Le Monde - 28.03.2020

(Chris Devlin) #1
0123
SAMEDI 28 MARS 2020 sports| 17

22 MARS 1933 Naissance
à Leffrinckoucke (Nord)
1954 À 1957 Joueur
au Stade de Reims
1976-1984 Sélectionneur
de l’équipe de France

1984 Les Bleus remportent
le championnat d’Europe
1986-1991 Manageur
de l’Olympique de Marseille
26 MARS 2020 Mort
à Marseille

Hidalgo, apôtre du beau jeu


L’ancien sélectionneur des Bleus est mort à l’âge de 87 ans


DISPARITION


I


l est celui qui a ramené
l’équipe de France dans
l’élite du football mondial
et offert aux Bleus leur pre­
mier titre international, lors
du championnat d’Europe de
football organisé en France,
en 1984. Michel Hidalgo est mort
le 26 mars, à l’âge de 87 ans. Il
s’est éteint chez lui, à Marseille,
« naturellement, d’épuisement » ,
selon sa famille, contactée
par Franceinfo.
Joueur, dirigeant, sélection­
neur, il a été un personnage in­
contournable du football fran­
çais et aura marqué de son em­
preinte tous les grands succès qui
ont façonné son histoire. Joueur
dans la mythique équipe de
Reims, puis à Monaco, où il a ter­
miné sa carrière, c’est surtout
comme sélectionneur des Bleus,
poste qu’il a occupé de 1976 à
1984, que le natif de Leffrinc­
koucke (Nord), le 22 mars 1933, a
écrit sa légende.
Chef d’orchestre d’une généra­
tion exceptionnelle, incarnée
par le « carré magique » Platini­
Giresse­Tigana­Fernandez, il a
mis fin à la traversée du désert
du football français, douze ans
d’absence au plus haut niveau, et
a surtout permis à la France
d’inscrire pour la première fois
son nom au palmarès d’une
compétition internationale.

La victoire des « romantiques »
« Demain matin, ça sera peut­être
difficile... Mais c’est une sorte de
roman, et il y a cette histoire
d’amour qui se termine avec une
belle fin. » Pour son dernier match
à la tête des Bleus, Michel Hidalgo
ne pouvait effectivement espérer
plus bel épilogue que ce succès à
domicile face à l’Espagne, lors de
l’Euro 1984, et ce but de Michel
Platini, inscrit avec l’aide bien­
veillante d’Arconada, le maladroit
gardien adverse.
L’image du sélectionneur porté
en triomphe par ses joueurs sur
la pelouse du Parc des Princes
n’effacera pas le souvenir de la
tragique demi­finale face à l’Alle­
magne, à Séville, deux ans plus

tôt, lors de la Coupe du monde


  1. Mais elle marque la victoire
    des « romantiques », dont Michel
    Hidalgo fut l’incarnation, apôtre
    d’un football joyeux et offensif.
    « Je n’ai jamais parlé à mes
    joueurs de résultat. Jamais! Je leur
    ai toujours dit de penser au jeu,
    les résultats viennent alors d’eux­
    mêmes
    , expliquait­il, pour résu­
    mer sa philosophie. J’ai été
    joueur, entraîneur puis specta­
    teur, j’ai toujours eu ces idées. Et
    tant pis si je passe pour un poète
    ou un ringard! »


Tentative d’enlèvement
« Il était un rêveur, dira de lui Mi­
chel Platini dans un entretien au
journal suisse Le Temps. Michel
Hidalgo lui­même a su s’affran­
chir du système pour créer une
équipe avec des joueurs qui
comprenaient le même football
que lui. » Un football appris dans
les rues de Mondeville, dans le
Calvados – où toute la famille
avait suivi le père, ouvrier métal­
lurgiste – avant de commencer sa
carrière professionnelle au Ha­
vre. Mais un football vérita­
blement révélé sous les ordres
d’Albert Batteux, entraîneur de
la grande équipe de Reims,
que Michel Hidalgo rejoindra à
seulement 21 ans, et où il évo­
luera de 1954 à 1957.
Le plus souvent remplaçant, il
disputera toutefois la finale de
la première Coupe d’Europe des
clubs champions, en 1956, contre
le Real Madrid, et marquera
même le troisième but rémois
(défaite 3­4). Il contribuera en­
suite à l’émergence de Monaco
sur la scène footballistique en
remportant deux coupes de
France (1960 et 1963) et deux
championnats de France (1961 et
1963), avant de mettre un terme à
sa carrière de joueur, en 1966.
Michel Hidalgo aura aussi
œuvré à la défense du droit
des footballeurs : président de
l’Union nationale des footbal­
leurs professionnels pendant
cinq ans (1964­1971), il est égale­
ment à l’origine de la création de
la FIFPro (1966), le syndicat
international des footballeurs
professionnels.

