Les Echos - 07.04.2020

(Axel Boer) #1

Les Echos Mardi 7 avril 2020 FINANCE & MARCHES// 29


CRÉDIT


Nathalie Steiwer
— Correspondante à Berlin
avec Thibaut Madelin


Les artisans et les petites entrepri-
ses allemandes ont été entendus. Le
gouvernement va garantir non plus
90 %, mais 100 % des crédits
d’urgence accordés dans le cadre de
son programme d’aide aux PME
frappées par la crise du corona-
virus. L’objectif est d’accélérer
l’octroi des prêts avant qu’il ne soit
trop tard pour les entreprises
concernées, a souligné le ministre
des Finances, Olaf Scholz, en
présentant l’initiative lundi.
Jusqu’à présent, les banques traî-
naient les pieds pour débloquer les
crédits alloués via la banque publi-
que d’investissement, la kFW, faute
de garantie sur la solvabilité future
des entreprises. Après avoir obtenu
l’aval de la Commission euro-
péenne, ce week-end, le gouverne-
ment va donc prendre la totalité des
risques à sa charge. I l fait également
passer la durée des prêts de 5 à


Nicolas Rauline
@nrauline
— Bureau de New York


Washington a frappé vite et fort.
Trop vite, peut-être, puisque le pro-
gramme de prêts garantis aux PME
de 350 milliards de dollars, qui a été
lancé vendredi dans le cadre du
gigantesque plan de sauvetage à
2.000 milliards, connaît quelques
ratés.
A son démarrage, vendredi, seu-
les deux banques, JPMorgan Chase
et Bank of America, ont été en
mesure de recevoir les premières
demandes de prêts. Et encore, la


première avait indiqué la veille dans
une note envoyée à ses clients qu’elle
attendait « les recommandations de
l’administration » et qu’elle pensait
ne pas pouvoir tenir les délais... La
première banque américaine en
termes d’actifs a indiqué qu’elle pen-
sait prêter 150 milliards de dollars.
Bank of America a vu un afflux de
demandes sans précédent. Ce
lundi, la deuxième banque de détail
américaine a indiqué qu’e lle avait
déjà reçu des dossiers de 177.000
entreprises en trois jours, pour un
montant total de 32,6 milliards de
dollars. Soit p rès de 10 % de l’ensem-
ble du programme. Même s’il n’est
pas certain que tous les dossiers
soient acceptés, il y a de fortes chan-
ces pour que le programme ne suf-
fise pas à combler tous les besoins
de financement alors que de nom-
breux bars, restaurants, hôtels et
commerces non nécessaires sont à
l’arrêt complet depuis au moins
deux semaines.

« Un financement d e 349 milliards
de dollars n’est franchement pas
adapté à la magnitude des besoins des
petites entreprises américaines. Les
fonds vont être épuisés rapidement,
souligne la communauté indépen-
dante des banquiers d’A mérique
(ICBA) dans une lettre envoyée ce
week-end au Trésor. Quand toutes
les grandes banques seront prêtes, les
fonds seront déjà épuisés et ce sont
des milliers d’entreprises qui pen-
saient pouvoir accéder à un crédit qui
seront frustrées et en colère. Nous
demandons immédiatement au Con-
grès des crédits supplémentaires. »

Des restrictions
Les banques ont même dû imposer
des restrictions. La plupart ne pro-
posent pour l’instant des crédits
qu’aux seules e ntreprises déjà c lien-
tes. D’autres vont encore plus loin
en limitant les prêts aux clients dis-
posant d’un compte professionnel
ou ayant déjà un prêt ou une carte

de crédit professionnelle dans leur
établissement. Fortement critiquée
sur les réseaux sociaux, Bank of
America a dû élargir ses critères en
urgence.
Wells Fargo, de son côté,
demande que les restrictions que la
Fed lui impose soient levées. Après
l’affaire des faux comptes et de
sérieuses difficultés comptables, la
banque ne peut prêter plus de
10 milliards de dollars à ses clients,
selon la loi. Or elle a déjà reçu des
manifestations d’intérêt pour un
montant bien supérieur... « Nous
nous engageons à servir nos clients
dans ces temps difficiles et sans
précédent, mais nous sommes
limités dans notre capacité à en
servir autant que nous le vou-
drions », a déclaré le patron de la
banque, Charlie Scharf. La pression
est forte sur la Réserve fédérale afin
qu’elle desserre l’étreinte : Wells
Fargo est un poids lourd sur le
marché des PME.n

Le programme américain de crédit


aux petites entreprises est déjà débordé


Mis en place depuis
vendredi et doté de
350 milliards de dollars,
ses fonds risquent d’être
épuisés d’ici à quelques
jours, alors que toutes
les banques ne sont pas
encore opérationnelles.


