Libération - 17.02.2020

(Martin Jones) #1

Libération Lundi 17 Février 2020 http://www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe u 11


le 9 janvier. PHOTO CYRIL ZANNETTACCI. VU


C


atherine Fabre est députée
LREM de la 2e circonscription
de Gironde.
Pourquoi, selon vous, les femmes
seront gagnantes dans le système
proposé par le gouvernement?
Les femmes seront gagnantes parce que
le nouveau système des retraites sera
beaucoup plus redistributif en faveur
des basses pensions. Et l’on sait que les
personnes qui ont des carrières hachées
et des pensions faibles sont souvent des
femmes. 20 % d’entre elles doivent at-
tendre 67 ans pour liquider leur retraite
et avoir un taux plein. Nous travaillons
à réparer ces inégalités. Dans le projet
de loi, la nouvelle redistribution prévoit
que 25 % de celles et ceux qui ont les
pensions les plus faibles verront leur re-
traite augmenter de 30 %. Tous les ef-
forts que l’on fait également pour que
les points de début de carrière valent
autant que ceux de fin de carrière vont
profiter aux femmes. Le projet de loi
prévoit aussi des majorations des pen-
sions à partir du premier enfant, car on
considère que cela peut peser sur la car-
rière. Ainsi qu’une augmentation de 5 %

par enfant et, par défaut, ce droit va de
fait aux femmes, sauf si on demande
l’inverse. Jusqu’à présent ce n’était pas
prévu dans la loi. Et on va même plus
loin car les députés travaillent pour al-
ler vers un plancher minimum sur ces
5 %. Pour les pensions les plus faibles,
les premier et deuxième déciles, ces 5 %
seront donc rehaussés. On pousse aussi
pour que les parents isolés voient leurs
droits augmenter. On a vraiment cher-
ché à aider l’ensemble des femmes.
Vous dites qu’elles au-
ront de meilleures
pensions, mais elles ne
pourront plus bénéfi-
cier de trimestres pour
partir plus tôt. Or, au-
jourd’hui, en plus
d’avoir des pensions
plus basses que les
hommes, elles partent
aussi plus tard...
Ces trimestres, c’est du temps qui per-
met de valider le fait d’avoir un taux
plein ou pas. Mais il y a plein de fem-
mes qui ont leur taux plein sans avoir
besoin de ces trimestres. Et à l’inverse,
il y en a qui doivent attendre 67 ans.
Il y a plusieurs cas de figure. Demain,
si vous êtes une femme avec un enfant,
dans le nouveau système, vous obtenez
une majoration de 5 %. Le fait d’avoir
un enfant rapporte de l’argent pour

100 % des femmes. Le système des
trimestres, lui, ne rapportait pas d’ar-
gent mais aidait les femmes à acquérir
leur taux plein. Pour un certain nom-
bre, ce n’était pas utile et ça ne donnait
pas de supplément d’argent. Dans le
nouveau système, ce supplément, si
vous voulez le troquer contre du temps,
vous pouvez. Le système est beaucoup
plus libre.
Quelles propositions feriez-vous
pour réduire les inégalités de sa-
laire et de carrière, et
celles entre femmes et
hommes à la retraite?
On a déjà l’index de
l’égalité qui a été mis en
place par Muriel Péni-
caud et que je trouve très
bien. L’idée, c’est de dire
qu’au-delà du principe, il
faut des actes. Au-
jourd’hui, on mesure les
inégalités dans les entreprises. Et
à partir d’une certaine date, si elles
n’ont pas corrigé les écarts de salaires,
elles seront sanctionnées. Il y a une vo-
lonté forte du gouvernement de com-
bler ces inégalités. A l’avenir, on peut
aussi agir sur les stéréotypes de mé-
tiers ou encore développer le soutien
au niveau des crèches.
Recueilli par
GURVAN KRISTANADJAJA

AFP
INTERVIEW

«


«Le nouveau système sera


plus redistributif»


Pour la députée LREM
Catherine Fabre, la réforme
sera plus juste pour les
femmes, aux pensions
souvent plus basses.