Michel Hidalgo a aussi été le
malheureux acteur de l’un des
événements les plus insolites de
l’histoire du football français. Le
23 mai 1978, veille du départ de
l’Equipe de France pour l’Argen­
tine, où elle doit disputer une
Coupe du monde qui débute huit
jours plus tard, il échappe à une
tentative d’enlèvement en désar­
mant lui­même ses agresseurs,
qui reprochaient aux Bleus de
cautionner la dictature militaire
de Jorge Videla.

Après son triomphe de l’Euro
1984, Michel Hidalgo deviendra
un homme très demandé. Il refu­
sera un poste d’entraîneur au
Real Madrid, mais aussi une offre
de François Mitterrand pour de­
venir ministre des sports. « Ce
milieu politique n’était pas le
mien, je ne me sentais pas légi­
time » , expliquera­t­il pour justi­
fier son refus, tout en exprimant
quelques regrets de ne pas avoir
exploré un nouvel univers et sa­
tisfait sa curiosité personnelle.
En 1986, il quitte ses fonctions
de directeur technique national
et rejoint l’Olympique de Mar­
seille de Bernard Tapie, dont il
sera manageur jusqu’en 1991. Sa
condamnation à de la prison
avec sursis dans l’affaire des
comptes de l’OM marquera la fin
de son implication dans le foot­
ball professionnel. Mais il restera
un personnage écouté et res­
pecté. Celui qui a fait rimer
beauté avec efficacité.
maxime goldbaum

« Il a créé une
équipe avec
des joueurs qui
comprenaient
le même football
que lui »
MICHEL PLATINI
ancien capitaine
de l’équipe de France

l’homme qui a fait rimer football
français avec victoire. L’apôtre du
beau jeu. Le pédagogue et l’huma­
niste. Que ce soit Michel Platini,
Bernard Lacombe, Jean Tigana,
Marius Trésor, Maxime Bossis ou
encore Bernard Genghini, les
joueurs qui ont réagi à la mort de
Michel Hidalgo ont tous insisté
sur ces trois facettes de celui sous
les ordres duquel ils ont évolué
en équipe de France, au tournant
des années 1970 et 1980.
« Il a reconstruit le football fran­
çais au niveau international, aux
côtés de Fernand Sastres et de
Georges Boulogne, et ceci après
plusieurs années de crise pro­
fonde. Michel, comme sélection­
neur, a porté l’équipe de France au
sommet de son art », a rappelé
Michel Platini, qui fut l’un des
joueurs phares de cette époque.
Avec Michel Hidalgo à la ba­
guette – il a été sélectionneur en­
tre 1976 et 1984 – les Bleus se sont
qualifiés pour la Coupe de monde
1978, après douze ans d’absence,
avant de monter en puissance
jusqu’à remporter l’Euro en 1984,
le premier grand trophée de l’his­
toire du football français.

« Le plaisir avant tout »
La baguette, en l’occurrence, savait
se faire souple, comme l’a souli­
gné Maxime Bossis : « Il a été le
premier sélectionneur à nous lais­
ser beaucoup de liberté sur le ter­
rain, en nous faisant confiance et

en nous traitant comme des adul­
tes. » Ce qu’a confirmé Jean Tigana,
évoquant un technicien « hu­
main », qui « déléguait énormé­
ment, sur le terrain et dans la ges­
tion du groupe. Il savait toujours
nous parler ». « C’était plus qu’un
sélectionneur ou un entraîneur. Il
était notre papa, notre grand­père,
très proche des gens. Il était très hu­
main et d’une grande sincérité » , a
appuyé Bernard Lacombe.
C’était aussi et surtout un amou­
reux du beau jeu, comme tous ses
anciens joueurs ont tenu à le sou­
ligner. « Il aimait le beau football
développé et il n’avait pas peur de
prendre des risques. Pour lui, c’était
le plaisir avant tout, même si on lui
a reproché un peu » , a ainsi raconté
à L’Equipe Bernard Genghini,
membre du « Carré magique » mis
en place à partir de 1982 par
Michel Hidalgo : Michel Platini,
Alain Giresse, Bernard Genghini
et Jean Tigana, alignés tous les
quatre en milieu de terrain.
« C’est à lui que les footballeurs
français doivent le contrat à
temps », c’est­à­dire un contrat à
durée librement déterminée, qui
avait remplacé le contrat à vie
en 1969, a par ailleurs tenu à rap­
peler l’Union nationale des foot­
balleurs professionnels. « C’était
un homme de devoir et de convic­
tion », a insisté le syndicat de
joueurs, dont Michel Hidalgo
avait été le deuxième dirigeant.
philippe lecœur

« C’était plus qu’un sélectionneur


ou un entraîneur »


En 1982. PETER
ROBINSON/PA PHOTOS/
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