Libération - 21.03.2020

(Marcin) #1

VIII u Libération Samedi 21 et Dimanche^22 Mars 2020


secret : il bloque la construction
dès qu’il est inséré dans la chaîne et
empêche l’ajout de nouvelles bri-
ques. La synthèse du génome viral
est arrêtée ; la réplication ne peut pas
se faire.
Un malade du Covid-19 a été traité
début mars avec du remdésivir, et
l’amélioration de son état a soulevé
beaucoup d’espoirs. Gilead a donc
pu obtenir des autorisations rapides
pour commencer des tests clini-
ques. Pour commencer, 400 pa-
tients avec des symptômes sévères
seront traités au remdésivir pen-
dant cinq ou dix jours. Puis 600 pa-
tients modérés seront traités soit
avec dix jours de remdésivir, soit
avec les soins habituels. Les effets
sur la maladie et les éventuels effets
secondaires seront scrutés. Résul-
tats attendus fin avril.
En France, une expérience lancée
par le Pr Didier Raoult à Marseille
promet monts et merveilles. De la
chloroquine, un vieil antipaludi-
que, a été administrée à 24 malades.
­Raoult a annoncé lundi qu’au bout
de six jours de traitement, seuls

CoV-2 sont des virus très différents,
mais le remdésivir s’attaque au
­processus de réplication des virus,
qu’ils ont en commun.
L’antiviral est un analogue de l’adé-
nosine, c’est-à-dire qu’il est très
semblable à cette brique élémentaire
qui compose les chaînes d’ADN.
Dans son déguisement d’adénosine,
il vient se présenter aux virus qui
­infectent le malade. Les petits
­ouvriers (les polymérases) qui s’oc-
cupent de dupliquer et multiplier
le virus n’y voient que du feu : ils
s’emparent de l’analogue et l’utili-
sent à la place de l’adénosine pour
construire le matériel génétique du
virus. Mais l’analogue a un pouvoir

Chloroquine et
remdésivir : les antiviraux
Le Kevzara est un traitement de
suppléance : il ne s’attaque pas à la
source de la maladie mais tente de
pallier la déficience des organes
touchés. De leur côté, les essais de
chloroquine à Marseille, et d’autres
substances prometteuses comme le
remdésivir, visent à perturber la
multiplication du virus dans le
corps pour freiner l’infection : ils
ont des effets antiviraux.
Le remdésivir a été développé par
le laboratoire Gilead pour lutter
contre le virus Ebola, qui a causé
une épidémie en Afrique de l’Ouest
entre 2014 et 2016. Ebola et le Sars-

«O


n ne se reposera pas tant
qu’on n’aura pas trouvé
la solution», a promis le
directeur général de la Fédération
internationale des industries phar-
maceutiques (IFPMA), Thomas Cue-
nila. Au côté de quelques poids
lourds de l’industrie comme les pa-
trons de Roche, ­Pasteur ou Eli Lilly,
l’IFPMA organisait jeudi une confé-
rence de presse en ligne, répondant
aux journalistes du monde entier.
«Ça va prendre douze à dix-huit mois
pour avoir un vaccin autorisé sur
le marché», estime David Loew, à
la tête de Sanofi Pasteur. Pour garan-
tir efficacité et absence de risques,
on ne peut pas faire plus vite. Mais
quand le vaccin sera là, il sera dispo-
nible pour «quiconque en a besoin»
dans le monde, insiste Paul Stoffels
pour Johnson & Johnson : «C’est une
promesse que nous faisons ensemble,
en tant qu’industrie.»
En France comme ailleurs dans le
monde, les labos sont en ébullition.
Les chercheurs avancent dans l’ur-
gence absolue pour mettre au point
un vaccin mais aussi des réponses
thérapeutiques efficaces à court
terme pour guérir les malades et
­réduire la mortalité.

De l’arthrite au Covid,
empêcher l’inflammation
L’une des pistes s’appelle Kevzara.
Sur le marché depuis 2017, ce médi-
cament a été conçu par Sanofi et la
société américaine Regeneron pour
traiter la polyarthrite rhumatoïde,
une maladie inflammatoire des ar-
ticulations. Rien à voir avec le coro-
navirus, au départ... Mais les deux
pathologies présentent un symp-
tôme commun : l’inflammation. Les
personnes gravement malades du
Covid-19 ont des difficultés respira-
toires car le virus s’attaque aux pa-
rois des bronches et des poumons.
Les muqueuses gonflent, s’épaissis-
sent. Une molécule semble être
­impliquée dans cette réaction im-
munitaire, chez les patients atteints
de polyarthrite comme du Covid-19 :
l’interleukine 6 – nom de code IL-6.
C’est une étude chinoise parue le
5 mars qui a fait le lien, et proposé
d’utiliser les mêmes médicaments,
qui entravent l’action de l’IL-6,
pour traiter les deux maladies. Si
on met des bâtons dans les roues
de cette molécule pour l’empêcher
de déclencher une inflammation,
on pourrait éviter la détresse respi-
ratoire.

Les laboratoires du
monde entier sont à pied
d’œuvre pour avancer
dans l’urgence sur des
réponses thérapeutiques
pour contrer le nouveau
virus. Tour d’horizon
des travaux en cours.

Des tests de dépistage du Covid-19 au laboratoire Biopyrénées, à Pau (Pyrénées-Atlantique). Photo Quentin Top. SIPA

Le Kevzara commence à être testé
dans des hôpitaux new-yorkais,
qui vont former deux groupes de
cobayes : l’un recevra les soins habi-
tuels (assistance respiratoire, etc.)
et un placebo, l’autre les soins habi-
tuels et du Kevzara. On comparera
l’évolution de leur santé. Puis le test
sera étendu à 16 centres médicaux
des Etats-Unis, impliquant «jusqu’à
400 patients» pour connaître les
éventuels effets du Kevzara sur la
fièvre, les besoins en oxygène et la
mortalité. Il y aura aussi, «dans les
prochaines semaines», des tests
en Italie, a annoncé le responsable
de la recherche chez Sanofi, John
Reed.

Traitements, vaccins :


les labos sur le pied de guerre


Sciences

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