Libération - 21.03.2020

(Marcin) #1

Libération Samedi 21 et Dimanche 22 Mars 2020 http://www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe u IX


­laboratoires qui travaillent sur un
traitement ou un vaccin. Parmi eux,
la société allemande CureVac pro-
met des essais cliniques «au début
de l’été 2020» pour un vaccin
­efficace qui repose aussi sur l’ARN
mes­sager. Ses recherches intéres-
sent ­tellement les Etats-Unis que
Donald Trump a tenté d’attirer
les scientifiques avec des gros
­chèques pour en obtenir l’exclusi-
vité, selon le journal Die Welt.
Mais après un refus ferme d’Angela
Merkel, c’est la Commission euro-
péenne qui s’en est mêlée pour
­mettre un terme à toute convoitise,
en fournissant ­elle-même 80 mil-
lions ­d’euros de subventions à
­CureVac.
«Dans cette crise sanitaire, il est es-
sentiel de soutenir nos chercheurs et
nos industries technologiques de
pointe, a affirmé la présidente de la
Commission européenne, Ursula
von der Leyen. Nous sommes déter-
minés à alimenter financièrement
CureVac pour accélérer le développe-
ment et la production d’un vaccin.»
Camille Gévaudan

l’ADN et les protéines fabriquées
dans les cellules des êtres vivants :
c’est une sorte de mode d’emploi
pour fabriquer les protéines.
Le vaccin contient donc un bout
d’ARN messager dont la notice de
montage correspond à la protéine
des spicules du coronavirus. Les
cellules du patient vacciné vont
alors fabriquer ces spicules, que
leur corps va identifier comme des
corps étrangers agressifs, et contre
lesquels il va développer une ré-
ponse immunitaire.
Dès que le génome du nouveau co-
ronavirus a été connu, les scientifi-
ques du VRC et de Moderna ont
adapté leur proto-vaccin à ses spi-
cules. Il s’est déjà montré concluant
lors des tests sur les animaux et
passe désormais en phase d’expé­-
rimentation humaine. Les parti­-
cipants à l’essai clinique recevront
deux doses de vaccin à vingt-
huit jours d’écart, et resteront sous
observation durant un an.

Un vaccin très convoité
On ne pourra pas citer tous les

pendant du ministère de la Santé
américain. Le développement éclair
de ce vaccin nommé mRNA-1273
n’est pas sorti de nulle part ; il a
lui aussi bénéficié de recherches an-
térieures sur le Sras et le Mers, un
coronavirus qui a frappé le Moyen-
Orient en 2012. «Les coronavirus
sont sphériques et ont des piques
qui émergent de leur surface», expli-
quent les NIH. Ces protéines poin-
tues dressées autour de l’enveloppe
du virus sont des spicules : «Elles
s’attachent aux cellules humaines et
permettent au virus d’y pénétrer.»
C’est là qu’on veut agir. Les cher-
cheurs du Centre de recherche sur
les vaccins (VRC), associés à la
­société américaine Moderna, «ont
déjà travaillé sur un vaccin qui cible
les spicules» pour le coronavirus du
Moyen-Orient. Contrairement à de
nombreux vaccins, il ne consiste pas
à inoculer au patient une version
désactivée du virus pour apprendre
au corps à le reconnaître. Ce vac-
cin-là ne contient qu’un brin d’ARN
messager, qui fait le lien ­entre les in-
formations génétiques écrites dans

sévère), qui a fait quelques ravages
au début des années 2000 et qui est
causé par un autre membre de la fa-
mille des coronavirus. Il n’y a qu’à
relancer la machine en poussant
l’ambition plus loin : peut-on faire
d’une pierre deux coups, et finir le
vaccin anti-Sras qui protégerait éga-
lement du Covid-19?
Le vaccin-candidat n’est jamais par-
venu au stade des tests cliniques,
mais il a été essayé sur des animaux.
Il a réussi à conférer «une protection
partielle» en déclenchant une pro-
duction d’anticorps. Le chemin est
encore long : Sanofi Pasteur vise un
vaccin contre le Sars-CoV-2 «dans
moins de six mois» et des essais cli-
niques «dans environ un an».

