dégringolé de 9,4 % à 45,27 dollars
(40,10 euros) à Londres. Au plus bas depuis près de quatre ans.

« C’EST FACILE DE SE 


MOQUER DE LA SÉCU POUR


TOUS [PROPOSÉE PAR  


BERNIE SANDERS] 


JUSQU’À CE QU’IL Y AIT 


UNE PANDÉMIE »
ILHAN OMAR
députée démocrate

Seattle, qui est
aussi la ville
de Bill Gates,
est devenue
la « capitale »
du Covid-

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28 MARS 2020


11 h - 17 h


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