En Allemagne, les PME génèrent 60 % des emplois et 80 % des postes d’apprentissage. Photo iStock


10 ans, dont 2 ans sans rembourse-
ment. Les crédits pourront attein-
dre jusqu’à 800.000 euros pour les
entreprises de 50 à 250 salariés, et
500.000 euros en deçà.
Ce n’est pas pour autant un chè-
que en blanc pour les moutons
noirs. Seules les entreprises actives
depuis a u moins un an et b énéficiai-
res fin 2019 pourront obtenir un
prêt. Ce n’est pas non plus « gra-
tuit » : l’Etat impose un taux d’inté-
rêt de 3 %.

50 milliards de prêts en vue
L’Etat porte ainsi à un total de
1.173 milliards son énorme paquet
d’aides aux entreprises allemandes.
Le sacro-saint « déficit zéro » est
oublié, y compris par le très ortho-
doxe ministre des Finances. « Il n’y a
pas de limite supérieure » à l’aide que
l’Etat est prêt à apporter aux entre-
prises, a assuré Olaf Scholz. Le diri-
geant de la KfW s’attend à un volume
de prêts garantis à 100 % d’au moins
50 milliards d’euros et « n’exclut pas
totalement » d’atteindre 100 mil-
liards. L’investissement est massif,
mais l’enjeu est aussi vital. En Alle-
magne, « 99,5 % des entreprises sont

des PME », a rappelé lundi le minis-
tre de l’Economie, Peter Altmaier. Ce
sont elles qui « génèrent 60 % des
emplois » et aussi ce qui fait la force
du système de formation profes-
sionnelle allemand : « 80 % des pos-
tes d’apprentissage », souligne-t-il.
Reste encore aux banques à faire
leur part du chemin. Le déblocage
des crédits d’une manière « rapide
et non bureaucratique » est une
question de vie ou de mort pour les
PME allemandes, fait valoir la fédé-
ration allemande du patronat, le
BDI. Les prêts devront être rem-
boursés un jour, signale pourtant la
fédération des banques populaires
(BVR) : même simplifiée, une éva-
luation des risques « sera toujours
nécessaire ».

Alors que la France a calqué sur
l’Allemagne son programme de
prêts garantis par l’Etat (PGE) de
300 milliards d’euros, la décision
allemande pourrait faire tâche
d’huile. En effet, le feu vert donné
par la Commission vaut pour tous
les pays de l’Union européenne.
« Ceci devrait être particulièrement
utile pour répondre aux besoins
urgents de liquidité de petites et
moyennes entreprises de manière
rapide », a déclaré Bruxelles dans
un communiqué.

Réunion technique
en France
Jusqu’ici, le débat n’a pas eu lieu en
France, où la garantie apportée par
bpifrance porte sur un maximum
de 90 %. Mais la question pourrait
être abordée lors d’une réunion
technique qui doit être organisée
cette semaine par Bercy avec les
banques et les assurances à la
demande des Chambres de métiers
et de l’artisanat. Sans trésorerie, les
artisans demandent une mobilisa-
tion plus forte des banques. « Si des
choses sont à améliorer, on le fera »,
indique-t-on du côté des banques.n

lEn prenant à sa charge la totalité des risques sur les crédits d’urgence,


le gouvernement allemand pousse les banques à débloquer l’aide


aux petites entreprises « avant qu’il ne soit trop tard ».


lLa Commision européenne a donné son feu vert à cette initiative.


Berlin offre 100 % de garantie


pour les prêts aux PME


Le déblocage des
crédits d’une manière
« rapide et non
bureaucratique » est
une question de vie ou
de mort pour les PME
allemandes.

raient sur les prochaines
années. » Ce serait une pre-
mière dans l’histoire de la pre-
mière banque américaine, qui a
continué de verser des dividen-
des pendant la crise financière.
Le plan de sauvetage adopté
par le Congrès fin mars condi-
tionne l’octroi de certaines
aides aux entreprises à la sus-
pension des dividendes et des
rachats d’actions. Mais le débat
sur les dividendes des banques
renvoie davantage à l’alterna-
tive entre la mobilisation des
ressources pour leurs clients ou
la préservation des intérêts de
leurs actionnaires.

