Les Echos - 25.03.2020

(Sean Pound) #1
son activité le mois dernier. Créée
en 1930, l’entreprise, implantée à
Mouen, près de Caen, était placée en
dépôt de bilan depuis la fin de 2016,
la faute à une forte baisse des com-
mandes des collectivités dans la res-
tauration de leur patrimoine. Elle
bénéficiait toutefois d’un plan de
continuation accordé l’an dernier
par le tribunal de commerce (TC) de
Caen jusqu’à l ’examen, ces dernières
semaines, d es candidats à sa reprise.
Seulement voilà, aucun terrain
d’entente avec ses banques partenai-
res, bailleurs des bâtiments, n’a été
trouvé alors qu’un des repreneurs, le
groupe Millet, implanté à Brétignol-
les, aux portes de Bressuire (Deux-
Sèvres), fabricant de portes d’entrée
et de fenêtres sur-mesure, est très
intéressé. Le prix de la reprise des
locaux s’élevait a lors à quelques cen-
taines de milliers d’euros.

Avec le soutien de la région
Normandie
« On y a cru jusqu’au bout, mais
comme les propositions se sont heur-
tées à l’intransigeance des crédits-

Philippe Legueltel
— Correspondant à Caen


Il s’en est fallu de peu pour qu’elle
disparaisse. Spécialisée dans la
fabrication de portes, de fenêtres et
de portails en bois sur-mesure et
haut de gamme, destinés notam-
ment aux Monuments historiques,
la menuiserie Acibois a dû arrêter


NORMANDIE


L’entreprise, installée
aux portes de Caen,
a été sauvée in extre-
mis par la région
Normandie, qui s’est
engagée pour la reprise
de ses bâtiments.


Le groupe Millet
reprend 37 des
39 salariés et va
investir dans de
nouvelles machines.


Christiane Navas
— Correspondante à Nice

Av ec les annulations ou reports
en cascade de salons profes-
sionnels, les vingt salariés
d’Alpha Evénements à Carros,
près de Nice, ont tous été mis en
chômage partiel.
La PME, spécialisée dans la
conception, la fabrication et
l’installation de stands, travaille
sur la Côte d’Azur mais aussi à
Paris et e n Italie. « Pour l e Mipim
qui c ommençait le 13 mars à Can-
nes, tous les stands étaient déjà
réalisés, nous avions chargé les
camions pour pouvoir commen-
cer l’installation lorsque la déci-
sion du report est t ombée », expli-
que Robert Mallard, le gérant.

Et le Festival de Cannes?
Si le Mipim est décalé à début
juin, le MIPTV qui devait se
tenir du 30 mars au 2 avril, éga-
lement organisé par Reed
Midem à Cannes, est annulé.
« C’est une manifestation qui
représente habituellement pour
nous 8 % du chiffre d’affaires de
l’année car nous y avons aussi
des clients directs. » En Italie
Cosmoprof, Salon profession-
nel du secteur des cosmétiques

RÉGION SUD


L’annulation ou
le report des Salons
sur la Côte d’Azur
a déjà coûté
un cinquième
du chiffre d’affaires
au prestataire.

était programmé d u 12 au
15 mars à Bologne. A Paris, un
autre report celui du Congrès
international esthétique & Spa,
va se traduire pour l’entreprise
par une perte sèche, le client
d’Alpha Evénements pour
lequel la société réalise habi-
tuellement un stand de 400 m^2
ne pourra pas y participer.
« Nous estimons déjà à 18 % la
perte de chiffre d’affaires cette
année, un montant qui pourrait
grimper si le Festival internatio-
nal du film de Cannes, reporté
pour le moment, n’a finalement
pas lieu, c ar il représente 20 % de
notre chiffre d’affaires », indi-
que le gérant de la PME
(2,6 millions d’euros de chiffre
d’affaires en 2019).

