Les Echos - 25.03.2020

(Sean Pound) #1

Les Echos Mercredi 25 mars 2020 HIGH-TECH & MEDIAS// 23


« Notre


réaction face


à la crise?


Investir! »


CHRONIQUE
DU VIRUS
Michel
Paulin

Fa bienne Schmitt
@FabienneSchmitt

« Depuis trois semaines, nous
avons mis en place un mode
exceptionnel de gestion de la
crise, même si, pour être franc,
nous n’avions pas anticipé
l’ampleur que cela prendrait...
Nous avons décidé de faire du
télétravail pour la totalité de nos
bureaux dans le monde aux
Etats-Unis, à Singapour, Sydney,
Varsovie, Madrid, à côté de Lon-
dres, évidemment en France. En
revanche, nous avons maintenu
les activités dans nos deux usi-
nes et dans nos 30 data centers.
Mais nous y avons pris des
mesures sanitaires extrême-
ment rigides : on a mis des espa-
ces entre les équipes, on désin-
fecte deux ou trois fois par jour
tous les postes de travail et espa-
ces communs. On a mis en place
des procédures spécifiques de
cantine, de déplacements pour
éviter les transports en com-
mun. En France, nous avons la
chance d’avoir un docteur qui
vient régulièrement sur tous les
sites pour donner des conseils.
Chez OVH, il était essentiel de
maintenir en activité nos servi-
ces de mise à disposition de ser-
veurs dans le cloud, ne serait-ce
que pour les hôpitaux dont les
services sont cruciaux ou le
ministère de l’Enseignement. Il
a fallu maintenir nos serveurs et
continuer à les exploiter dans de
bonnes conditions. D’autant
qu’on constate aujourd’hui une
augmentation des trafics. Donc
c’est un défi pour nous d’être
capable d’assurer à la fois les
services, mais aussi de suppor-
ter la charge. Nous sommes en
contact permanent avec les
autorités pour maintenir ces
infrastructures opérantes. Les
équipes sont vraiment superen-
gagées, cela fait plaisir à voir,
malgré les inquiétudes, les coûts
pour eux-mêmes, pour leurs
proches, de cet engagement.

Av oir des réserves
On connecte dans nos data cen-
ters entre 400 et 600 nouveaux
serveurs par jour. En France, on
a augmenté notre capacité de
production de 30 %, au-delà de
la demande, pour avoir des
réserves et aussi surtout pour
être capable d’offrir gratuite-
ment des infrastructures OVH-
cloud via notre o pération
#OpenSolidary. Télémédecine,
visioconférences, vidéo à la
demande, tout le monde peut en
profiter. Notre réaction face à la
crise a donc été d’investir!
Des acteurs ont profité des
effets d’aubaine sur notre gra-
tuité, et cela m’a scandalisé! On
réglera nos comptes avec ceux
qui ne jouent pas le jeu! Nous
nous préparons à un confi-
nement long. On a fait un 100-
mètres pour changer nos modes
de travail et on se lance dans un
marathon. J’ai confiance : j’ai fait
mon service dans la marine, on
doit toujours tenir la barre, ne
jamais paniquer. »n

Le directeur général
d’OVH raconte qu’il gère
la crise comme dans
la marine : en tenant la
barre, sans paniquer. Et
en allant à contre-courant
en décidant d’augmenter
la production de 30 %.