L


aurence Rossignol est sénatrice
PS de l’Oise et ex-ministre des
Familles, de l’Enfance et des
Droits des femmes.
Pourquoi, selon vous, les femmes
seront perdantes dans le futur sys-
tème de retraites?
Quand le gouvernement dit «les femmes
grandes gagnantes de la réforme», c’est
quand même à la limite
de la fake news. Mais c’est
assez conforme à ce que
fait ce gouvernement : il
vend ce qu’il n’y a pas. Ce
qui compose la retraite
des femmes, c’est d’une
part le produit des carriè-
res, et d’autre part les
droits familiaux sans les-
quels les pensions des
femmes seraient encore
plus faibles. Puisque c’est une réforme
comptable et que les droits familiaux
coûtent cher, ils ont été identifiés
comme un poste de dépenses à réduire.
Or ces droits sont indispensables à la
retraite des femmes : en 2040, elles arri-
veront en retraite avec - 20 % d’écart sa-

larial. Prenons un autre exemple : la
pension de 1 000 euros garantie. Ça
aussi, c’est comme un contrat d’assu-
rance, il faut lire les petites lignes. Car
on constate que ce dispositif n’est
prévu que pour les femmes à carrière
complète. Et on sait que les carrières
des femmes sont souvent hachées.
Des majorations dès le premier en-
fant, des «points» accordés durant
les congés maternité... N’est-ce pas
tout de même une manière d’aider
les femmes?
Non, pas si vous regardez dans le détail.
Le gouvernement dit que dès le premier
enfant, on obtient 5 %
supplémentaires et on
choisit sur quelle pension
ils sont affectés. Mais en
l’état des écarts entre les
pensions des hommes et
des femmes, il est évi-
dent qu’ils vont affecter
ces 5 % sur la plus grosse
des pensions, le plus sou-
vent celle de l’homme. Et
ce malgré tout ce que
peut dire l’étude d’impact, selon la-
quelle dans 90 % des cas la femme
prendra les 5 %. Au moment d’arriver
à la retraite, les gens comptent, et
30 euros en plus ou en moins, ça peut
jouer. Dans le système actuel, un enfant
rapporte des trimestres qui sont versés

AFP
INTERVIEW

directement aux mères. Demain, selon
le calcul, ce sera à celui du couple qui
sera choisi. On donne en option quel-
que chose qui est à l’heure actuelle un
droit propre donné aux femmes. Les
droits des femmes sont donc réduits.
Quelles propositions feriez-vous
pour réduire les inégalités de sa-
laire et de carrière entre femmes et
hommes à la retraite?
Toutes les avancées qui pourraient être
mises en avant ne compensent pas l’al-
longement de la carrière. Les femmes
ont des métiers à pénibilité peu recon-
nue. Les aides-soignantes partent par
exemple à 57 ans aujourd’hui et ne
pourront plus partir à la retraite à cet
âge. Les femmes sont doublement pé-
nalisées mais ne trouvent pas de com-
pensation. Cette réforme n’était pas
nécessaire, on pouvait améliorer l’exis-
tant. Je propose l’introduction de critè-
res de pénibilité qui soient corrélés aux
métiers peu qualifiés et féminins. On
peut aussi mobiliser la solidarité natio-
nale sur les minimums de pension, sur
la prise en compte des carrières ha-
chées, et augmenter les minimums
contributifs. Dans la réforme, le mode
de calcul proposé pour la pension de ré-
version (deux tiers du montant total des
revenus du couple) est en revanche une
solution intéressante.
Recueilli par G.K.

«


«Cette réforme n’était


pas nécessaire»


Selon la sénatrice PS
Laurence Rossignol, les
femmes seront pénalisées
par le projet de l’exécutif.
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