Acompte
Il fait une demande de crédit de
trésorerie à sa banque, restée
pour le moment sans réponse
malgré la garantie apportée par
la BPI. Pour ce qui est des pres-
tations déjà réalisées mais sus-
pendues, « c’est un cas de force
majeure, le client n’a pas l’obliga-
tion de payer », r econnaît
Robert Mallard. Le ministre de
l’Economie et des Finances,
Bruno Le Maire, a recom-
mandé aux donneurs d’ordres
de ne pas pénaliser les PME et
d’accepter de payer des acomp-
tes et de chercher des solutions.
« Nous entretenons de bonnes
relations avec Reed Midem qui
est pour nous un g ros client, s uite
au report du Mipim nous avons
demandé à percevoir un
acompte pour les prestations
déjà réalisées, nous attendons
leur réponse. » n

Le concepteur


de stands Alpha


Evénements au


chômage technique


à pe u près normales. Essity
revendique 30 % des parts de
marché en France et y possède
quatre usines dédiées aux pro-
duits d’hygiène en papier. La
plus grosse, à Gien, travaille 24
heures sur 24 et 7 jours sur 7
pour sortir 7 millions de mou-
choirs et 2 millions de rouleaux
de papier toilette par jour.

Références
les plus demandées
Les cadences étaient déjà inten-
ses avant la crise, il a donc été
impossible de les augmenter
pour répondre à la demande.
Tout comme de basculer des
lignes dédiées aux mouchoirs
ou aux essuie-tout vers le papier
toilette, car les procédés sont dif-
férents. L’usine a donc privilégié
les références de papier toilette
les plus demandées au détri-
ment des autres. Le groupe, qui
emploie 500 personnes environ
à Gien, a aussi pu mobiliser tout
l’effectif. Des mesures ont été
prises pour assurer la sécurité
des salariés tandis que dans les
vastes locaux qui abritent les
lignes, les opérateurs restent à
bonne distance les uns des
autres. « Nous n’avons pas subi
de phénomène de retrait », insiste
le groupe, qui salue l’engage-
ment d es salariés. Pour l’instant,
il n’y a pas de pénurie à craindre.
A condition, « que les Français
restent raisonnables dans leurs
comportements d’achat » .n

Christine Berkovicius
— Correspondante à Orléans

On a tous vu ces images de
rayons de papier toilette dévali-
sés dans les supermarchés. A
l’annonce du confinement, les
consommateurs se sont rués
sur ce produit de première
nécessité (+22 %), comme sur
les essuie-tout et les mouchoirs
en papier (+39 %). Au risque de
mettre e n péril la chaîne
d’approvisionnement?
Chez le suédois Essity, qui
produit notamment les mar-
ques Lotus e t Moltonel ainsi que
de nombreuses marques distri-
buteur, on se veut rassurant.
« Nous avions fait des stocks, et
nos distributeurs également.
Nous sommes donc en mesure
d’assurer le réassort dans les
rayons », répond l’entreprise,
qui estime avoir anticipé le pic
de consommation et continue
de produire dans des conditions

CENTRE-
VAL DE LOIRE

L’un des plus gros
fabricants en
France explique
avoir privilégié
les références
les plus demandées
pour accroître
la production.

Risque limité


de pénurie de papier


toilette, selon Essity


usine de Labarthe-sur-Lèze ( Haute-
Garonne), au sud de Toulouse. Ce
fabricant de vêtements et d’équipe-
ments de protection individuelle
pour la police, l’armée et les pom-
piers avait déjà fabriqué ces mas-
ques pendant la grippe aviaire de
2006 et le virus H1N1 de 2009. I l avait
arrêté en 2012. En janvier, le début
d’épidémie de coronavirus en Chine
l’a convaincu de redémarrer cette
production pour l’exportation puis
pour la France. Il en proposait sur
son site Internet au prix de 59 euros
les 50 unités avant la réquisition.
« On en a vendu aux hôpitaux, aux
cliniques, aux pharmacies, puis on a
été réquisitionné et on est entré dans
des plans d’équipement importants à
la demande du ministère de la
Santé », a raconté son président, Jac-
ques Boyé, à France Bleu Occitanie.

Le 3 mars, le gouvernement a réqui-
sitionné quatre fabricants français
de masques FFP2 pour fournir les
services de santé, après en avoir
commandé 200 millions d’unités.
L’entreprise a remonté quatre lignes
de production. La montée en
cadence est progressive au rythme
de l’arrivée des matières premières,
la cellulose et le polypropylène.

