PLUS DE TROIS MILLIARDS. À cette heure,
nous sommes près de 3,3 milliards de personnes
confinées... Ici, en France, dans la plupart des pays
européens, mais aussi désormais aux États-Unis, en
Afrique du Sud, en Tunisie, au Liban ou encore en
Inde. Et la maladie progresse à la vitesse d’une vague
qui emporte des gens, âgés ou déjà fragiles dans leur
immense majorité, mais aussi de plus jeunes. Ceux
qui s’en vont partent sans avoir revu leurs proches. Et
sans qu’ils puissent bénéficier d’ obsèques, d’un enter-
rement, d’une crémation dignes de ce nom. Dignes
de leurs vies. Dans le même temps, évidemment, les
soignants, souvent démunis de la chose la plus
élémentaire – un masque –, sont au front avec un
courage et un professionnalisme qui surpassent tous
les mots. Chaque soir, à nos fenêtres, nous les encou-
rageons de nos applaudissements et nous leur expri-
mons notre gratitude.
À leur fenêtre, c’est là que les personnages de ce nou-
veau numéro de M Le magazine du Monde se tiennent,
eux aussi, confinés dans leur immeuble. Le journaliste
Yann Bouchez, parti en reportage à Montpellier la
semaine dernière, les a rencontrés... au téléphone,
quand il a fallu rebrousser chemin et rentrer chez soi.
Il raconte ici, avec les images du photographe Julien
Goldstein, lui-même habitant de cet immeuble, leurs
premiers jours de confinés. Des heures, des jours, desAu programme
vies à la fois profondément singuliers et terriblement
banals tant ils racontent ce dans quoi nous sommes
tous engagés. On comprendra vite que la vie des rive-
rains du quartier du Boutonnet est sans doute moins
difficile que celles de beaucoup de familles françaises.
Il y a un peu d’espace, des balcons, et déjà la douceur
printanière qu’on hume à la fenêtre, qui fait pousser
une petite fraise ou quelques brins de thym dans les
pots... Il y a surtout, pour l’instant, la bonne santé de
tous. Même pour Henri, le doyen de l’immeuble. C’est
par les hasards dans lesquels nous entraîne cette
situation inédite que Yann Bouchez s’est arrêté à cette
adresse. Ou plutôt qu’il a décroché son téléphone. Et
c’est maintenant au destin de cet immeuble qu’il va
s’attacher en continuant à le suivre sur le site du
Monde (lemonde.fr).
Le projet rappelle, très, très modestement, l’un des
ouvrages les plus importants de la littérature française,
La Vie mode d’emploi, de Georges Perec, qui raconte
justement la vie d’un immeuble banal. Mais que Perec
a su précisément rendre immense... L’ouvrage fait
600 pages. Nous ne saurions trop vous en conseiller la
lecture ou la relecture. Nous espérons surtout que
l’histoire de cet immeuble à Montpellier, ne comptera
pas autant de pages. Nous remercions d’ores et déjà
ses habitants de nous ouvrir leurs portes.
Marie-Pierre LANNELONGUE6