Le Monde - 03.04.2020

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VENDREDI 3 AVRIL 2020 coronavirus| 11

La chaîne de l’immobilier bloquée de bout en bout


Le secteur a obtenu gain de cause sur le chômage partiel et accepte de relancer les chantiers, sous certaines conditions


I

l faut le plus possible mainte­
nir une activité économique
et que tout le secteur de l’im­
mobilier fasse bloc » , lançait,
mardi 31 mars, Julien Denorman­
die, ministre chargé de la ville et
du logement, aux 2 529 « mana­
geurs de l’immobilier » réunis en
téléconférence. Il faisait réfé­
rence au conflit entre la ministre
du travail, Muriel Pénicaud, et les
professionnels du bâtiment à
propos du recours au chômage
partiel et de la continuité des
chantiers, tout autant qu’à la po­
lémique entre agents immobi­
liers, souhaitant conclure des af­
faires, et notaires, accusés de re­
tarder leurs enregistrements.
« L’immobilier est un moteur es­
sentiel de la croissance et devra
être un acteur du plan de relance
en cours de préparation avec
Bercy » , argumentait le ministre.
Le 17 mars, premier jour du con­
finement en France, 80 % des
chantiers s’arrêtaient : « Nous
avons respecté les consignes du
gouvernement, mais elles ont
changé depuis et il nous demande
de reprendre » , explique Denis
Dessus, président de l’ordre des
architectes. « Il n’est pas question
que nous mettions nos gars en
danger , insiste Jacques Chanut,
président de la Fédération fran­
çaise du bâtiment (FFB). C’est no­
tre priorité, et le chantage au refus
de leur accorder le chômage par­
tiel qu’exerçait Mme Pénicaud était
tout simplement dégueulasse. »
Car la profession a obtenu gain
de cause sur le chômage partiel et
accepte de relancer les chantiers, à
condition que les règles sanitaires
soient respectées. Elles sont déjà
consignées dans un guide élaboré
par les organisations syndicales
et patronales « qui attend la vali­
dation des ministères du travail et
de la santé, qu’on nous promet de

jour en jour, mais qui tarde à venir ,
s’étonne Patrick Liébus, président
de la Confédération de l’artisanat
et des petites entreprises du bâti­
ment. Pour l’instant, nous ne som­
mes pas équipés pour la reprise des
chantiers : nous n’avons ni mas­
ques, ni gants, ni gel, et je redoute
que quelques entreprises acculées
reprennent l’activité dans de mau­
vaises conditions. »
« Dès que les conditions sanitai­
res seront réunies, nous rouvrirons
les chantiers, pas avant et pas dans
les mêmes conditions, pas avec la
même productivité ni au même
prix, prévient M. Chanut. Car se la­
ver les mains toutes les deux heu­
res, être seul plutôt qu’en binôme
dans une camionnette, aller cher­
cher du matériel en évitant tout
contact avec les fournisseurs, ne
pas rester plus de quinze minutes à
moins d’un mètre d’un compa­
gnon, tout cela ralentit le travail et
est donc coûteux. Il nous faudra re­
discuter du partage de la valeur
avec nos donneurs d’ordre et ce
n’est qu’ensuite, dans un troisième
temps, une fois les chantiers redé­
marrés, que nous pourrons parler
“plan de relance” », promet le pré­
sident de la FFB, qui anticipe, pour
2020, une chute de 15 % à 20 % du
chiffre d’affaires de la profession.
Toute la chaîne est touchée, à
commencer par les promoteurs :
« 90 % de nos chantiers sont stop­
pés et les réservations de nos pro­
grammes sont incertaines car en
attente de confirmation par les ac­
quéreurs , explique Julien Car­
mona, de Nexity. Heureusement,
nous pouvons compter sur l’appé­
tit des investisseurs institutionnels
pour le logement » , se rassure­t­il.
CDC Habitat, filiale de la Caisse
des dépôts, a annoncé vouloir
acheter 40 000 logements avec le
même objectif qu’après la crise fi­
nancière de 2008 où, pour sauver

banques et promoteurs, elle en
avait acquis 30 000, revendus en­
suite aux bailleurs sociaux.
« Quarante promoteurs ont déjà
répondu à notre appel , indique
Yves Chazelle, directeur général
adjoint de CDC Habitat. Bien sûr,
nous négocierons les prix, mais
nous sommes ouverts à toutes les
propositions, qu’il s’agisse de
stocks invendus, ou même d’ap­
partements dispersés dans plu­
sieurs immeubles, s’ils sont propo­
sés par lots de vingt ou vingt­cinq,
ou de programmes nouveaux. »

Délais de recours allongés
Même démarche pour In’li, filiale
d’Action Logement, spécialisée
dans le logement intermédiaire et
qui projette d’en acheter 10 000
en Ile­de­France. « Contrairement
à 2008, il y a peu de stocks , cons­
tate Benoist Apparu, président du
directoire d’In’li. Et nous propo­
sons plutôt aux promoteurs de sé­
curiser la vente de leurs futurs pro­
grammes, qu’ils ne doivent pas

