6 u Libération Mercredi 8 Avril 2020
A
ir France-KLM est visible-
ment la grande entreprise
qui a le besoin le plus urgent
d’argent frais. Avec seulement 5 %
de ses vols encore assurés, la com-
pagnie perd environ un milliard
d’euros par mois, selon un chiffre
non démenti par la direction. D’où
la nécessité d’un prêt aussi consé-
quent que rapide, garanti par l’Etat.
La question a été abordée lors d’un
conseil d’administration extraordi-
prunt. Vu les perspectives de reprise,
ce ne sera pas chose facile», glisse à
Libération une source très proche
du dossier.
Sombres perspectives
Sans compter que, pour les très
grandes entreprises comme Air
France-KLM, l’Etat ne garantit en
fait que 70 % de ces prêts exception-
nels au lieu de 90 %. «Compte tenu
de la situation financière d’Air
France-KLM, les prêteurs vont être
hésitants et nous faire payer le ris-
que que représente un tel finance-
ment», poursuit un responsable de
la compagnie. De fait, il n’est donc
pas exclu qu’Air France-KLM de-
mande une dérogation à Bercy afin
que son prêt soit quand même
garanti à 90 %...
D’autant que les perspectives n’in-
citent pas vraiment à l’optimisme :
selon les projections établies par la
direction, le trafic, s’il reprenait
le 1er juillet, serait inférieur de moi-
tié à ce qu’il était en juillet 2019. Et
la reconquête des clients s’an-
nonce longue. Selon une prévision
faite de manière orale durant ce
même conseil d’administration, à
l’été 2022 Air France-KLM pourrait
n’avoir retrouvé que 75 % de l’acti-
vité de 2019.
Dès les premiers jours de la crise sa-
nitaire, l’exécutif est monté au cré-
neau pour assurer que tout serait
fait pour sauver la compagnie aé-
rienne, à l’instar de Rome qui en-
tend nationaliser Alitalia, en diffi-
culté depuis des années. L’Etat
français est prêt à «prendre ses res-
ponsabilités en tant qu’actionnaire»,
faisait alors valoir le Premier minis-
tre. «Nous suivons de près la situa-
tion de cette grande entreprise et
sommes prêts à nationaliser», avait
abondé le ministre des Comptes pu-
blics, Gérald Darmanin.
Deux autres grandes entreprises
pourraient suivre sur la liste de ces
prêts exceptionnels destinés à pal-
lier une situation d’urgence. Re-
nault, dont une partie des usines est
fermée et qui ne vend que très peu
de véhicules en ce moment, et la
SNCF, confrontée elle aussi à une
baisse de ses recettes. Dans ces
deux derniers cas, les entreprises
concernées n’ont pas fait officielle-
ment de demande et mettent en
avant, pour l’instant, leurs réserves
disponibles et les lignes de crédit
dont elles disposent.
charges décalées
Reste que la sortie de confinement
sera des plus délicates, au moment
où le mécanisme de chômage par-
tiel compensé par l’Etat ne sera
vraisemblablement plus en vigueur,
tout comme le décalage des charges
sociales et fiscales. Devant le mon-
tant des factures à payer, le besoin
d’argent frais et disponible ne sera
que plus impérieux pour ces grands
groupes.
Franck Bouaziz
Air-France-KLM : l’Etat prêt à
garantir des milliards d’argent frais
La compagnie aérienne
devrait être la première
d’une liste de grandes
entreprises à bénéficier
de prêts exceptionnels
garantis par l’Etat
dans le cadre de
la crise sanitaire
et économique.
Renault et la SNCF
pourraient suivre.
A l’aéroport quasi désert de Roissy-Charles-de-Gaulle, le 25 mars. Photo Marc CHAUMEIL
Événement économie
naire qui s’est tenu vendredi et au
cours duquel ont été évoquées les
prévisions de trafic pour les deux
années à venir. Air France-KLM se
préparerait ainsi à demander un
prêt garanti par les Etats français et
néerlandais pour un montant qui
pourrait atteindre six milliards
d’euros, selon l’agence de presse
Reuters.
Cette somme correspond en fait à
25 % du chiffre d’affaires des deux
compagnies, ce qui représente le
maximum prévu pour ce type d’em-
prunt. Sur ces six milliards d’euros,
quatre seraient garantis par l’Etat
français et deux par l’Etat néerlan-
dais. Un montant colossal, sachant
qu’en Bourse Air France-KLM ne
vaut pas plus de 2,5 milliards d’eu-
ros. Le hic, c’est qu’«il faudra rem-
bourser cette somme sur une durée
de quatre ans, six maximum, ce qui
signifie 800 millions à un milliard
à sortir chaque année uniquement
pour le remboursement de cet em-