Libération - 06.04.2020

(Axel Boer) #1

Libération Lundi 6 Avril 2020 http://www.liberation.fr f facebook.com/liberation t @libe u 9


personnel qualifié,
d’équipements de
protection et de tests de
diagnostic, s’est inquiété
samedi le ministère de la
Santé, alors que se profile
la «phase la plus aiguë»
du Covid–19 dans ce pays,
le plus peuplé d’Amérique
latine. Le président
d’extrême droite, Jair
Bolsonaro, a longtemps
refusé d’admettre la
gravité de la pandémie
mondiale.
nLa Turquie accorde
des exceptions à son
confinement partiel.
Les personnes de plus de
65 ans et sujettes à des
maladies chroniques
doivent rester chez elles,
ainsi que les moins de
20 ans, sauf les ouvriers
agricoles saisonniers et
les employés des secteurs
privés et publics.
nEn Tunisie, le
Parlement a adopté
samedi un texte
renforçant les pouvoirs
du Premier ministre,
Elyes Fakhfakh,
qui pourra légiférer
directement durant deux
mois, afin d’accélérer
l’adoption de mesures
pour faire face à la
pandémie.
nLa Grèce a placé
dimanche un deuxième
camp de migrants en
quarantaine. Après
Ritsona, à 80 km au nord
d’Athènes, il s’agit du
camp de Malakasa, à
quelque 38 km au nord-
est de la capitale.
nL’armée déploie à son
tour des drones en
Jordanie pour diffuser
des messages appelant à
respecter le confinement,
imposé le mois dernier.

nEn Italie, pays le plus
touché par la pandémie
du Covid–19, le nombre
de patients hospitalisés
en soins intensifs a
diminué pour la première
fois samedi. Les décès
sont aussi légèrement en
baisse, avec 681 morts en
24 heures samedi et 525
dimanche.
nConséquence du
confinement, au Vatican,
le pape François a célébré
l’entrée dans la semaine
sainte dans une basilique
Saint-Pierre-de-Rome
déserte. Les fidèles
pouvaient la suivre en
streaming sur le site
internet du Vatican, un
procédé qui sera utilisé la
semaine prochaine pour
Pâques.
nPour le troisième jour
consécutif, l’Espagne a
enregistré dimanche un
bilan en baisse, avec
674 morts dues au
coronavirus au cours des
dernières 24 heures,
niveau le moins élevé
depuis dix jours.
nAux Etats-Unis,
le nombre des cas
confirmés dépasse déjà
les 312 000, pour un total
de 8 503 décès. L’Etat de
New York, principal foyer
américain, a annoncé
samedi 630 nouveaux
décès en une journée, son
pire bilan quotidien.
«Médecins, infirmiers,
spécialistes de la
respiration... à tous ceux
qui ne sont pas déjà dans
la bataille : nous avons
besoin de vous», a lancé
le maire démocrate, Bill
de Blasio.
nLe Brésil manque de
respirateurs, de lits de
par visioconférence vendredi. Photo AP soins intensifs, de


pour continuer de payer les salaires ; mais
ceux-ci ne remplaceront pas la perte d’activité
des petites entreprises. Dans les faits, il est
probable que seuls les grands groupes en bé-
néficieront. Résultat, c’est une véritable héca-
tombe qui menace les TPE russes. D’après le
président de la fédération russe de l’hôtellerie
et de la restauration, jusqu’à 90 % des établis-
sements fermés pendant le confinement pour-
raient par exemple ne jamais rouvrir. Beau-
coup de sociétés ont déjà réduit les sa­laires
et commencé à licencier. Les conséquences,
pour les employés, seront graves.
Les ménages, eux, vivent dans l’immense
majorité uniquement de leur salaire d’un
mois à l’autre : une étude du centre Levada
publiée en avril 2019 estimait à 65 % la pro-
portion de familles russes ne possédant au-
cune épargne, en grande partie à cause d’un
niveau de revenus à peine suffisant pour cou-
vrir les dé­penses courantes. En temps nor-
mal, un emploi perdu est retrouvé immédia-
tement ou presque, grâce à la grande fluidité
du marché du travail et au taux de chômage
à peine résiduel dans les grandes villes du
pays (moins de 1 % à Moscou). Mais à l’heure
du coronavirus, plus personne n’embauche :

perdre son emploi n’est plus une simple péripé-
tie mais une véritable catastrophe. Pour
beaucoup de Russes, il s’agit d’une question
de survie.
Là aussi, le gouvernement a annoncé des me-
sures : prolongation automatique de toutes les
prestations sociales dans les six prochains
mois, augmentation de 60 euros par enfant
et par mois des allocations familiales, créa-
tion de congés maladie et relèvement des
­indemnités chômage, diminution des charges

sociales sur les salaires... Une vraie redécou-
verte de l’Etat-providence, et un changement
radical de paradigme pour la Russie, jusque-là
adepte du darwinisme social.

Imposition des revenus
de l’épargne
Autre révolution, alors que le pays ne pra­-
tiquait jusqu’alors en guise d’imposition
qu’une flat tax de 13 %, ces mesures seront fi-
nancées par une augmentation sans précédent
de la pression fiscale sur les hauts revenus,
avec l’annonce d’une future imposition des re-
venus de l’épargne au-delà d’1 million de rou-
bles (environ 12 500 euros) et d’une taxe sur les
transferts de fonds hors de la Russie ; et par la
dette, avec l’annonce d’un budget 2020 en dé-
ficit (en l’occurrence de 2 %), une première de-
puis la crise de 2014, qui avait contraint le pays
à une grande discipline budgétaire.
Mais là encore, l’effort consenti pourrait être
très insuffisant. Le relèvement des indemni-
tés chômage et maladie n’équivaut, en euros,
qu’à un passage de 100 à 150 euros par mois :
la hausse représente certes 50 % d’augmen­-
tation, mais la somme finale reste trop basse
pour vivre alors que le loyer moyen s’élève en

Russie à 220 euros par mois, et beaucoup plus
à Moscou. «J’ai l’impression que le gouverne-
ment n’a pas pris la mesure de la situation, cri-
tique Igor Nikolaïev, analyste au sein du cabi-
net de conseil Grant Thornton, cité par la
presse russe. Les augmentations annoncées
ne sont pas suffisantes. Il n’y a rien pour les
travailleurs pauvres, les familles ne touchant
pas d’allocations, les petites entreprises.» La
Russie a pourtant les poches profondes et dis-
poserait d’assez de liquidités pour en faire
beaucoup plus. Avec sa dette publique proche
de zéro, ses finances sont saines.
Surtout, son fonds souverain, le Fonds de ri-
chesse nationale, créé en 2008 et alimenté par
les revenus des ventes d’hydrocarbures selon
le modèle norvégien, est riche de 150 mil-
liards de dollars (près de 140 milliards d’eu-
ros), soit près de 10 % du PIB russe. Malgré les
appels de plus en plus pressants des écono-
mistes, le gouvernement russe exclut jusqu’à
présent d’y puiser. La chute libre du cours du
pétrole, qui a vu tomber le prix du baril de
brut russe en dessous des 10 dollars, l’incite
à la prudence à long terme. Quitte à risquer,
à court terme, la disparition de son tissu de
PME et la ruine de sa population.•

«C’est facile d’être


généreux avec l’argent


des autres, mais mon


agence n’a pas de
réserves pour payer des

salaires sans activité.


Je suis forcé de refuser,


monsieur le Président.»
Artemy Lebedev designer

les faits du jour

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