abandonner, quitte à renégocier
les prix des terrains pour s’adapter
à notre offre. » Pour l’ex­ministre
du logement de Nicolas Sarkozy,
qui veut attirer des investisseurs
dans l’actionnariat d’une foncière
en voie de création, « plus que ja­
mais, le secteur résidentiel appa­
raît comme un investissement re­
fuge, “ pépère ” , plus résistant que le
bureau ou le commerce qui, eux,
vont être impactés par cette crise ».
« Lancer de nouvelles opérations,
d’accord, mais, en période de con­
finement, les services d’urbanisme
de nombreuses mairies et métro­
poles sont fermés et n’instruisent
plus les demandes de permis de
construire. Pourtant, c’est faisable
de manière dématérialisée et l’Etat
pourrait donner des instructions
dans ce sens » , suggère Hervé Le­
gros, PDG d’Alila, promoteur spé­
cialisé dans le logement social.
Les ordonnances datées du
25 mars 2020 allongent en outre
les délais d’instruction et de re­
cours, ce qui reporte les décisions

du printemps à l’été, voire à sep­
tembre, un retard qui s’ajoute
à l’incertitude autour du résultat
des élections municipales repor­
tées dans quelques milliers de
communes, et pas des moindres.
Quant aux agents immobiliers,
leur modèle économique − no­
tamment les 80 000 « négocia­
teurs » uniquement rétribués à la
commission au moment de l’acte
de vente − risque d’en envoyer
beaucoup au chômage. « Il va y
avoir de la casse. Nous allons sans
doute perdre 20 000 emplois , pré­
dit Jean­Marc Torrollion, prési­

dent de la Fnaim. Soixante­douze
pour cent de nos adhérents ont eu
recours aux mesures gouverne­
mentales de chômage partiel pour
52 % de leurs salariés. Il faudrait
au moins pouvoir passer les actes
des ventes déjà conclues, qui repré­
sentent tout de même 400 mil­
lions d’euros d’honoraires pour
nos adhérents, mais les notaires
sont réticents. Même blocage dans
les services publics pour les hypo­
thèques, le droit de préemption
des mairies... » , regrette­t­il. Chez
les notaires, on admet ne plus si­
gner que 2 000 actes par jour,
contre 15 000 en temps normal.
« Un plan de relance à l’issue de
la crise, pourquoi pas , s’interroge
l’architecte Denis Dessus, mais à
condition de privilégier la rénova­
tion et le logement, de faire la ville
sur la ville, dans les friches indus­
trielles ou les zones commerciales
en entrées de villes, de densifier les
lotissements mais de ne surtout
pas artificialiser les sols. » 
isabelle rey­lefebvre

« Il va y avoir
de la casse.
Nous allons sans
doute perdre
20 000 emplois »
JEAN-MARC TORROLLION
président de la Fnaim

Crédit : pas de soutien


spécifique aux particuliers


La plupart des banques affirment néanmoins
qu’elles feront preuve de souplesse

L


orsque la France s’est réso­
lue au confinement afin
d’empêcher la propagation
de la pandémie de Covid­19, le
gouvernement a appelé les ban­
ques à soutenir les entreprises
dont le chiffre d’affaires s’effon­
drait. Les institutions financières
ont alors collectivement accepté
de reporter jusqu’à six mois les
remboursements de prêts, sans
pénalités ni frais additionnels.
Qu’en est­il des crédits immobi­
liers souscrits par des ménages
eux aussi frappés par l’arrêt de
l’économie? Pourront­ils bénéfi­
cier d’un report général des
échéances de paiement de leurs
crédits? « Il n’y a pas de mesures
prévues pour les particuliers , a ré­
pondu le ministre de l’économie,
Bruno Le Maire, lors d’un point
presse téléphonique, le 18 mars. Il
faut faire le bon diagnostic, l’effort
doit porter sur les TPE, les PME et
les grandes entreprises. C’est là que
se trouvent les vraies difficultés.
Pour les ménages, il existe des filets
de sécurité importants, avec le dé­
plafonnement du dispositif de l’ac­
tivité partielle. »

Examen au cas par cas
Le gouverneur de la Banque de
France, François Villeroy de Gal­
hau, a jugé que le pouvoir d’achat
des ménages était « préservé à tra­
vers la prise en charge de leur rému­
nération via notamment le chô­
mage technique ». Selon les chif­
fres révélés mercredi 1er avril par la
ministre du travail, Muriel Péni­
caud, près de 3,6 millions de sala­
riés sont déjà au chômage partiel.

Un dispositif qui les indemnise à
hauteur de 84 % du salaire net.
« Si, en dépit de cette mesure, des
personnes se retrouvent dans une
situation financière difficile, il con­
vient de contacter son conseiller
bancaire pour examen de son cas
particulier, et de regarder les moda­
lités prévues par le contrat de prêt » ,
indique la Fédération bancaire
française. Ces contrats peuvent
prévoir des dispositions de modu­
lation ou de report d’échéance. La
plupart des banques affirment
qu’elles feront preuve de sou­
plesse. « Nous examinons, au cas
par cas, chaque situation , expli­
que­t­on chez BNP Paribas. Nous
sommes en mesure, lorsque les cir­
constances le nécessitent, de propo­
ser d’interrompre pendant plu­
sieurs mois le remboursement de
crédits immobiliers. »
D’autres pays ont décidé d’aider
directement les ménages. En Es­
pagne, le chef du gouvernement,
Pedro Sanchez, a annoncé
« un moratoire sur le paiement des
prêts immobiliers pour les person­
nes les plus vulnérables ». L’Italie
autorise aussi les particuliers en
difficulté à suspendre le rem­
boursement de leurs créances et
de leurs prêts immobiliers, grâce
à des garanties publiques four­
nies aux banques. Au Royaume­
Uni, les ménages en difficulté fi­
nancière seront dispensés de
payer leurs crédits immobiliers
pendant trois mois. Une solution
également proposée aux Etats­
Unis aux propriétaires qui ont
perdu leur emploi.
véronique chocron

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