Le Monde - 08.04.2020

(Marcin) #1

22 |science & médecine MERCREDI 8 AVRIL 2020


0123


Infographie : Philippe Da Silva Texte : Laure Belot Sources : NG Biotech, Hôpital Bicêtre, Université catholique de Louvain

C T


Spécialisée notamment dans les tests
sanguins de grossesse, la société
bretonne NG Biotech a adapté
ce principe d’analyse
immunochromatographique
par bandelette pour détecter
les anticorps qu’un organisme produit
pour se défendre contre le virus
SARS–CoV–2. En 15 minutes
et avec une goutte de sang,
ce laboratoire de poche, développé
en partenariat avec le CEA et l’AP-HP,
décèle et diérencie simultanément
la présence d’IgM (immunoglobulines
M) et d’IgG (immunoglobulines G).
« Le premier est un marqueur
précoce du SARS–CoV–2 et apparaît
dans l’organisme quelques jours
après les premiers symptômes, le
deuxième est plus tardif, les deux
peuvent coexister »,
explique le microbiologiste Thierry
Naas, de l’hôpital Bicêtre,
un des 5 établissements de la région
parisienne ayant validé le test
la semaine du 23 mars. Le marquage
CE a été obtenu le vendredi 27 mars
et une première commande publique
française a été passée dans la foulée.

« Dans notre étude à Bicêtre,
la sensibilité, donc la abilité du test
a été de 95 % à 15 jours après
les premiers symptômes, et de 100 %
à 21 jours, précise Thierry Naas,
sa spécicité a été de 100 %, nous
n’avons pas décelé de "faux positifs"
sur ce test. » Une personne ayant été
« asymptomatique » (ayant eu le virus
sans symptômes) sera positive
à ce test dit sérologique.

Négatif
la personne testée
n’a pas développé d’anticorps

Lecture du résultat
sur la bandelette

Pointe pour extraire le sang
(autopiqueur)

Zone de collecte du sang
Mise en contact
avec les réactifs

Présence dans le corps du virus

Molécules
d’immunoglobulines

Présence d’anticorps IgM
début de la réponse immunitaire,
de 5 à 15 jours après le début des symptômes

Pentamère

Monomère

Immunité à long
terme, présence
d’anticorps IgG

Déclin Convalescence
du virus

Fenêtre sérologique
(anticorps
non détectables)

Schéma théorique de la réaction immunitaire à une infection virale

partie
variable

partie
constante

Présence d’anticorps IgM + IgG
maladie en pleine évolution

Présence d’anticorps IgG
phase de convalescence

des anticorps IgM

Temps

des anticorps IgG

Covid-19 : un test de grossesse


adapté à la détection


des défenses immunitaires


IgM deviennent
détectables
Production
d’anticorps IgG

E. BUSSER, G. COHEN ET J.L. LEGRAND © POLE 2020 [email protected]

Dominos, le retour


Rappelez-vous, il y a quatre ans environ (problème 940), Alice et Bob jouaient déjà
aux dominos sur un tableau à deux lignes et un grand nombre de colonnes.
Il y posaient à tour de rôle des dominos recouvrant deux cases, Alice horizontalement
et Bob verticalement, sans que les dominos se chevauchent, naturellement.
Vous aviez montré que si Alice commençait, elle l’emportait, sauf si le nombre de
colonnes était un multiple de 4 augmenté de 1, auquel cas c’est Bob qui gagnait.

Mais qui gagne, en fonction du nombre de colonnes, si c’est Bob qui commence?

Solution du problème 1139


1. Bob a 42 ans.
Si N est l’âge de Bob, on écrit ses diviseurs successifs.
Le premier est 1, le dernier N. Si parmi eux a et b se suivent,
( ba ) divise N. Mais N/ b et N/ a se suivent aussi et leur dif-
férence divise N. Ainsi, N/(N/ a – N/b) = ab /( ba ) est un
entier. ( ba ) divise ab. Si un nombre premier divise ( ba ),
il divise b ou a , et divisant ( ba ), il divise b et a. Les nombres
premiers divisant N étant à la puissance 1, ( ba ) divise a.
Ainsi, b = a + un diviseur de a , noté b = a + div( a ).
Cherchons les diviseurs possibles successifs de N :



  • Le premier, 1, n’a que 1 comme diviseur.

