Le Monde - 18.02.2020

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ÉCONOMIE  &  ENTREPRISE


MARDI 18 FÉVRIER 2020

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Alstom prêt à acheter Bombardier Transport

Le groupe tricolore aurait trouvé un accord préliminaire pour reprendre la division ferroviaire du canadien


montréal ­ correspondance

A

près des semaines de
rumeurs, l’accord tant
annoncé entre Alstom
et Bombardier devrait
être présenté prochainement.
Lundi 17 février, dans un commu­
niqué, l’entreprise française a
confirmé que « des discussions
sont en cours concernant une po­
tentielle acquisition de Bombar­
dier Transport », mais qu’« aucune
décision finale n’a été prise ». Selon
le Wall Street Journal, un accord
préliminaire a été conclu dès ce
week­end. Le quotidien améri­
cain évoque une transaction de
plus de 7 milliards de dollars amé­
ricains (6,5 milliards d’euros).
Plusieurs sources en France et
au Canada assurent au Monde
qu’une annonce est bel et bien at­
tendue très rapidement. « C’est
une bonne nouvelle pour la
France et le Canada, et le Québec
en particulier », commentait ainsi
une source proche du gouverne­
ment québécois.
Du côté des syndicats d’Alstom,
l’annonce ne fait vraiment plus
de doute. « Par rapport au projet
de fusion avec Siemens, qui a
échoué l’an dernier, ce projet appa­
raît plus équitable, notamment
au niveau de la gouvernance »,
assure une source syndicale fran­
çaise. De fait, l’entreprise diri­
gée par Henri Poupart­Lafarge
devrait mettre la main et contrô­
ler directement Bombardier
Transport, qui compte plus de
40 000 salariés, contre 36 000
pour le groupe français.
Dans le détail, Alstom doit ache­
ter l’entreprise canadienne – dont
le siège de la division est histori­
quement installé à Berlin – pour
70 % en numéraires et 30 % en ac­
tions. La Caisse de dépôt et pla­
cement du Québec (CDPQ ), qui
détient 32,5 % de Bombardier
Transport, doit devenir, à moyen
terme, le premier actionnaire
du groupe ferroviaire français,
avec une participation de 15 % à
20 %. Bouygues, l’actuel premier
actionnaire d’Alstom, pourrait,

pour sa part, voir sa participation
diluer à quelque 10 %, contre 15 %
actuellement.
Au Canada, la cession du secteur
transports de Bombardier à Als­
tom est un pas de plus dans le dé­
mantèlement de l’entreprise, de­
venu inéluctable au regard de son
endettement, 9,3 milliards de
dollars américains de dettes à
long terme. Son PDG, Alain Belle­
mare, avait pris les commandes
de ce groupe familial, ex­fleuron
économique canadien, le 13 fé­
vrier 2015, et commencé à pro­
céder à la cession de nombreux
actifs : avions turbopropulsés,
Q400, jets régionaux CRJ et l’an­
cien C­Séries, devenu Airbus
A220. Mais, apparu en sauveur il y
a tout juste cinq ans, Alain Belle­
mare a échoué à dessiner une
stratégie claire et pérenne pour
sortir la multinationale de son
endettement. La défiance à son
égard s’est accrue ces derniers
mois, l’action Bombardier, qui co­
tait 2,61 dollars à son arrivée, se
négociait à 1,65 dollar le 14 février.
Malgré un carnet de comman­
des bien rempli (10 milliards de
dollars américains de nouveaux
contrats en 2019, et un carnet to­
tal de 35,8 milliards, selon les ré­
sultats financiers présentés le
13 février), la division transports
de Bombardier a connu, en 2019,
une baisse de ses résultats en rai­
son de problèmes techniques en­
traînant des retards de livraison,
en Allemagne, en Suisse ou au
Royaume­Uni, qui l’ont privée
d’autant de liquidités attendues
et fragilisé un peu plus sa crédibi­

lité aux yeux des investisseurs. Le
13 février, à l’occasion de la pré­
sentation des résultats financiers
du groupe pour 2019 (et une perte
supplémentaire de 1,6 milliard de
dollars), Bombardier avait an­
noncé avoir cédé sa participation
restante dans la société en com­
mandite Airbus Canada, qui con­
trôle l’A220, à Airbus et au gouver­
nement du Québec.
L’entreprise affirmait alors
« qu’elle étudiait toujours active­
ment des options pour accélérer
son désendettement ». Avec ce ré­
cent retrait dans l’aéronautique et
cette nouvelle cession de sa divi­
sion transports, la multinationale
canadienne va désormais se con­

centrer sur une seule activité, les
jets d’affaires, la plus rentable
aujourd’hui, notamment avec son
programme phare, le Global
(7,5 milliards de revenus en 2019).
L’entreprise annonçait, jeudi, une
livraison programmée d’au moins
160 avions pour l’année 2020.

