Libération - 17.02.2020

(Martin Jones) #1

10 u Libération Lundi 17 Février 2020


Des militantes féministes au cœur du cortège contre la réforme des retraites, à Paris,

E


lles sont rares, les batailles politiques
où partisans et opposants ont des
lectures aussi différentes d’un texte de
loi. Quel sera le sort des femmes dans
la refonte des régimes actuels de retraite en
un système universel par points? Le projet de
loi sur la réforme des retraites sera examiné
à partir de cet après-midi à l’Assemblée. Et les
avis restent diamétralement opposés.
«Les femmes sont les vraies gagnantes !» assu-
rent les ministres et les députés LREM. «Les
femmes seront les grandes perdantes !» rétor-
quent au contraire les députés socialistes,
communistes et insoumis, avec tous les mani-
festants qui défilent depuis début décembre
contre le futur système. Selon eux, ce dernier
va pénaliser les plus faibles, à commencer
par les femmes.
Le sujet est tellement sensible pour le gou-
vernement que vendredi, au ministère des
Solidarités, il a mis en scène «une séance de
travail» organisée par quatre ministres avec
des députés de la majorité pour réaffirmer
que le s «mesures pour la retraite des femmes»
sont «une priorité». Les deux camps s’accor-
dent au moins sur un constat : en l’état actuel
des choses, les retraites des femmes sont
bien inférieures à celles des hommes, et ces
dernières partent souvent plus tard. Selon un
récent rapport de la Direction de la recher-
che, des études, de l’évaluation et des statisti-
ques (Drees), les femmes percevaient,
en 2017, une retraite «de droit direct» infé-
rieure de 42 % en moyenne à celle des hom-
mes. C’est, certes, huit points de mieux
qu’en 2004, mais l’écart est considérable.
Quand un homme touchait en moyenne
1 798 euros brut par mois, une femme avait
droit, elle, à 1 356 euros.

Par
LILIAN ALEMAGNA

Retraites Pour


les femmes,


le débat


s’enflamme


Le projet de loi sur la réforme des retraites


arrive ce lundi à l’Assemblée. Si la majorité


assure que les femmes seront «gagnantes»,


l’opposition estime, elle, qu’elles seront


pénalisées par le nouveau système.


FRANCE


A l’article 1 de son projet de loi, le gouverne-
ment promet d’assigner au futur système uni-
versel «un objectif de solidarité [...] notamment
par la résorption des écarts de retraites entre
les femmes et les hommes». Dans son étude
d’impact, l’exécutif estime que les pensions
des femmes, pour la génération 1980-1990,
augmenteraient de 6 à 13 % avec les nouvelles
règles. Les opposants et opposantes alertent
au contraire sur un «miroir grossissant des in-
égalités salariales». Remise à plat des diffé-
rents arguments de chaque camp.

LE CALCUL DES POINTS
SUR TOUTE LA CARRIÈRE
Aujourd’hui, pour calculer une pension, on
retient les vingt-cinq meilleures années pour
un salarié du privé et les six derniers mois de
traitement pour un fonctionnaire. Demain,
pour les actifs concernés par le futur système
universel (soit les générations nées à partir
de 1975), chaque euro cotisé générera des
«points» lorsqu’ils commenceront à cotiser
selon les nouvelles règles dès 2025.
Ce qu’en disent les opposants. Avec la prise
en compte désormais des bonnes mais aussi
des mauvaises années, cette nouvelle règle
pénalisera mécaniquement les actifs aux car-
rières hachées et incomplètes. Donc majori-
tairement les femmes. «Dès lors qu’elles sont
les grands bataillons des chômeurs, des tra-
vailleurs à temps partiel [...] des carrières qui
sont interrompues en raison des enfants, je ne
vois pas comment elles peuvent se sortir de ce
régime à points», a défendu en commission
spéciale la députée (LFI) de Seine-Saint-De-
nis, Clémentine Autain.
Ce que répondent les partisans. Ils s’ap-
puient sur plusieurs études qui ont démon-
tré, de façon contre-intuitive, qu’un régime
universel à points, à condition de garder la
même enveloppe de dépen- Suite page 12
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