100 millions
d’actionnaires
En 2019, le groupe a réalisé un
bénéfice net de 36,4 milliards
de dollars pour un chiffre
d’affaires de 118,7 milliards, rap-
pelle Jamie Dimon pour con-
vaincre de la solidité de son
bilan. Et, en mars, huit grandes
banques américaines ont
annoncé suspendre l eurs
rachats d’actions, au moins jus-
qu’en juillet.
« Environ 100 millions de per-
sonnes aux Etats-Unis possèdent
des actions et un grand pourcen-
tage de ces personnes, d’une
manière ou d’une autre, possè-
dent des actions de JPMorgan
Chase. Beaucoup sont des
vétérans, des enseignants, des
policiers, des pompiers, des
retraités ou des personnes qui
épargnent pour une maison, une
école ou une retraite », assure
Jamie Dimon.
« Notre dividende est logique »
et « nous allons continuer de le
verser », a, de son côté, indiqué
ces derniers jours Michael
Corbat, directeur général de
Citigroup, sur la chaîne CNBC.
Goldman Sachs ou Morgan
Stanley ont diffusé ces derniers
jours des messages similaires.
Dans le cadre des « stress tests »
auxquels se soumettent les b an-
ques américaines, la Réserve
fédérale pourrait théorique-
ment leur refuser de distribuer
leurs réserves. Selon le « Wall
Street Journal », ce n’était toute-
fois pas son intention.

(


Lire « Crible »
Page 34

Dans le cas d’un scénario
« extrêmement négatif »,
Jamie Dimon, le PDG de
JP Morgan, estime que le
conseil d’administration
« envisagerait probable-
ment de suspendre
le dividende ».

JP Morgan n’exclut


pas de suspendre


son dividende


en bref


Coronavirus : la BCE a déjà acheté
pour 30 milliards d’euros d’actifs

DETTE La Banque centrale européenne (BCE) déploie le pro-
gramme d’urgence contre la pandémie qu’elle a annoncé il y a
deux semaines au cours d’une réunion extraordinaire. Ce plan
de 750 milliards d’euros v ise à apaiser les tensions sur les taux et
à empêcher une fragmentation de la zone euro, comme lors de
la crise de la dette. L’institution de Francfort a acheté pour plus
de 30 milliards d’euros de dette sur le marché au cours de la
semaine écoulée. Au mois de mars, elle a aussi accentué ses
achats d’emprunts d’Etat italiens et investi près de 12 milliards
d’euros sur ces titres violemment secoués par la crise du coro-
navirus. Christine Lagarde, la présidente de la BCE, a promis
une grande flexibilité et un engagement sans limite.

Deux assureurs automobiles américains
rendent l’argent à leurs clients

ASSURANCE Les assureurs automobiles américains Allstate et
American Family Insurance vont reverser les cotisations à leurs
clients alors que les Américains ont délaissé la route pendant le
confinement. Allstate devrait rembourser plus de 600 millions de
dollars, ses clients particuliers recevant 15 % de leurs primes men-
suelles en avril et mai, selon un communiqué. American Family
Insurance veut rendre environ 200 millions de dollars à ses assu-
rés à travers un paiement de 50 dollars par véhicule. En France, la
Maif a annoncé qu’elle allait reverser à quelque 2,8 millions de
sociétaires l’équivalent de l’économie attendue du fait de la chute
de la sinistralité automobile, soit environ 100 millions d’euros.

Véronique Le Billon
@VLeBillon
— Bureau de New York

Jamie Dimon n’a pas dérogé à
l’exercice. En dépit d’un
accident cardiaque début mars,
le PDG de JPMorgan Chase a
publié lundi sa traditionnelle
lettre aux actionnaires. L’occa-
sion de livrer son analyse sur la
crise économique qui se joue
déjà. « Au minimum, nous sup-
posons qu’il y aura une mauvaise
récession combinée à une sorte
de stress financier similaire à la
crise financière mondiale de
2008 », écrit Jamie Dimon, pré-
venant que JP Morgan « ne peut
pas être immunisé contre les
effets de ce genre de stress ».

Mobiliser les ressources
Dans le cas d ’un scénario
« extrêmement négatif » – par
exemple une baisse du PIB de
35 % en rythme annualisé à
partir du deuxième trimestre et
un taux de chômage de 14 % en
fin d’année – le conseil d’admi-
nistration « envisagerait proba-
blement de suspendre le divi-
dende, indique Jamie D imon. Ce
serait par extrême prudence et
parce que des incertitudes plane-

« Au minimum,
nous supposons
qu’il y aura
une mauvaise
récession,
combinée à une
sorte de stress
financier
similaire à la
crise financière
mondiale
de 2008. »
JAMIE DIMON
PDG de JP Morgan
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