Libération - 07.04.2020

(Nancy Kaufman) #1

Libération Mardi 7 Avril 2020 http://www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe u 9


Mie, Masaharu Nakagawa, a
fait les comptes avec l’outil
de ­simulation fourni par le
gouvernement pour étudier
«le scénario du pire». Résul-
tat, sa province devrait hos-
pitaliser plus de 3 000 cas par
jour, dont 110 patients
­graves... avec seulement
moins de 30 systèmes de res-
piration artificielle.
«Nous avons dans le pays un
total de 8 000 respirateurs de
divers types, nous réservons
tous les stocks des entreprises
japonaises», précise le fonc-
tionnaire Kato. Le Japon
en fabrique cependant peu.
«90 % des équipements uti­-
lisés sont importés», détaille
un de ses collègues. Mais
le principal problème, re­-
connaît Kato, c’est le man-
que de personnel pour faire
­fonctionner les matériels
de réanimation. Les armées
de réserve que sont les
­retraités sont déjà appelées
à la ­rescousse.
K.N.
(à Tokyo)

Santé. Mais personne au sein
de l’administration n’est en
­mesure d’expliquer comment
arriver aux 50 000 promis par
le Premier ministre.

«Stocks». Dans les autres
grandes agglomérations,
comme Osaka et Fukuoka, où
l’épidémie progresse égale-
ment, l’équation est iden­-
tique ou pire. «Il faudra
­mettre à ­contribution les ré-
gions les moins touchées et
opérer des transferts», pré-
vient Kato. Sauf que dans les
régions plus rurales, on s’in-
quiète également. Un député
de la préfecture centrale de

voyer ­systématiquement tous
les Covid-19 à l’hôpital, où
ils risquent aussi de propager
l’infection. Dans l’immédiat,
Tokyo prévoit 4 000 lits d’hô-
pital pour les patients Covid,
dont 700 pour des cas graves,
en espérant limiter un autre
gros problème qui paralyse
déjà deux hôpitaux : la propa-
gation du virus aux soignants
et à d’autres malades dans les
établissements. «Il faut une
détection plus rapide de ces
phénomènes et des protocoles
plus stricts», alerte le profes-
seur Omi. «C’est crucial car,
quand ça arrive, on est obligés
de fermer des services, c’est
pire», abonde Ozaki.
A l’échelle du pays, où l’on
comptait près de 4 000 cas
positifs lundi, «nous pensons
pouvoir sécuriser 28 000 lits
en autorisant des hôpitaux
non spécialisés dans les ma­-
ladies infectieuses à prendre
en charge les cas les moins
lourds», explique à Libération
Takuma Kato, un médecin
­affecté au ministère de la

«J


e porte un masque,
désolé, c’est pour ca-
cher mon visage, je
ne suis pas très beau.» Malgré
une pointe d’humour, le pré-
sident de l’Association des
médecins de Tokyo, Haruo
Ozaki, n’a pas vraiment le
moral. «La situation est ten-
due, très tendue. Depuis une
semaine, je reçois des appels
d’hôpitaux qui indiquent que
c’est difficile, que les méde-
cins, notamment les jeunes,
sont déjà très fatigués.»
Première victoire, les appels
du corps médical ont été en-
tendus et l’état d’urgence doit
être décrété ce mardi pour la
capitale (lire ci-contre), mais
Haruo Ozaki veut surtout une
application stricte du confi-
nement, pour six semaines,
plus que le mois prévu par le
gouvernement. «Le plus im-
portant est de freiner la pro-
pagation, tout dépend de ça.
Si on n’arrive pas à ralentir,
quels que soient les efforts que
nous ferons à l’hôpital, on ne
s’en sortira pas», prévient-il.
«La saturation peut arriver
bien avant une explosion du
nombre de cas», avertit aussi
Shigeru Omi, expert auprès
du Premier ministre.

«Crucial». Les associations
de médecins réitèrent les ap-
pels à sortir le moins possible
depuis des semaines au vu
de la progression fulgurante
du Covid-19 en Europe et aux
Etats-Unis. C’est à Tokyo que
le problème est le plus criant.
La capitale de près de 14 mil-
lions d’habitants comptait
lundi matin 950 cas de
­coronavirus hospitalisés,
­occupant la quasi-intégralité
des 1 000 lits libérés pour les
maladies infectieuses.
Tous les jours, les établisse-
ments publics et privés se
battent pour pousser les
murs et installer des lits.
Deux dans une chambre pré-
vue pour un patient, sept
dans une pour six. Un pre-
mier soulagement doit arri-
ver ce mardi avec le transfert
de patients pas ou peu symp-
tomatiques dans un hôtel
loué par la municipalité. Il a
fallu des semaines pour que
la loi ­permette de ne pas en-

Dans les rues
de Tokyo,
le 26 mars.
Photos Issei Kato.
Reuters

Depuis des semaines, de nombreux
médecins exigent des campagnes
de tests plus importantes, estimant
la propagation sous-évaluée. Même
les Etats-Unis s’en sont plaints, ju-
geant que «la décision de ne pas tes-
ter rend difficile une estimation pré-
cise de l’épidémie au Japon». Ce qui
est certain, c’est que le Covid-19 s’y
répand plus vite de jour en jour.•


A Tokyo, une situation


sanitaire «très tendue»


Si les appels
du corps médical ont
été entendus, les
hôpitaux manquent
de lits, de matériels
et de personnels,
alors que la maladie
progresse dans
la capitale.

Confi nement, Réseaux sociaux
et démocratie
Avec MIKE GODWIN
(interviewé par Adrien Aszerman)

Retour de l’État protecteur et limite
de l’écologie politique
avec JEAN-CLAUDE MILNER
(interviewé par Alexis Lacroix)

MARDI 7 AVRIL 2020

MARDI 14 AVRIL 2020

MARDI 21 AVRIL 2020
Sommes-nous vraiment
solidaires face au virus?
Avec BERNARD-HENRI LÉVY

État d’urgence sanitaire : devons-nous
craindre une surveillance de masse et
une atteinte à nos libertés irréversibles?
Avec MONIQUE CANTO SPERBER

PENSER LE CORONAVIRUS


TOUS LES MARDIS DU MOIS D’AVRIL À 18H


MARDI 28 AVRIL 2020

Avec le soutien de SGH et Harevim Pour consulter la programmation du séminaire hebdomadaire de La Règle du jeu : https://laregledujeu.org

Séminaires animés parAlexis Lacroix

Graphic design : Frédéric Menant

A REGARDER, EN DIRECT, SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX DE LA RÈGLE DU JEU

CONFÉRENCES


Conformément aux directives officielles, nos séminaires au Théâtre Libre sont temporairement
suspendus. En attendant la fin du confinement, nous vous donnons rendez-vous en ligne!

«La saturation


peut arriver


bien avant une


explosion du


nombre de cas.»
Shigeru Omi expert
auprès de Shinzo Abe
Free download pdf