Libération - 21.03.2020

(Marcin) #1

Libération Samedi 21 et Dimanche 22 Mars 2020 http://www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe u 9


Faites entrer ce beau légume de prin-
temps dans votre cuisine. En version
blanche ou verte, vous pouvez bien sûr
tomber dans la traditionnelle mayo,
mais aussi la fricasser en recette fasto-
che. Essayez donc une poignée d’asper-
ges vertes crues coupées en petits tron-
çons (1 à 2 cm), réservez les pointes.
Faites dorer à feu vif les tronçons à
l’huile d’olive dans une poêle ou un wok
(environ cinq minutes). Ajoutez les
pointes, de la coppa émincée, et conti-
nuez la cuisson environ dix minutes.
Déglacez d’un trait de vinaigre balsami-
que, donnez un tour de moulin à poivre
et servez bien chaud avec de généreux
copeaux de parmesan.
Vous pouvez aussi tenter cette recette
d’«asperges à la milanaise». Il faut 600 g
d’asperges blanches, 100 g de beurre,
50 g de parmesan râpé, 2 cuillères à
soupe de persil haché, du sel. Lavez,
épluchez les asperges et retirez les ex-
trémités dures. Faites-les cuire dans
l’eau salée bouillante pendant dix minu-
tes environ, jusqu’à ce qu’elles soient
bien tendres. Egouttez-les et laissez-les
refroidir pendant trente minutes. Ali-
gnez les asperges dans un plat beurré.
Recouvrez-les du parmesan et du beurre
fondu. Faites gratiner les asperges dans
un four préchauffé à 250 degrés pen-
dant dix minutes environ. Parsemez-les
de persil et servez aussitôt.•

La star du week-end :
l’asperge en pointe

Mieux vaut boire du rouge que broyer du
noir : voilà un slogan magnifique en ces
temps déraisonnables. Il est proclamé de-
puis des lustres par Benoist Rey, le plus
anar des cuistots. Dès la couverture de son
livret culinaro-libertaire (1), signé par feu
Siné, l’auteur proclame : «Un bon libertaire
a trois positions dans la vie. Une position
debout pour se battre, manifester, aller de
l’avant. Une position couchée pour que le
corps exulte. Une position assise, pour la
tortorre, la jaffe, la bouffe, la ripaille, le cas-
se-croûte.» Par tous les saints anars et dieu
Bakounine, que l’on aime se régaler de tels
mots. Benoist Rey a fricassé dans les cas-
seroles à l’auberge des Traouquès à Montfa
en Ariège où «les jours de grand vent, les
buveurs du midi croisaient parfois ceux du
soir». Ses mitonnages libertaires passent
par le marché de Saint-Girons et l’inévita-
ble apéro. En l’occurrence, l’auteur a été
bien formé puisque dans les années 50,
son maître ès cuites s’appelait Guy Debord.
«On écumait les rades de Saint-Germain et
des Halles. Avec peu d’argent, on buvait
tout et n’importe quoi. L’aube nous surpre-
nait souvent à la frontière du raisonnable.»
De «l’œuf cocotte» à la «grimoulle aux
pommes» en passant par le «maquereau
à la moutarde» et «le bœuf à la menthe», la
cuisine de Benoist Rey est un pavé joyeux
et gourmand dans la mare du despotisme
des modes culinaires.•

(1) Mieux vaut boire du rouge que broyer du noir
et les autres livres de Benoist Rey sont publiés aux
Editions libertaires.

Ô rouge!
ô des espoirs!

C’est un régal de web-reportages signé
Justine Bonnery, journaliste et réalisatrice,
qui a eu une idée savoureuse et pleine de
bon sens : défendre la bonne chère et par-
tager les savoir-faire et saveurs d’autrefois
en laissant la parole aux vieux de la vieille,
des paysans nés avant les années 40. Elle
raconte : «Arrivée dans la ferme de mon ar-
rière-grand-mère au début de mon
­adolescence, j’ai reçu une éducation “à l’an-
cienne” et rurale, qui n’avait rien à voir avec
celle de mes parents artistes, jeunes et
­urbains. Consciente d’apprendre un savoir-
vivre hors norme de la part d’une mamie
née en 1918, j’ai réalisé que peut-être plus
aucun enfant ne saurait ce qu’elle m’ensei-
gnait.»
On s’est régalé avec sa virée à Villeneuve-
Minervois, dans l’Aude, en compagnie
d’une bande d’Apaches partis débusquer
la truffe. Sur le blog de la Popote à pépé, on
vous recommande aussi la recette des fri-
tons de canard confectionnée par Yvette,
un modèle de cuisine anti-gaspi : «Je
prends les restes de peau, le gras et toute
la viande qu’il reste sur la carcasse et je les
fais revenir dans leur propre graisse dans
ma bassine en alu», explique-t-elle. Quand
on vous dit que le gras, c’est le goût de la
vie !•

http://www.lapopoteapepe.com

la «Popote à pépé»,
recettes à l’ancienne

Certes, une grande partie des Français
sont confinés, mais pour eux aussi, c’est
le week-end. On met donc de côté les in-
jonctions à rendre cette période produc-
tive (non, on ne va pas lire tout Léon Tols-
toï en repeignant le mur du salon d’une
main, le tout en faisant des squats), et on
ne se met pas la rate au court-bouillon
pour réaliser l’intégralité des recettes de
Ginette Mathiot. Comme l’heure n’est, plus
que jamais, pas au gaspillage, c’est le mo-
ment d’organiser un «dîner suisse», soit un
dîner de restes. Quand on était enfant,
le dimanche ou en vacances, lorsque
les adultes avaient la flemme de faire à
­dîner, ils lançaient : «Ce soir, c’est dîner
suisse !»
L’expression «en Suisse», qui viendrait
d’un soldat helvète qui n’avait pas payé
sa tournée, désigne le fait d’agir sans se
préoccuper des autres. Enfant, on trouvait
l’expression un peu choquante – ce qui
­faisait ricaner notre grand-mère –, mais
on adorait ces «dîners suisses» où on se
mettait à table, tous ensemble, mais où l’on
se ­contentait de disposer les restes de la
semaine et de quoi faire des tartines. Tout
le monde mangeait ce qui lui plaisait. Puis-
qu’il n’y avait pas de tout pour tous, on se
retrouvait parfois à partager une tranche
de rôti avec une sœur et un cousin, parce
qu’aucun des trois ne voulait lâcher l’af-
faire, tandis qu’étaient boudées les deux
endives cuites restantes. Il y avait toujours
un adulte qui les prenait, ces deux endi-
ves, et on le regardait la mine dégoûtée, en
se resservant en pain grillé.•


un «dîner suisse»
anti-gaspi


Ross Woodhall. DEEPOL. plainpicture
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