Nicolas Madelaine
@NLMadelaine


Les journaux de deux jours ou plus
dans la boîte aux lettres le même
matin. C’est ce qui attend les abon-
nés à des quotidiens en raison de
la décision de La Poste de réduire
son service à trois livraisons de
courrier par semaine à partir
du 30 mars (lire ci-dessous). Cette
perspective suscite une inquiétude
mâtinée d’incompréhension et
de colère chez les éditeurs de jour-
naux français.
« Pour le courrier, je comprends
mais pour les quotidiens, c’est terri-
ble »
, explique Marc Feuillée, le
patron du « Figaro ». « Je comprends
le souci de protéger la santé des pos-
tiers mais je regrette qu’il n’y ait eu
aucune concertation »
, dit Louis
Dreyfus, président du directoire du
« Monde ». « Pour la presse, cette
décision unilatérale, dans un contexte
de fermetures temporaires de points
de vente, c’est vraiment créer un
suraccident... et ce au moment même
où l’on a besoin d’informer nos conci-
toyens et d’assurer une continuité du
lien... ce que La Poste faisait, jadis, en
vrai service public »
, déplore Pierre
Louette, patron des « Echos » et du
« Parisien ». « Concernant la distri-
bution du courrier et des colis,
[...]
l’organisation se fera sur la base de
quatre jours travaillés cette semaine
puis de trois jours de travail par
semaine à partir du lundi 30 mars »
,
a ainsi annoncé lundi La Poste dans
un communiqué.


Baisse des ventes
en kiosque

En fonction de leur ligne éditoriale
et de leurs audiences, les quotidiens
ont des répartitions d’abonnés et de
ventes en kiosque très différentes.
Pour la partie abonnés, on estime
que les journaux apportés par
La Poste représentent environ 40 %
du total, contre 60 % apportés par
des services de portage. L es abonne-
ments print du « Monde » totalisent
environ 100.000 exemplaires, dont
45 % postés, selon la direction du
quotidien (40 % au « Figaro »).
La décision de La Poste tombe
mal car le confinement en raison du


PRESSE


coronavirus risque de peser sur les
ventes en kiosque. Selon Presstalis,
le début de la semaine dernière a été
bon pour ce segment. Mais mer-
credi, premier jour de confinement
total, a été catastrophique. Les
chiffres seraient remontés un peu
en fin de semaine et l’appétit des lec-
teurs résisterait très bien, même si
les chiffres des ventes ne sont pas
encore disponibles pour la fin de la
semaine. « J’ai du mal à croire que les
ventes se tiennent, l es gens restant b lo-
qués chez eux » , craint un éditeur.
Environ 3.000 points de vente ont
fermé, dont les Relay dans les gares

et lieux de transport. Ils représen-
taient 17 % du chiffre d’affaires en
temps normal.

Forte fréquentation
sur Internet
Les médias d’information sont
plébiscités et enregistrent des mul-
tiplications par trois de leur fré-
quentation sur la Toile et vendent
davantage d’abonnements numéri-
ques en cette période troublée.
Mais la publicité va s ubir des chutes
violentes très rapidement. Les édi-
teurs regrettent d’autant plus la
décision de La Poste qu’ils ont

l’impression que les sociétés d e por-
tage assurent, elles, leur service.
« Pour leur part, les sociétés privées
de distribution et de portage, à l’ins-
tar de notre filiale Proximy, font le
maximum pour garantir la distribu-
tion, quel qu’en soit le coût » , dit ainsi
Pierre Louette.
Louis Dreyfus estime que les
lecteurs concernés feront preuve
d’indulgence étant donné la situa-
tion sanitaire et ne se désabonne-
ront pas. Mais certains éditeurs
assurent qu’ils « feront une demande
d’indemnisation, évidemment, pour
le manque à gagner ». n

La diminution du service de La Poste


provoque l’ire des éditeurs de presse


l A partir du 30 mars, La Poste ne devrait distribuer le courrier, et donc les quotidiens,


que trois jours par semaine.


lEnviron 40 % des abonnés sont concernés. Les éditeurs de presse montent au créneau.


sation se fera sur la base de qua-
tre jours travaillés ». Puis, à partir du
30 mars, l’organisation passera à
trois jours travaillés sur sept.
Cette réduction du temps de
travail se fera « sans impact sur
la rémunération » des facteurs.
Comme la semaine dernière, les
équipes prendront leur service de
manière décalée, « selon le principe
de ne jamais avoir plus de 50 %
des effectifs habituels présents en
même temps sur un site ».