Le mRNA-1273,
déjà en test
A Seattle, aux Etats-Unis, un autre
vaccin potentiel a déjà mis un pied
à l’hôpital : «45 adultes ­volontaires
en bonne santé, âgés de 18 à 55 ans»
ont prêté leur bras à la science dès
cette semaine, ont annoncé les Na-
tional Institutes of Health (NIH), dé-

25 % des patients étaient encore in-
fectés, alors qu’on tourne normale-
ment autour de 90 %. Comme le
remdésivir, la chloroquine empêche
la réplication du coronavirus dans
les cellules. C’est un effet qu’on lui
connaissait, évident in vitro. Alors
on le teste grandeur nature. L’initia-
tive reste controversée en l’attente
d’un test clinique plus vaste, et de
publications scientifiques prouvant
son efficacité. Mais les médecins
sont pragmatiques : «L’objectif, c’est
que nos patients aillent mieux», ré-
sume l’épidémiologue Alexandre
Bleibtreu, qui a décidé de proposer
la chloroquine aux patients de la
­Pitié Salpêtrière.


Un vaccin anti-Sras
ressorti des tiroirs
Pour mettre hors service le virus dès
son arrivée dans le corps humain,
le graal reste le vaccin. Sanofi y tra-
vaille, et ne part pas de zéro. Sa divi-
sion Sanofi Pasteur, spécialisée en
vaccins, a sorti de ses tiroirs des tra-
vaux antérieurs sur un vaccin ­contre
le Sras (syndrome respiratoire aigu


L


e test de diagnostic pra-
tiqué dans les princi-
paux hôpitaux français
a été développé par l’Institut
Pasteur. Un goupillon est in-
troduit dans la narine du pa-
tient ayant des difficultés res-
piratoires, pour prélever des
cellules. Le prélèvement est
ensuite analysé pour y cher-
cher d’éventuels brins d’ARN


  • l’acide ribonucléique, pro-
    che de l’ADN – appartenant
    au virus Sars-CoV-2. Son ARN
    permet de reconnaître ce
    ­virus en particulier, comme
    une signature. On appelle
    cela un test PCR (réaction en
    chaîne par polymérase) : la
    technique consiste à multi-
    plier en des millions d’exem-
    plaires un fragment de gé-
    nome appar­tenant à un agent
    pathogène (un virus) jusqu’à
    pouvoir le détecter et l’étu-
    dier, même dans un très faible
    échantillon.
    Le prélèvement dure quelques
    secondes, mais il faut ensuite
    envoyer l’échantillon dans le
    laboratoire spécialisé le plus
    proche. Selon le ministère de
    la Santé, 45 établissements en
    France disposent d’un labo


adapté. L’analyse ­repose sur
les manipulations humaines,
et les résultats ne sont pas
­disponibles avant trois à
cinq heures. D’où la rareté des
tests actuels, sans compter
que la saturation des labos
et les arbitrages de priorité
peuvent repousser l’annonce
du diagnostic à vingt-quatre
ou quarante-huit heures après
le prélèvement.