Livraison sous escorte
Aujourd’hui, Paul Boyé Technolo-
gies produit 500.000 masques par
semaine, qui s ont livrés sous
l’escorte des forces de l’ordre pour
éviter les vols. L’usine devrait pro-
duire 1 million de masques par
semaine à la fin mars et 1,5 million
dans 3 à 4 semaines. « Nous mettons
en œuvre tous nos moyens pour que la
montée en puissance se fasse le plus

Créé en 1946, le groupe familial
Millet, qui ne communique pas son
chiffre d’affaires, spécialisé dans la
menuiserie industrielle, est désor-
mais à la tête d’Acibois. Avec
1.000 salariés, l’entreprise de la
région Nouvelle-Aquitaine possède
7 sites de production : cinq en
métropole, dont un en Normandie
avec une unité de production PVC à
Saint-Pair-sur-Mer, près de Gran-
ville (Manche), et deux à la Réunion.
« Nous avons la volonté de déve-
lopper le site d e production d e Mouen
en investissant dans du matériel
moderne. Notre objectif est d’au
moins doubler son chiffre d’affaires
d’ici douze à dix-huit mois », souli-
gne Fabrice Millet, le PDG du
groupe éponyme, qui prévoit un
investissement d’un à deux millions
d’euros, « selon la tournure et la
durée des événements liés à la crise
du coronavirus ». 37 des 39 salariés
ont été repris. Ils pourront fêter,
cette année, les 90 ans d’Acibois.
L’entreprise mise notamment sur
son ouverture récente au marché
des particuliers pour rebondir.n

La menuiserie Acibois sauvée


de justesse par le groupe Millet


La menuiserie normande mise notamment sur le marché des particuliers pour rebondir. Phot o Aprim


Paul Boyé Technologies cherche


des bras pour fabriquer des masques


rapidement possible, afin d’assurer la
sécurité de nos soignants », dit Jac-
ques B oyé. L’entreprise manque tou-
tefois d’électromécaniciens pour
relancer les machines et cherche à
recruter 4 à 5 jeunes techniciens
supérieurs en maintenance indus-
trielle. La production en 3 x 8 occupe
près d e 50 personnes qui portent des
masques. Paul Boyé Technologies a
dû faire de la place dans l’atelier. Son
activité était déjà importante depuis
qu’il a remporté le marché de
l’habillement des 270.000 gendar-
mes et policiers français de 2019 à


  1. Un contrat de 248 millions
    d’euros sur quatre ans. Le fabricant
    a réalisé un chiffre d’affaires de
    90 millions d’euros en 2019 et
    emploie 247 salariés à Labarthe-
    sur-Lèze et à Bédarieux (Hérault),
    ainsi qu’un millier à Madagascar.n


Laurent Marcaillou
— Correspondant à Toulouse


Paul Boyé Technologies a relancé la
fabrication de masques de protec-
tion respiratoire FFP2 dans son


OCCITANIE


Le fabricant d’unifor-
mes et de tenues de
protection fait partie
des quatre producteurs
français de masques
respiratoires réquisi-
tionnés par l’Etat.


Il cherche à recruter
des techniciens.


bailleurs, le tribunal a finalement
acté la fin de la société », se souvient
Harold Stetter, son PDG.
Ce dernier refuse l’inéluctable et
s’est démené pour solliciter les élus
du territoire en faveur de son entre-
prise, pouvant aussi compter sur
des salariés qualifiés d’ exemplaires.
« La région est intervenue pour per-
mettre la poursuite d’activité de
l’entreprise pour une durée d’un
mois supplémentaire ainsi que le
rachat du bâtiment industriel aux
crédits-bailleurs par notre société
d’économie mixte Shema », e xplique
Hervé Morin, président de la région
Normandie. Dans la foulée, le TC de
Caen vient de valider l’accord de
reprise avec Millet.

7

SITES DE PRODUCTION
Le nombre d’implantations
de Millet (en métropole
et à La Réunion).

PME & REGIONS


Les Echos Mercredi 25 mars 2020

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