Limiter l’exposition
des agents
Le facteur ne pouvant plus passer
tous les jours à chaque boîte aux
lettres, cela aura de facto un impact
sur les temps de livraison des lettres
et colis. Ces retards « dépendront
des localités » , en fonction des effec-
tifs présents.
A la différence d’Amazon,
La Poste ne peut trier les colis afin
de prendre en charge plus vite cer-
taines commandes jugées prioritai-
res, car elle n’a pas connaissance

agents. L’organisation de chaque
bureau est adaptée localement avec,
par exemple, des systèmes de rota-
tion des équipes un jour sur deux.
Certains services dits « essen-
tiels » seront traités en priorité,
comme le retrait et dépôts d’espèces
ou de chèques. Là encore, La Poste
rappelle que les déplacements
en bureaux ne doivent être faits
« que s’ils sont strictement nécessai-
res » , de nombreuses opérations
pouvant être faites à distance.

Des mesures sanitaires
insuffisantes pour Sud-PTT
Le groupe a de nouveau renforcé
ses mesures visant à protéger ses
agents de l’épidémie. Désormais,
si une série de prérequis n’est pas
réunie – comme « l’accès à des
points d’eau identifiés, l’équipement
en gel hydroalcoolique ou lingettes
virucides, masques pour les servi-
ces l’exigeant » –, le service de livrai-
son sera suspendu.
Ces précautions sont jugées
insuffisantes par Sud-PTT, qui

demande « un arrêt de la production
à La Poste ». Le syndicat cite notam-
ment le cas d’un postier contaminé
« dont le poste a été désinfecté, sans
envoyer les autres personnels en
quatorzaine » ou « le maintien d’une
personne en CDD s ur l e site, alors que
ses collègues en CDI rentrent chez
eux après une contamination ».
Alors que le syndicat avance
que les postiers « continuent à exer-
cer leur droit de retrait » face à cette
situation, La Poste indique de son
côté que les droits de retrait sont
« peu nombreux » , tout en admet-
tant qu’il est « complexe de faire
remonter ce genre d’informations »
pour tous les sites.
Concernant les contaminations,
le groupe indique « appliquer rigou-
reusement » les consignes diffu-
sées sur l’isolement et l’accompa-
gnement des postiers déclarant
des symptômes, l’identification
et l’accompagnement des collè-
gues qui ont eu un lien étroit et le
nettoyage des zones de contact
avec la personne.n

Avec des tournées réduites, des retards de livraison sont à prévoir


Leïla Marchand
@leilamarchand


Fa ce à la propagation du coro-
navirus, La Poste adapte son orga-
nisation. Dans un communiqué
publié lundi, le groupe public
déclare qu’il « se recentre sur ses
missions essentielles au service de
la population »
afin de restreindre
le nombre de postiers à devoir se
rendre au travail chaque jour.
Du côté des facteurs, le temps
de travail de chaque agent « sera
progressivement réduit »
, indique
le groupe. Cette semaine, « l’organi-


Afin de protéger les postiers
face à l’épidémie, le temps
de travail de chaque facteur
sera bientôt réduit
à trois jours par semaine.
Moins de 2.000 bureaux
de poste sur 7.700 restent
ouverts. En interne,
les syndicats continuent
de réclamer davantage
de mesures sanitaires.


du contenu des plis. Le seul levier
du groupe est d’appeler les Français
à ne commander en ligne « que ce
qui est indispensable ». Une campa-
gne de communication en ce sens a
été lancée sur les réseaux sociaux.
Mais à l’heure où les Français sont
confinés à leur domicile et où la
majorité des commerces ne sont
plus autorisés à ouvrir, il n’est pas
sûr que cet appel soit entendu.

Concernant les bureaux de poste,
La Poste a fait le choix de laisser
ouvert 1.600 sites sur 7.700 – en
veillant à en garder « au moins un
ouvert par secteur » afin de limiter
le plus possible l’exposition des

Certains services dits
« essentiels » seront
traités en priorité,
comme le retrait
et dépôts d’espèces
ou de chèques.

« Je comprends
le souci de protéger
la santé
des postiers
mais je regrette
qu’il n’y ait
eu aucune
concertation. »
LOUIS DREYFUS
Président du directoire
du « Monde »

Les éditeurs regrettent d’autant plus la décision de La Poste qu’ils ont l’impression que les sociétés de portage assurent, elles, leur service.

Alexandra Breznay/RÉA
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