Libération - 17.02.2020

(Martin Jones) #1

Libération Lundi 17 Février 2020 http://www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe u 3


Agnès Buzyn
après l’annonce
de sa candidature
à la mairie de Paris,
dimanche.

U


ne plainte et deux gardes à vue.
Après son coup d’éclat médiatique,
voilà l’artiste-activiste russe Piotr
Pavlenski confronté à des poursuites judi-
ciaires, et sa compagne entendue par les
enquêteurs. Vendredi matin, Benjamin
Griveaux, alors candidat de la République
en marche à la mairie de Paris, avait an-
noncé renoncer à se présenter à la suite de
la diffusion de vidéos à caractère sexuel.
Pavlenski, 35 ans, affirmait alors avoir mis
en ligne ces images pour dénoncer l’ «hypo-
crisie» du candidat qui, disait-il, «a fait de
la propagande des valeurs familiales tradi-
tionnelles». Il a été arrêté samedi. Diman-
che en début de soirée, le parquet de Paris
indiquait que les gardes à vue des deux mis

en cause étaient prolongées. Samedi après-
midi, Pavlenski est dans un premier temps
placé en garde à vue dans le cadre d’une
autre affaire, portant sur des violences vo-
lontaires commises avec arme le 31 décem-
bre. Il est suspecté d’avoir pris part à une
rixe lors d’une soirée coorganisée par l’avo-
cat Juan Branco, proche de certains gilets
jaunes et auteur d’un pamphlet anti-Ma-
cron. Selon Mediapart, l’activiste russe «est
soupçonné d’avoir blessé deux personnes
avec un couteau au cours de cette fête». Ce
qu’il conteste, reconnaissant simplement
auprès du site d’information avoir pris part
à une bagarre. Depuis, il était recherché par
la police.

Gilets jaunes. Juan Branco, qui se pré-
sente comme l’avocat de Pavlenski, dit avoir
appris son arrestation au cours d’une dis-
cussion vidéo diffusée au même moment,
en direct avec Gabin Formont qui a fondé
le média Vécu, issu du mouvement des gi-
lets jaunes. «On savait depuis hier soir qu’ils
avaient mis des flics partout pour l’arrêter»,

réagit-il, avant de s’interroger et de glisser
une hypothèse de collusion entre pouvoirs
judiciaire et politique : «Est-ce que c’est parce
qu’ils ont peur de ce qui va être diffusé ?»
Quelques minutes plus tôt, l’avocat affir-
mait que d’autres vidéos «pourraient sor-
tir».
C’est samedi après-midi également que la
justice reçoit la plainte de Benjamin Gri-
veaux pour «atteinte à l’intimité de la vie
privée et diffusion sans l’accord de la per-
sonne d’images à caractère sexuel». Dans la
foulée, le parquet de Paris ouvre une en-
quête et confie les investigations à la Bri-
gade de répression de la délinquance à la
personne (BRDP) de la police judiciaire pari-
sienne. Cette plainte «contre X» couvrira
«tout le champ des infractions réalisées par
l’auteur de la diffusion initiale et par ceux
qui ont repris ces diffusions», déclare le
même jour Richard Malka, avocat de Gri-
veaux, sur la chaîne LCI.
Plus tard dans la soirée, c’est au tour de la
compagne de Piotr Pavlenski, Alexandra
de Taddeo, d’abord entendue sous le régime
de l’audition libre en tant que témoin, d’être
placée en garde à vue dans le cadre de cette
deuxième enquête. La jeune femme de
29 ans est suspectée d’être la destinataire
d’images à caractère sexuel envoyées par
Benjamin Griveaux il y a près de deux ans.
Certaines de ces vidéos, en théorie éphémè-
res, avaient été capturées au moment de
leur envoi en mai 2018.