  • Le deuxième est forcément 2, égal à 1 + div(1).
    N ne peut être 2 : Bob est majeur, on continue (*).

  • Le troisième, 2 + div(2) ne peut être 4 (il n’y a pas de carré
    dans les facteurs de N), c’est donc 3. N ne peut être 3 : les
    nombres précédents ne le divisent pas tous (**).

  • Le quatrième, 3 + div(3) ne pouvant être 4, c’est 6 (*).

  • Le suivant, 6 + div(6) ne peut être égal à 8, 9 ou 12 (qui
    ont des carrés dans leurs diviseurs), c’est 7 (**).

  • Le suivant, 7 + div(7) est 14 (**), car 8 est interdit.

  • Le suivant, 14 + div(14) est 21 (**) car 15 ne convient pas (5
    n’est pas dans la liste des diviseurs), 16 et 28 sont interdits.

  • Le suivant, 21 + div(21) est 42 (22 ne convient pas car 11
    n’est pas dans la liste des diviseurs, 24 et 28 sont interdits).
    C’est l’âge de Bob : tous les nombres précédents le divisent
    et les suivants donneraient une valeur trop grande de N.
    2. Les Dif-Div cherchés sont : 1, 2, 6, 42 et 1806.
    On poursuit le raisonnement (**) avec 43, 86, 129, 258, 301,
    602 et 903. Puis 1806 convient. On est bloqué au-delà.


« ALEX ET LA MAGIE DES NOMBRES »
ALEX BELLOS (FLAMMARION)
Nouvelle aventure au pays des maths d’Alex
Bellos, qui tente de les faire comprendre
comme on le ferait d’une « bonne blague ».
En dix chapitres, sautant du concret à l’abs-
trait, il nous promène à travers l’histoire des
nombres et leurs lois universelles : e , les
puissances de 10, le calcul infinitésimal... La
géométrie est aussi présente (triangles,
cônes, rotation) ainsi que la déduction
logique et, pour terminer, les automates cel-
lulaires. Ludique et souvent drôle, avec un
vocabulaire très imagé, Alex Bellos prouve
que « les mathématiques ne rendent pas
seulement le monde plus compréhensible,
elles le rendent plus plaisant ».

« JE N’AI PAS LE TEMPS »
JACQUES CASSABOIS (H LAB)
Ce « roman tumultueux de la vie d’Evariste
Galois » est à la fois roman et biographie de
ce génie des mathématiques mort à vingt ans
en 1832 dans un duel après une querelle
banale. Trois cent soixante dix pages passion-
nantes font revivre au quotidien les dernières
années de ce héros provocateur, arrêté plu-
sieurs fois pour ses idées politiques, qui, tout
en allant au bout de ses engagements, a
marqué l’histoire des mathématiques en fai-
sant progresser d’un siècle la théorie des
équations algébriques. Jacques Cassabois a su
mêler références historiques et dialogues
imaginaires pour nous faire vivre avec son
héros et pleurer à l’annonce de sa mort.

« 200 ANECDOTES SAVOUREUSES
SUR LES MATHÉMATICIENS »
B. HAUCHECORNE (ELLIPSES)
C’est la face cachée des mathématiciens que
montre l’auteur, nous faisant entrer de plain
pied dans leur monde, drôle ou tragique,
mais jamais aussi fou qu’on le dit. Les anec-
dotes sont réparties en sept chapitres où les
matheux (et matheuses) sont géniaux, pas
toujours fous, atypiques, querelleurs, don-
neurs de conseils, philosophes, politique-
ment engagés, ou tout cela à la fois. On
découvre aussi leurs petits travers, mais ces
détails du quotidien les humanisent et nous
les rendent plus proches.
Les illustrations drôles de Gilles Macagno
sont là pour éviter la monotonie..