Double avantage pour le Québec
Le scénario qui se dessine est celui
qui, depuis quelques semaines,
avait la préférence du premier mi­
nistre du Québec, François Le­
gault (CAQ , Coalition Avenir Qué­
bec, centre droit). Il offre, selon le
gouvernement, un double avan­
tage : celui de voir Bombardier
préserver sa division des jets d’af­

faires, la plus porteuse en termes
d’emplois (13 700 au Canada dont
10 800 au Québec), tout en se don­
nant les moyens de constituer
avec Alstom « un champion fran­
co­américain du transport ». Un
géant de quelque 15 milliards
d’euros de chiffres d’affaires qui
serait à même de concurrencer le
numéro un du secteur, l’entre­
prise d’Etat ferroviaire chinoise
CRRC, deux fois plus gros que lui.
Reste un important écueil à pas­
ser pour le futur ensemble : faire
accepter ce rapprochement par
les autorités de la concurrence,
notamment en Europe. En fé­
vrier 2019, la Commission euro­
péenne avait refusé le regroupe­

La Suisse freine le déploiement de la 5G


Premier pays après la Corée du Sud à adopter cette technologie, la Confédération helvétique
doit faire face à une contestation populaire qui prend de l’ampleur

genève ­ correspondance

C’


est le paradoxe du dé­
ploiement de la 5G en
Suisse. La Confédéra­
tion, habituellement raillée pour
sa lenteur et son caractère rétif au
changement, fait aujourd’hui les
frais de sa hâte à installer cette
nouvelle technologie sur l’ensem­
ble de son territoire, sans avoir
saisi l’enjeu citoyen derrière cette
révolution numérique.
Résultat, un an après avoir ac­
cordé les premières licences d’ex­
ploitation, le déploiement de la
5G se heurte à une opposition po­
litique, à coups de moratoires
pour bloquer les nouvelles instal­
lations d’antennes et une forte
mobilisation citoyenne. Après
des mois à faire la sourde oreille,
Berne a fait un premier pas en di­
rection des opposants, samedi
15 février. La Confédération a dé­
cidé de reporter indéfiniment ses
directives en attendant de mieux
mesurer les effets réels de la 5G et
de conserver les valeurs limites
actuelles, qui ne permettent pas
de déployer ce nouveau standard
mobile à sa pleine capacité.
Tout avait pourtant bien com­
mencé. La Suisse devait être le
premier pays occidental à déve­
lopper cette technologie révolu­

tionnaire, censée améliorer la ra­
pidité et réduire les temps de la­
tence pour mieux développer les
objets connectés, de la voiture
autonome au réfrigérateur intel­
ligent. En moins de deux mois, les
fréquences, mises aux enchères
pour 380 millions de francs suis­
ses (357 millions d’euros), avaient
été attribuées aux trois opéra­
teurs de téléphonie mobile Swiss­
com, Sunrise et Salt. Le 17 avril
2019, les premières antennes
étaient déployées, et les opéra­
teurs promettaient que 90 % du
territoire suisse serait couvert,
dès décembre 2019.

Quel « effet sur la santé »?
Mais, à Genève, des habitants
commencent à ressentir les pre­
miers effets secondaires, dès le
18 avril 2019. Le mouvement est
lancé. Bertrand Buchs, médecin
et député du Parti démocrate
chrétien (PDC) pour le canton de
Genève, s’étonne encore de la « vi­
tesse supersonique des conces­
sions offertes sans aucune concer­
tation sur les risques sanitaires,
environnementaux et sécuritaires,
avec l’utilisation par l’opérateur
Sunrise de la technologie de l’en­
treprise chinoise Huawei. »
L’Etat Suisse – actionnaire à
51,2 % de l’opérateur Swisscom –

n’a pas pris la peine d’attendre la
publication d’un rapport d’ex­
perts sur les risques engendrés
par la 5G. Rendu public en novem­
bre 2019, celui­ci n’offre aucune
recommandation concrète.
Le médecin, lui, ne décolère pas
du flou savamment entretenu.
« Les opérateurs assurent qu’ils dé­
ploient de la 5G, mais c’est une 4G
améliorée. Le jour où la 5G va vrai­
ment arriver, ce sera autre chose.
On n’a aucune idée de l’effet de ces
ondes sur la santé. Il n’y a aucune
urgence à déployer la 5G en Suisse.
Les citoyens ne veulent pas de ce
saut dans l’hyperconnectivité. »
Du côté des opérateurs de télé­
phonie mobile, on plaide l’éter­
nelle querelle entre les anciens et
les modernes. Swisscom rappelle
« qu’il y a eu les mêmes opposi­
tions avec la 3G. Et pourtant, per­
sonne ne souhaiterait revenir en
arrière », estime Christian Neu­
haus, porte­parole de l’entre­
prise. Chez Salt, le concurrent,
propriété de Xavier Niel, action­
naire à titre individuel du Monde,
on souligne le paradoxe. « Les
consommateurs utilisent de plus
en plus de données mobiles. Ils
veulent le meilleur réseau et le ré­
seau le plus rapide, partout. Mais
ils ne veulent pas de l’infrastruc­
ture nécessaire. »

