Libération - 17.02.2020

(Martin Jones) #1

4 u Libération Lundi 17 Février 2020
ÉVÉNEMENT


Benjamin Griveaux
annonçant
le retrait de
sa candidature
vendredi.
PHOTO LIONEL
BONAVENTURE. AFP

la diffusion massive et ano-
nyme de fausses informa-
tions via les réseaux sociaux,
est une crainte légitime, il
s’agit de ne pas tout confon-
dre. Comme l’a rappelé l’avo-
cat Eric Morain vendredi à
Libération , «il y a tout ce qu’il
faut dans la loi» pour un cas
de revenge porn, a fortiori si-
gné, comme celui dont Ben-
jamin Griveaux est victime.
L’ex-can didat à la mairie de
Paris a d’ailleurs déposé
plainte contre X pour «at-
teinte à l’intimité de la vie
privée», ce qui a entraîné
l’ouverture d’une enquête
par le parquet de Paris.
Quant à la lutte contre les
propos haineux en ligne,
problématique majeure, no-
tamment sur les réseaux so-

Fantasmes,


hors-sujets


et contresens


du Griveauxgate


Anonymat sur les réseaux
sociaux, américanisation
supposée de la vie
politique... Ces fréquents
refrains depuis le retrait
du candidat LREM à la
mairie de Paris sont peu
pertinents.

S


us aux réseaux sociaux
et leur anonymat délé-
tère. Si le sujet ne man-
que pas d’intérêt, il s’avère
largement hors sujet dans le
cas Griveaux. Il n’a pourtant
fallu que quelques heures
pour que plusieurs respon -
sables politiques, tels le dé-

nuer l’aventure en chan-
geant seulement la tête de liste.
Depuis vendredi, des noms circulaient : les
parlementaires Mounir Mahjoubi, Julien Bar-
geton et Sylvain Maillard ont fait savoir qu’ils
étaient disponibles ; Daphné Bürkli, Pierre
Yves Bournazel et Marlène Schiappa ont dé-
cliné ; Agnès Buzyn et Jean-Michel Blanquer
étaient cités. «Nous ferons gagner le pro-
gramme que Benjamin a construit avec nous»,

affirmait la députée de Paris Olivia Grégoire.
Plus offensive, l’ancienne porte-parole du can-
didat, Marie-Laure Harel, assurait que si «Cé-
dric Villani a décidé de sortir [du] circuit, ce
n’est pas pour y rentrer par la fenêtre».
Une
prise de position personnelle qui a agacé une
partie de la majorité. Car du côté de l’Assem-
blée notamment, des marcheurs plaidaient
encore pour un accord avec le député mathé-
maticien. «Il est des moments où l’histoire
oblige à dépasser les querelles»,
a ainsi affirmé
le président de l’Assemblée nationale, Richard
Ferrand, dans un entretien au Journal du Di-
manche.
La candidature d’un «poids lourd» du
gouvernement devrait donc clore ce débat.


«SAUVER LES MEUBLES»
«Elle est solide, identifiée, a une image apai-
sée... C’est une personnalité consensuelle face
à Hidalgo et Dati qui sont clivantes»,
louait
vendredi un cadre de la campagne. Son posi-
tionnement, central, permet d’accorder une
sensibilité de centre gauche, incarnée par la
candidature de Mounir Mahjoubi, et une ligne
plus droitière, représentée par celles de Julien
Bargeton et Sylvain Maillard. De nombreux
marcheurs voient cette candidature féminine
comme un avantage. «On a passé deux jours
groggy mais c’est très bien, ça peut relancer la
campagne, on appuie sur le bouton
reset », veut
croire une tête de liste. Les marcheurs les plus
optimistes, ou qui font semblant de l’être, as-
surent qu’il n’est pas trop tard. Depuis des se-
maines, ils répètent qu’ «on n’est pas encore
dans le dur de la campagne».
Au fil du temps,
ils affirmaient que tout se jouera en huit, sept,
six, cinq semaines... Désormais, il en reste
quatre. Mais certains admettent qu’ils n’envi-
sagent plus la victoire. Il s’agirait, désormais,
de «sauver les meubles» : conserver les arron-
dissements des maires sortants qui ont rejoint
LREM et faire élire quelques conseillers de Pa-
ris en plus. En prenant la suite à un mois du
scrutin, Agnès Buzyn devra se fondre dans le
moule qui a été façonné pour un autre. «Tout
est déjà organisé, lancé, il n’y a pas le temps
d’imprimer sa marque»,
jugeait-on dans l’en-
tourage d’un des noms cités pour la succes-
sion. «Il n’y a pas de grands changements si ce
n’est refaire le matériel de campagne»,
relati-
vise un candidat LREM.
Les 17 têtes de liste doivent se retrouver en dé-
but de semaine prochaine pour organiser la
suite. Pour montrer que la page Griveaux est
tournée et qu’elle mène déjà la campagne
tambour battant, Agnès Buzyn devait tenir
une conférence de presse dimanche soir dans
une brasserie parisienne du quartier de
l’Opéra afin de dire et redire «j’en ai envie, j’y
vais pour gagner».
Certains marcheurs espè-
rent que le changement de candidat permet-
tra d’ouvrir la voie à un rassemblement avec
Villani au second tour. «Il y avait quelque
chose de personnel entre Griveaux et Villani.
Buzyn n’a pas la même personnalité»,
juge un
candidat LREM. Le camp du mathématicien,
crédité de 10 % dans les sondages, répète que
la porte est ouverte... tant qu’on accepte de se
ranger derrière lui. Remplacer Griveaux n’a
donc rien d’un cadeau. «Personne ne croit
qu’elle en a envie, on lui demande au plus haut
niveau, ça faisait deux jours qu’elle subissait
une pression d’enfer,
assure un élu socialiste,
qui connaît bien la macronie. L’homme [Jean-
Michel Blanquer, ndlr] refuse d’aller au sacri-
fice, la femme y va.»


Suite de la page 3 puté LREM Bruno Bonnell ou
le président du Sénat, Gérard
Larcher, mais aussi nombre
d’éditorialistes au premier
rang desquels Alain Duhamel
(chroniqueur à Libération ),
entonnent ce refrain quasi
pavlovien mais, pour bonne
part, hors sujet. Pour Bonnell,
qui demande «l’obligation de
transparence des sources»
et
la sanction des abus, «Inter-
net [...] porte ses déviances
que l’anonymat cautionne
comme la calomnie ou la dif-
famation».
Quant à Duhamel,
il réclame la fin de l’ano nymat
et «des amendes massives» en
dizaines de millions d’euros.
Si, comme Emmanuel Ma-
cron l’a rappelé samedi à
Munich, les ingérences
étrangères, notamment par

Free download pdf