Les Echos - 25.03.2020

(Sean Pound) #1

Les Echos Mercredi 25 mars 2020 EVENEMENT// 05


entreprises de la zone euro s’est
effondrée en mars dans une mesure
bien supérieure à celle observée
même au plus fort de la crise finan-
cière mondiale » de 2008, note
Chris Williamson, l’économiste en
chef de IHS Markit. A l’époque,
l’indice avait enregistré un plus
bas à 36,2 en février 2009. « Le sen-
timent des entreprises concernant
l’année à venir a plongé dans la plus
grande morosité jamais enregistrée,
ce qui suggère que les efforts des
décideurs politiques à ce jour n’ont
pas réussi à éclaircir la noirceur du
tableau », a-t-il ajouté.
La baisse de l’indice composite
de confiance des consommateurs
de la zone euro en mars « est si
forte qu’à tout autre moment, elle
aurait fait penser à une erreur de
tableur. Mais la vérité est que cet

Si plusieurs économistes tablent
sur une contraction du PIB de l’ordre
de 3 % au premier trimestre 2020,
c’est au deuxième trimestre que la
crise devrait prendre toute son
ampleur avec un recul de 10 %,
estime Christoph Weil de Commer-
zbank. « Si nous parvenons à conte-
nir la pandémie d'ici le milieu de
l'année, poursuit-il , la production
devrait repartir fortement au cours
du second semestre. Mais même dans
ce cas, la production pour l'ensemble
de l'année 2020 sera en baisse de 4 % ».
La croissance française en 2020
sera « bien inférieure à ce qu’elle a
été évaluée dans le projet de loi de
finances rectificative », c’est-à-dire –
1 %, a reconnu de son côté mardi le
ministre de l’Economie, Bruno Le
Maire. « Chaque semaine de confine-
ment supplémentaire [...] a un

impact sur notre croissance qui se
chiffre en milliards d’euros, tout
comme l’évolution de la situation
dans d’autres pays du monde », a
ajouté le ministre. Concernant le

plan de soutien de 45 milliards
d’euros annoncé par le gouverne-
ment, il a précisé que ce montant
n’était qu'« un point de départ » et
serait probablement dépassé.n

lL’ indice PMI de l’activité dans la zone euro s’est effondré à 31,4 en mars après 51,6 en février, en territoire récessif.


lIl témoigne d’un plongeon brutal dans le secteur des services et de la production manufacturière.


L’activité en zone euro s’effondre

bien plus vite qu’en 2008

Catherine Chatignoux
@chatignoux


Les premiers indicateurs mesurant
l’activité économique depuis l’appa-
rition du Covid-19 dans la zone euro
confirment ce qu’économistes et
politiques annonçaient depuis plu-
sieurs jours : l’épidémie provoque
une contraction sans précédent de
la production et de la consomma-
tion. L’indice PMI composite du
cabinet IHS Markit a plongé à son
niveau le plus bas depuis sa création



  • et depuis que l’euro existe – il y a
    plus de deux décennies.
    Le chiffre est passé de 51,6 en
    février à... 31,4 en mars. Lorsque
    l’indice est supérieur à 50 points,
    cela signifie que l’activité progresse.
    Elle est en récession s’il est inférieur
    à ce seuil. La glissade du mois de
    mars équivaudrait, selon les écono-
    mistes, à un recul du PIB de 3 %, un
    peu supérieur au pire trimestre de
    recul de la crise financière, début
    2009 (–2,5 % ).