Bâtonnier. Dimanche, la garde à vue de
Piotr Pavlenski est suspendue concernant
les faits du 31 décembre 2019 et se poursuit
pour l’enquête ouverte pour «atteinte à l’in-
timité de la vie privée». A l’extérieur des lo-
caux de la police judiciaire parisienne, Juan
Branco, lui, affirme devant les caméras que
le parquet de Paris «s’oppose à ce qu’il repré-
sente [son] client». Une «atteinte aux droits
de la défense inédite, gravissime», fustige-
t-il, ajoutant : «Il m’a évidemment été précisé
que je n’étais en rien mis en cause dans ce
dossier.»
Selon le code de procédure pénale, le procu-
reur de la République peut soulever un pos-
sible conflit d’intérêts, qui pourrait être re-
levé dans les deux enquêtes judiciaires
visant Piotr Pavlenski : à propos de la rixe du
31 décembre 2019, Branco étant le coorgani-
sateur de la soirée, et concernant l’atteinte
à la vie privée – au JDD , l’avocat explique
avoir été consulté et avoir «vérifi[é] tous les
éléments pour être sûr que ces vidéos n’était
pas fausses». Pour autant, le parquet ne peut
seul dessaisir un avocat d’une affaire : en cas
de «divergence d’appréciation», il doit saisir
le bâtonnier. Contacté par Libération, le
parquet de Paris n’a pas souhaité commen-
ter. «Le bâtonnat a suspendu toute décision,
aucun avocat n’a accepté d’être désigné d’of-
fice, et le parquet bloque dès lors toujours
l’accès à mon client» , indique de son côté
Juan Branco. A l’AFP, il a signalé avoir ren-
dez-vous lundi avec le bâtonnier de Paris.
Reste que l’affaire est nébuleuse : Pavlenski
et sa compagne avaient, raconte l’Obs, dési-
gné samedi pour les représenter la pénaliste
Marie-Alix Canu-Bernard, avant que celle-ci
ne leur fasse savoir dimanche en début
d’après-midi qu’elle ne souhaitait plus les
assister.
ISMAËL HALISSAT
et AMAELLE GUITON

Pavlenski dans


les rêts de la justice


Dimanche soir, le parquet
annonçait le prolongement
des gardes à vue de l’activiste
russe, soupçonné d’avoir
diffusé les vidéos sexuelles,
et de sa compagne.

non-recevoir à l’aimable proposition de Bay-
rou : «Il y a un candidat investi par En marche,
c’est Benjamin Griveaux. Je le soutiens»,
dé-
clarait-elle sur France Inter. A défaut de jouer
le «plan B» elle a toutefois laissé entendre,
après que Macron a encouragé ses ministres
issus de la société civile à se frotter au suffrage
universel, qu’elle pourrait participer à la cam-
pagne de Griveaux dans un arrondissement.
Le coronavirus avait eu raison de cette mo-
deste ambition.
La candidature d’Agnès Buzyn a l’avantage de
mettre d’accord les marcheurs, qui ont passé
trois jours et trois nuits à se questionner et à
se contredire, à construire et déconstruire tou-
tes les hypothèses possibles. Si rien ou pres-
que n’a filtré des réunions, les désaccords se
sont manifestés au gré des interventions mé-
diatiques. D’un côté, ceux qui excluaient l’hy-
pothèse Villani, évoquant des problèmes tech-
niques – à ce stade de la campagne, fusionner
les listes et les comptes de campagne aurait été
périlleux –, mais aussi politiques et humains.
Comment se ranger derrière la candidature du
dissident qui a entamé la rupture avec le parti?
«Villani est parfaitement haï chez nous», assu-
rait carrément une proche de l’ex-candidat
Griveaux. Et l’attitude du mathématicien, qui
a rencontré le patron du parti, Stanislas Gue-
rini, samedi, n’a rien arrangé. «Il dit “ralliez-
vous à moi”, ce n’est pas une discussion»,
s’aga-
çait une tête de liste LREM. Pour beaucoup de
marcheurs impliqués dans la campagne pari-
sienne, il fallait donc conti- Suite page 4

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