N° 1140

Suite de la présentation de livres récents autour des mathématiques.
Vous pouvez en retrouver des notes de lecture plus complètes sur http://www.tangente-mag.com/les_ndl.php

AFFAIRE DE LOGIQUE – N° 1140


VIE DES LABOS


QUAND UNE ÉQUIPE ADAPTE SES COMPÉTENCES


FACE À LA CRISE SANITAIRE


L


a décision s’est prise très vite, se souvient Cécile
Martinat, directrice de recherche Inserm, à
Evry. On venait d’arrêter net nos travaux. En
regardant dans les placards, on a réalisé qu’on avait
tous les composants pour fabriquer de la solution
hydroalcoolique. C’est comme cela que tout a com­
mencé. » Depuis le mardi 17 mars, journée marquant
officiellement le début du confinement en France
pour endiguer la pandémie de Covid­19, le laboratoire
I­Stem, qu’elle codirige avec Marc Peschanski, a opéré
une reconversion radicale avec les moyens du bord.
« Notre laboratoire a pour vocation d’identifier de nou­
velles thérapeutiques pour des maladies génétiques,
explique celle qui préside aussi la Société française de
recherche sur les cellules souches. Comme nous ne
sommes pas dans la situation de rechercher des théra­
peutiques contre le virus SARS­CoV­2, nous nous som­
mes juste demandé, comme beaucoup de citoyens
d’ailleurs : comment peut­on essayer d’aider? »
Outre la solution hydroalcoolique produite, déjà dis­
tribuée à des Ehpad et à des infirmières libérales,
l’équipe de scientifiques s’est mise à participer à la dif­
fusion des visières plastiques réalisées avec des feuilles
PVC transparentes. « L’initiative est venue d’un membre

du laboratoire, dont le mari avait commencé à en pro­
duire à l’aide d’une imprimante 3D, explique­t­elle. Au
début, nous lui avons passé notre stock de feuilles trans­
parentes, désormais un groupe de trois gère les envois de
visières. » Ce mouvement spontané de fabrication, issu
d’une multitude de « makers », férus d’impression 3D, a
pris, à l’aide des réseaux sociaux, une ampleur natio­
nale pour livrer hôpitaux et professionnels du soin.

Convertir les robots
Le confinement s’installant, d’autres solidarités collec­
tives s’organisent. « Nous étions plusieurs laboratoires
du Genopole à avoir pris contact indépendamment avec
l’hôpital voisin d’Evry [Centre hospitalier Sud franci­
lien] pour proposer du matériel, raconte­t­elle. Une or­
ganisation centralise désormais leurs besoins et nous es­
sayons d’y répondre. » Samedi 28 mars, Cécile Martinat
est ainsi allée livrer gants, surchaussures et charlottes...
dont son laboratoire n’a pour l’instant plus l’utilité.
Depuis le mercredi 1er avril, une autre initiative est
testée. L’espoir est de convertir les robots d’I­Stem, dé­
diés en temps normal aux expériences sur les cellules
souches, afin qu’ils « manipulent automatiquement des
échantillons provenant d’hôpitaux et réalisent des tests

PCR [Polymerase Chain Reaction] », annonce la scienti­
fique. Ces tests permettent de déceler la présence de
l’acide ribonucléique (ARN) – le patrimoine génétique –
du virus SARS­CoV­2 dans des prélèvements nasopha­
ryngés. « Ils sont encore réalisés à la main dans certains
hôpitaux, précise­t­elle. Nos premiers essais sont encou­
rageants, mais il faut rester prudent. Si cela peut se met­
tre en place, nous pourrions faire tourner nos robots,
24 heures sur 24 et soulager des hôpitaux. »
Pour conserver une dynamique scientifique, les
deux responsables ont, dès la première semaine de
confinement, lancé des groupes de discussions pros­
pectives sur des thématiques de recherche, des forma­
tions en ligne, etc. L’assemblée générale hebdoma­
daire est maintenue par téléconférence.
Mais l’esprit d’entraide, qui les entraîne hors de leur
discipline, est devenu moteur. « Je suis humainement
impressionnée par la mobilisation », constate celle qui
se voit obligée d’en raisonner certains tard le soir
pour prendre des pauses. « Cette crise sanitaire va mo­
difier notre relation à l’autre, nos façons de penser et
d’appréhender les choses. Ce que nous vivons n’a pas de
nom et nous place tous dans la même situation. » 
laure belot