Sombres perspectives
Le choc provoqué par la fermeture
soudaine de pans entiers de l’écono-
mie et la chute de la consommation
dans le sillage des mesures de confi-
nement, total ou partiel, décidées
par les gouvernements a touché
toute la région, selon le rapport
publié mardi. Les services ont été
violemment impactés, avec un
indice passé de 52,6 en février à 28,
en mars, en particulier l e secteur des
voyages, le tourisme et les restau-
rants, tous à l’arrêt. Toujours selon
les données de IHS Markit, l’indice
d’activité de la France (30,2) a chuté
beaucoup plus fortement que celui
de l'Allemagne (37,2) mais il reflète
le décalage des fermetures d'entre-
prises et d'écoles qui sont interve-
nues plus tôt dans l’Hexagone.
L’indice manufacturier se replie
moins violemment à 39,5, contre
48,7 en février. « L’activité des


INTERNATIONAL


Un G7 finance chaque semaine


Les ministres des finances et les gouverneurs des
banques centrales du G7, à l’issue de leur vidéo-
conférence, mardi, ont convenu de s’entretenir sur un
rythme hebdomadaire pour coordonner leurs actions
contre le Covid-19. Dans l’immédiat, ils ont estimé
« urgent d’augmenter le soutien pour le développement,
la fabrication et la distribution rapides de diagnostics,
de produits thérapeutiques et d’un vaccin pour le
Covid-19 ». Aux côtés du FMI et de la Banque mondiale,
les argentiers se déclarent être « prêts à contribuer
davantage aux efforts multilatéraux visant à aider les pays
les plus vulnérables et les moins avancés ».

Cécile Thibaud
@CecileThibaud
—Correspondante à Madrid


Le gouvernement espagnol conti-
nue de dérouler son plan d’accom-
pagnement aux entreprises. Il a
approuvé, mardi, de nouvelles
mesures pour freiner l’impact du
coronavirus sur le tissu économi-
que et faciliter l’accès au crédit des
entreprises, alors que le pays est
pratiquement à l’arrêt. Cette
annonce s’inscrit dans le cadre de
la mobilisation de 200 milliards
d’euros, annoncée la semaine der-
nière par Pedro Sánchez pour évi-
ter les faillites et mettre e n place un
« bouclier social » protégeant les
salariés, avec notamment le
recours au chômage partiel
comme parade au licenciement.
Le Conseil des ministres a voté
une ligne de garanties, à hauteur de
100 milliards d’euros. L’Etat se por-


tera garant à hauteur de 80 % des
crédits débloqués par les ban-
ques pour les PME et les travailleurs
indépendants afin de leur permet-
tre de payer salaires et factures.
Cette première mesure aura des
effets rétroactifs au 18 mars, pre-
mier jour ouvrable de l’entrée en
vigueur du confinement. La garan-
tie d’Etat couvrira aussi jusqu’à 70 %
des nouveaux crédits sollicités par
les entreprises de plus de 50 sala-
riés. Ce dispositif est moins ambi-
tieux que celui qu’espéraient les
banques, qui demandaient une
garantie à hauteur de 90 % des som-
mes empruntées.

Plus de 500 morts
en 24 heures
Le gouvernement prévoit de pré-
senter la semaine prochaine une
nouvelle série de mesures socia-
les, dont un moratoire sur les
loyers et une meilleure protection
des travailleurs les plus vulnéra-
bles, pour répondre aux préoccu-
pations des syndicats, fortement
appuyées par les ministres issus
de Podemos.
« Nous sommes dans une nouvelle
phase de cette crise inimaginable », a
souligné la porte-parole du gouver-
nement Maria Jesus Montero en
appelant à un effort collectif, alors

que l’exécutif a déjà prononcé la
prolongation du confinement jus-
qu’au 11 avril prochain.
L’annonce de ces aides a lieu tan-
dis que l’épidémie frappe de plus
belle dans le pays, pourtant placé en

confinement sévère depuis neuf
jours. On décomptait mardi 2.
morts, soit 514 de plus que la veille,
et 39.673 cas de contagion. La rapi-
dité de cette expansion est particu-
lièrement intense dans la région de

Madrid (7 millions d’habitants) qui
concentre à elle seule 1.535 décès,
soit 57 % du total. La situation est
telle qu’une patinoire vient d’être
reconvertie en morgue provisoire
pour faire face à la saturation des

services funéraires municipaux.
Les pavillons du Parc des Exposi-
tions, quant à eux, ont été transfor-
més en hôpital de campagne pour
déployer 5.500 lits en appui au
réseau hospitalier débordé.n

L’exécutif espagnol veut donner de l’oxygène aux entreprises


Le gouvernement débloque
l’accès au crédit pour
les PME, en offrant une
garantie couvrant jusqu’à
80 % des sommes emprun-
tées pour les aider à éviter
la faillite. Cette annonce
a lieu alors que l’épidémie
s’emballe en Espagne.


livrer partout », explique le res-
ponsable du programme, qui
n’attend que l’autorisation de
l’Agence espagnole du médica-
ment pour servir les hôpitaux de
Catalogne.