Des tests automatisés,
une capacité décuplée
D’autres laboratoires tra-
vaillent à élaborer des techni-
ques de test alternatives, plus
efficaces, qui sont en cours de
déploiement. Basé en Suisse,
Roche vient d’obtenir deux
coups de tampon pour son
test maison : le marquage CE
pour un usage en Europe et
une autorisation accordée en
urgence par la Food and Drug
Administration américaine.
Alors que les premiers tests
Pasteur ne pouvaient se faire
qu’en labo de recherche, ­celui
de Roche peut être ­effectué
sur des plateformes de tests
moléculaires nommées ­Cobas,
de grandes armoires à analy-
ses largement répandues dans
les laboratoires de ville – qui
ont justement le droit de diag-
nostiquer le Covid-19 depuis le
début de la semaine. «Notre
base installée est de 695 machi-
nes pour Cobas 6800 et de
132 pour ­Cobas 8800», précise
un ­porte-parole de Roche.
Le test donne des résultats en
trois heures et demie, mais
surtout, il est automatisé :
­détecter le coronavirus de-
vient un test standardisé de
routine, parmi une batterie

­d’autres tests que les laboran-
tins ont l’habitude de lancer
sur les machines Cobas.
Ces dernières analysent une
­centaine d’échantillons en
­parallèle, portant la cadence
de diagnostics à 1 000, voire
2 000 ou 3 000 résultats
par jour selon le modèle de
machine. Le potentiel de
­productivité est décuplé, au
minimum. D’autres plate­-
formes de diagnostics auto-
matisés, les Panther de la so-
ciété américaine Hologic,
viennent également d’être
­autorisées. Elles sont utilisées
dans les hôpitaux de Lyon
et Toulouse depuis deux se-
maines.

Des boîtiers magiques
De son côté, la société fran-
çaise BioMérieux prépare
­depuis mi-janvier un test basé
sur un échantillon respira-
toire, dont une première ver-
sion devrait être disponible
fin mars avec des résultats en
quatre à cinq heures. «Il sera
produit à l’échelle industrielle
à Verniolle, dans l’Ariège, et
vendu dans plus de 160 pays»,
a annoncé BioMérieux.
Mais la vraie avancée arrivera
dans un second temps : le test
BioMérieux sera intégré à ses
petits instruments automa­-
tisés de diagnostic in vitro,
ajoutant le Sars-CoV-2 à liste
des 22 bactéries et virus qu’ils
savent déjà détecter. Plus be-
soin de labo, l’instrument se
débrouille tout seul, et les ré-
sultats tombent en quarante-
cinq minutes. Ces boîtiers
magiques seront évalués dans
les prochains mois et «leur
lancement aura lieu immédia-

tement après l’obtention des
autorisations», sans doute au
second trimestre. Les tests
d’autres sociétés de biotech-
nologies, comme ­Novacyt
ou Eurobio Scientific ne se-
ront pas de trop pour faire
face à la demande ­mondiale.

Des tests éclairs
et plus sensibles
Pour booster encore la ca-
dence, des scientifiques chi-
nois d’Oxford ont trouvé une
nouvelle solution. Leur test
du Sars-CoV-2 est «beaucoup
plus rapide et ne nécessite pas
d’instrument compliqué», a
annoncé l’université mer-
credi. Il suffit de répartir le
prélèvement nasal en trois
flacons et les faire réagir avec
un produit chimique qui dé-
tecte l’ARN du virus. Si deux
flacons passent du rose au
jaune, le test est positif. Les
résultats sont lisibles en une
demi-heure.
Un premier essai a été effec-
tué dans un hôpital de Shen-
zhen sur 8 patients infectés et
8 sains : le test n’a fait aucune
erreur. Il serait aussi plus sen-
sible que ses concurrents, ce
qui permet «d’identifier les
patients à un stade d’infection
précoce, et potentiellement
­aider à réduire la propagation
du coronavirus».
Dernier avantage : il a besoin
de peu de matériel pour être
utilisé et les résultats peuvent
être lus à l’œil nu. L’équipe
chinoise essaye maintenant
de développer un kit tout-
en-un pour qu’il puisse être
utilisé «dans les aéroports, ou
même à domicile».
C.Gé.

Bientôt de nouveaux types de tests


pour faciliter le dépistage


Des chercheurs
de tous pays
développent outils
et techniques afin
que la détection
du Covid-19
soit plus rapide,
plus simple,
plus fiable et plus
automatisée.
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