Faux, répondent les organisa­
tions citoyennes, créées au prin­
temps 2019, à l’image de Frequen­
cia, qui souligne « ne pas avoir de
positions idéologiques ». Sa copré­
sidente, Tamlin Schibler Ulmann,
assure « rechercher le dialogue
avec les opérateurs ». « Nous ne
sommes pas dans un non de prin­
cipe, mais nous sommes pour une
technologie saine et respectueuse
de l’environnement et du vivant. »
Selon elle, 80 % des communi­
cations auraient lieu en milieu
fermé. Son organisation plaide
pour un meilleur développement
de la fibre optique pour déconges­
tionner le réseau des antennes
extérieures, argument régulière­
ment invoqué par les opérateurs.
Frequencia prévoit d’ailleurs de
déposer, dans les prochaines se­
maines, une initiative populaire
fédérale pour proposer une mo­
dification de la loi. « Je suis très
optimiste, car des solutions alter­
natives plus sûres et durables
que la 5G existent. Notre mouve­
ment est fait pour durer, estime la
militante. C’est aussi une chance
que ce débat naisse en Suisse, car
nous avons les moyens de faire
changer les lois et potentielle­
ment de faire changer les choses
pour le reste du monde. »
marie bourreau

Le site Bombardier de Hennigsdorf, près de Berlin, le 20 septembre 2018. JOHN MACDOUGALL/AFP

Le démantèlement
du canadien
est devenu
inéluctable
au regard de son
endettement
de 9,3 milliards
de dollars

ment entre Alstom et Siemens,
qui mettait à mal la concurrence,
notamment dans les secteurs de
la signalisation où les deux grou­
pes combinés auraient détenu
près de la moitié du marché, et la
très grande vitesse, où ils auraient
été ultramajoritaires. Un rappro­
chement Alstom­Bombardier se­
rait moins problématique dans
ces deux secteurs de marché. En
revanche, dans certains pays, les
deux groupes détiennent une
part de marché plus que significa­
tive, comme en France ou en Alle­
magne, les plus grands marchés
ferroviaires européens.
jean­michel bezat (à paris)
et hélène jouan

L’Ecole Centrale de
Nantes recrute

son.sa directeur.rice
dans le cadre d’un mandat
de 5 ans renouvelable une fois
Ce poste à temps pleinest à pouvoir àpartir du01/06/2020.
Le.la directeur.rice auravocation à inscrireson action dans
le développement de la politique de site.
Centrale Nantes estune grande école d’ingénieursfondée
en 1919 qui réunit 2 400 étudiants, 10 0 enseignants et
enseignants-chercheurs, 300 personnels administratifs et
techniques. Elle délivre des diplômes d’ingénieur, de master
et de doctorat ainsi qu’unbachelor. Sa recherche etsa forma-
tion s’organisent autour de 3 grands enjeux :manufacturing,
transition énergétique etsanté, et s’appuient sur des plates-
formestechnologiques d’envergure. Centrale Nantes vise
à promouvoirson enseignement etsa recherche au niveau
international.
Profi l :Le poste estouvert àtoute personne ayant vocation
à enseigner dans l’école, sans condition de nationalité,
disposant d’uneexpérience de management à un niveau
comparable àcelui de chef d’établissement ainsi que d’une
bonnecompréhension de l’enseignement supérieur et de la
recherche et deses enjeux.Le.la candidat.e doitavant tout
être capa ble de proposer une vision pour l’école, son avenir
et ses évolutions possibles. Il.elle doit apporter la preuve de
ses capacités à dialogueravec l’ensemble des acteurs et
des partenaires de l’école, ceci à l’échelle locale, régionale,
nationale et internationale. La maîtrise de l’anglaisest
indispensable.

Candidature : CV, lettre de motivation et note d’analyse
des enjeux actuels et futurs de l’école sur le plan
académique et scientifique à adresser avant le 19 mars
2020 sous plirecommandé.
Procédure détaillée sur le bulletin offi ciel du 13 février :
https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/
pid20536/bulletin-offi ciel.html
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