Initiatives en réseau
C’est l’ une des multiples initiatives
en réseau qui ont surgi ces der-
niers jours, autour d’associations
patronales, de groupes d’ingé-
nieurs et d’équipes issues d’entre-
prises comme Seat, Airbus, ou
Renault, pour répondre aux cris
d’alarme du personnel sanitaire et
de parer à leurs besoins les plus
urgents en matière de protection
(gants, masques, gel désinfec-
tant...) ou encore d’appareillage
pour les unités de soins intensifs.
Depuis des jours, médecins et
infirmiers réclament en urgence

le matériel promis par le ministère
de la Santé. I ls alertent d es dangers
encourus par le personnel exposé
aux malades, alors que plus de
12 % des infectés sont des profes-
sionnels de santé. Du côté des
régions les plus fortement tou-
chées par le virus, dont Madrid, la
colère gronde contre le gouverne-
ment central accusé de manque
d’anticipation. Mais il semble que
la réalité soit moins simple.

Matériel commandé
en Chine
La question centrale est de savoir
pourquoi les grands distributeurs
d’équipements hospitaliers ont
cessé de servir l’Espagne, au
moment où l’épidémie s’emballait
dans la péninsule ibérique. Elle est
aussi de savoir pourquoi le gouver-
nement central n’arrive pas à se

faire envoyer le matériel com-
mandé en Chine. Il semble que la
raison ne se trouve pas à Madrid
mais chez les entreprises importa-
trices pour l’Europe, qui ont
réservé les stocks pour leurs pays
respectifs (la France et l’Allema-
gne en l’occurrence).
Ce barrage a fait perdre des jours
précieux au gouvernement espa-
gnol qui, faute de pouvoir passer
par les canaux habituels, a dû
ouvrir en urgence d’autres voies
d’importation, pendant que les
régions les plus touchées par le
virus commençaient elles aussi à
chercher pour leur compte. Après
des jours de flottement, il semble
avoir réussi à réorganiser ces cir-
cuits de commandes. L’arrivée de
deux avions chargés de matériel
venu de Chine mardi devrait
annoncer la fin de la pénurie. — C. T.

Le pays commence à produire ses respirateurs


Des respirateurs fabriqués en
urgence pour répondre à la
demande des hôpitaux à travers le
pays. C’est l’objectif de groupes
d’ingénieurs et d’entreprises qui
s’unissent à travers l’Espagne pour
faire face à la pénurie de matériel
médical. Un consortium d’e ntre-
prises de Zona Franca, près de Bar-
celone, a travaillé contre la montre
et annonce la livraison de quelque
100 unités par jour à partir de cette
semaine. « Nous avons le design, la
fabrication, l’assemblage et nous
avons la logistique pour pouvoir

Des initiatives surgissent
à travers le pays pour
fabriquer en urgence
du matériel sanitaire et
monter des respirateurs
pour les unités de soins
intensifs.

indicateur est crédible, et les don-
nées d’avril pourraient être encore
pires », a commenté Jack Allen-
Reynolds, de Capital Economics.
Remis de sa surprise, l’économiste
note que l'indice de l'emploi est
tombé à son plus bas niveau
depuis juillet 2009, « ce qui est par-
ticulièrement inquiétant car les
pertes d'emplois pourraient faire
durer plus longtemps la faiblesse de
l'économie ».

C’est au deuxième
trimestre que la crise
devrait prendre toute
son ampleur avec
un recul du PIB
de la zone euro de 10 %.
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