Libération - 06.04.2020

(Axel Boer) #1

10 u Libération Lundi 6 Avril 2020


qu’il était candidat à la primaire
­socialiste.
Dernier exemple, avec l’avertisse-
ment lancé aux grandes entreprises :
si elles recourent au chômage par-
tiel ou décident de reporter le paie-
ment de leurs impôts et coti­sations
sociales, alors elles devront

Par
Lilian Alemagna

I


l devait être le ministre de la
baisse de la dépense publique,
du maintien de la dette sous
les 100 % de PIB et du retour du­-
rable du déficit dans les clous euro-
péens. L’homme qui devait passer
à la postérité pour la privatisation
d’Aéroports de Paris et la fin – vieux
rêve de la droite – de l’impôt de soli-
darité sur la fortune (ISF). La crise
du Covid-19 pourrait finalement
faire de Bruno Le Maire le ministre
de la nationalisation d’Air France et
d’un déficit et d’une dette records,
dans l’espoir de contenir, «quoi qu’il
en coûte», l’incendie économique.
Le coronavirus le contraint à envi-
sager des recettes qui n’étaient a
priori pas dans son ADN politique :
«relocalisations», relance budgé-
taire, ­appels à la «souveraineté» et
au ­ «patriotisme économique»... «Je
préfère que nous nous endettions au-
jourd’hui, en évitant un naufrage,
plutôt que laisser détruire des pans
entiers de notre économie», a ré-
sumé le ministre en pleine mue
ce week-end dans le Journal du
­dimanche.

«pas de
licenciements»
Drôle de trajectoire que celle de
Bruno Le Maire. L’ancien élu de
l’Eure était déjà un miraculé
de l’«ancien monde». Crashé à la
primaire de la droite et du centre
en 2016 (2 %, alors qu’il avait été
présenté un temps comme le troi-
sième homme), il fait partie de ces
ressuscités du parti Les Républi-
cains qui ont su (bien) monnayer
leur soutien tardif à Emmanuel
­Macron. En 2017, «BLM» prend,
avec Gérald Darmanin, les com-
mandes de Bercy, tous deux à la tête
de cabinets solides composés de
conseillers ayant connu les quin-
quennats Chirac et Sarkozy. Le voilà
aujourd’hui aux commandes d’un
ministère de l’Economie et des
­Finances chargé de gérer une «crise
économique d’une violence [...] sans
précédent depuis 1929», la formule
est de lui. Et contre toute attente, il

est celui qui, depuis le début du
confinement, tient le discours le
plus social, doublant sur sa gauche,
à au moins deux reprises, la mi­-
nistre du Travail, Muriel Pénicaud.
Le 13 mars, il annonce que grâce au
chômage partiel, «aucun salarié ne
perdra un centime» – ce qui est en

fait faux, ce sont les entreprises qui
seront remboursées à 100 %, pour
le salarié c’est 84 % du net. Et
le 26 mars, en direct sur France 2, le
ministre affirme que les chômeurs
en fin de droits seront indemnisés
jusqu’à la fin de l’année. Sur les
­boucles des journalistes sociaux,

l’entourage de Muriel Pénicaud est
moins optimiste : «On prolongera le
temps qu’il faudra, et a minima tout
le mois d’avril.» Malgré ces deux im-
pairs, les décisions prises et annon-
cées par Bruno Le Maire n’ont rien
à envier au discours d’un certain
Arnaud Montebourg en 2011, lors-

Face à la crise,

un Bruno Le Maire

à contre-emploi

Libéral issu du parti


Les Républicains, le


ministre de l’Economie


et des Finances a


changé de cap depuis


le début de l’épidémie


et n’en finit pas


d’étonner. Aujourd’hui,


il tient un discours


très étatiste et appelle


au «patriotisme


économique».


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