S C I E N C E E N L I G N E
Tous vos rendez-vous en un clin d’œil
Plusieurs acteurs des sciences et de la
culture scientifique (dont l’association
qui regroupe les divers centres et musées
français de ce secteur, l’Amcsti) recensent
sur un calendrier divers événements
numériques à consulter sur YouTube,
Twitch, Twitter ou Facebook...
Le 7 avril, l’association Animath propose
deux heures d’émission sur les maths.
Le 8 avril, Universcience répond aux
questions des enfants. Le 9 avril, le physi­
cien Julien Bobroff tiendra sa deuxième
« conférence confinée »...
> Genial.ly ; Amcstic.fr

AGENDA


SUR INTERNET


Le cosmos 


à sa fenêtre


Le magazine « Ciel & espace »


invite petits et grands


à observer les paysages


célestes. Evasion garantie


M


ême confiné, il y a tout de même un
moyen de sortir à plus d’un kilo­
mètre de son domicile : en regar­
dant le ciel! » C’est par cette phrase que la
revue Ciel & espace commence, sur son site
Internet, une série d’articles proposant aux
emprisonnés du coronavirus de s’évader
quelques instants, par l’œil et par l’esprit, en
effectuant la plus belle des odyssées immobi­
les : un plongeon dans le cosmos. « Même en
temps de guerre, on ne pensait pas tout le
temps aux bombardements. Il ne s’agit pas de
nier le drame qui se joue, mais ne pas avoir la
pandémie comme seul sujet en tête permet de
mieux vivre, explique Philippe Henarejos, ré­
dacteur en chef du magazine. Nous nous som­
mes dit que tout le monde avait un bout de fe­
nêtre ouvert sur le ciel et que, même en ville
avec la pollution lumineuse, il y avait des cho­
ses à voir. Sans sortir de chez soi, sans être hors
la loi, on peut voyager à des années­lumière. »
Que votre fenêtre donne sur le nord, l’est, le
sud ou l’ouest, tout est prévu et chaque pay­
sage céleste détaillé. « On peut observer facile­
ment Vénus, qui est la star du soir en ce mo­
ment, la Lune, ou même, certains jours, voir
passer la Station spatiale internationale », as­
sure Philippe Henarejos, qui conseille de
s’intéresser en particulier à la constellation
du Taureau, où Vénus côtoie actuellement un
groupe d’étoiles brillantes, les Pléiades. Pas
besoin d’un instrument, même si de simples
jumelles de théâtre rendront l’observation
plus spectaculaire. « Pour ceux qui se lèvent
tôt, vers 6 heures du matin, ajoute­t­il, et qui
ont l’horizon sud­ouest dégagé, il y a un excep­
tionnel trio de planètes : Mars, Jupiter et Sa­
turne. Mars se reconnaît à sa couleur orangée
et Jupiter parce que c’est la plus brillante. Par
élimination, Saturne est la dernière... »

« Challenge lunaire »
Ciel & espace ne s’est pas arrêtée à cette initia­
tive. Inspirée par ces vidéos où, même confi­
nés chacun chez soi, les membres d’orches­
tres ou de chœurs se rassemblent en ligne
pour des concerts sur écrans partagés, la
revue a décidé de lancer un « challenge
lunaire » à ses lecteurs, petits ou grands.
« Nous leur demandons de photographier ou
de dessiner tous les soirs la phase de la Lune »,
détaille Philippe Henarejos. Chaque image
doit ensuite être postée, en précisant la date
et l’horaire d’observation, sur les réseaux
sociaux (Facebook, Twitter, Instagram) où
Ciel & espace la récupérera. « L’idée est de sui­
vre la lunaison pendant le mois d’avril et d’en
faire une sorte de film ou d’œuvre d’art dispa­
rate, précise le rédacteur en chef de la re­
vue. C’est aussi l’occasion de vulgariser le
mouvement de la Lune autour de la Terre. »
Le défi devrait être facile à relever, au
moins jusqu’à la pleine lune du mercredi
8 avril. Ce sera ensuite un peu plus compli­
qué, la Lune se levant chaque soir de plus en
plus tard. Le « challenge lunaire » permettra
sans doute aussi à beaucoup, en les obli­
geant à hausser les yeux vers le ciel, de
s’apercevoir que l’astre des nuits est souvent
bien visible en plein jour.
pierre barthélémy

Cieletespace.fr
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