Les Echos - 03.04.2020

(Chris Devlin) #1

22 // ENTREPRISES Vendredi 3 et samedi 4 avril 2020 Les Echos


CORONAVIRUS


Propos recueillis par
Julien Dupont-Calbo
@jdupontcalbo

« Les choses s’organisent. Je ne
dirais pas que je suis content, il y
a des collaborateurs malades.
Cela touche, mais on s’est remis
au boulot avec beaucoup de cho-
ses à gérer. On est solide, rési-
lient, agile, et je n’ai pas d’inquié-
tude sur les conséquences de la
crise sur notre entreprise.
Avec mon a ssocié Guillaume,
on fait beaucoup de b oulot pour
maintenir le rythme cardiaque
de l’entreprise. Les salariés arrê-
tés font des formations, et on fait
encore plus de communication
interne que la normale. Ce ven-
dredi, on organise un petit
déjeuner virtuel, pour qu’on
puisse parler à tout le monde.
C’est important et il faut les pro-
jeter dans l’après : si on ne
regarde que les chiffres de vente
du jour, on est forcément
morose...
Une partie des collaborateurs
est en chômage partiel, ceux qui
étaient dans les ateliers et le
réseau. Les autres travaillent
fort. On fait un comex tous les
matins de 10 h 30 à 11 heures. Il
faut se coordonner au moins
une fois par jour, les choses évo-
luent très rapidement. On y
parle d’abord de la santé des
troupes. Aujourd’hui, nous
n’avons pas de collaborateur
hospitalisé. On touche du bois et
on s’inquiète. Certains ont été
testés, avec des symptômes
assez forts. A Strasbourg, j’ai un
salarié assez jeune qui est
malade ; c’e st quelqu’un de
solide, mais il dit prendre cher.

« Pa s de boule de cristal »
On s’est aussi engagé à livrer les
clients prioritaires, dont des
médecins, des infirmières. Au
niveau logistique, ce n’est pas
évident, mais nous avons réussi
dans de bonnes conditions de
sécurité sanitaire. On a même
pu fournir, en 48 heures, deux
Duster aux pompiers du Conseil
général de Haute-Garonne.
Le troisième sujet, c’est la pré-
paration de l’après. Personne n’a
de boule de cristal... Le confine-
ment va s’arrêter début mai, mi-
mai ou fin mai, mais la manière
d’acheter et de vendre des voitu-
res va peut-être bouger... Dans
quelle mesure? Il faut et il fau-
dra rester à l’écoute des clients et
savoir réagir. A priori, les achats
en ligne vont encore se dévelop-
per. Ce serait un avantage pour
nous : cela fait dix-huit ans qu’on
vend des voitures sur Internet, et
on continue d’investir sur notre
site. On commence à sentir aussi
que les clients voudront des
livraisons sans contact. C’est un
défi sur lequel n ous nous
concentrons. Livrer des voitures
sans virus, on s’y essaie en ce
moment, mais la méthode est
artisanale. Comment le faire à
grande échelle, de manière pro-
fessionnelle, en maintenant un
bon contact avec le client? »n

Nicolas Chartier est
le cofondateur d’Aramis
Auto. Tandis que
le marché automobile
est à l’arrêt, il tâche
de projeter ses troupes
vers l’après.

« Maintenir


le rythme


cardiaque


de l’entreprise,


c’est beaucoup


de boulot... »


CHRONIQUE
DU VIRUS
Nicolas
Chartier

Vers un redémarrage du BTP,


avec le guide sanitaire enfin là


My riam Chauvot
[email protected]


Enfin. Le guide sanitaire des critè-
res à remplir pour pouvoir repren-
dre les chantiers du BTP est déblo-
qué. Après beaucoup de tensions et
des jours de dissensions, les fédéra-
tions du BTP sont tombées d’accord
avec le gouvernement jeudi matin
sur une version du texte et ont offi-
cialisé l’accord en fin de journée par
un communiqué. « Ce guide des
bonnes pratiques sanitaires, trans-
mis aux organisations syndicales,va
maintenant être diffusé à toutes les
entreprises », indique le président
de la Confédération des artisans du
bâtiment (Capeb), Patrick Liébus.


Plus de 80 % des chantiers
actuellement gelés
Le guide a été validé par l’ensemble
des ministères concernés (Travail,
Ecologie et Logement, Santé) et les
fédérations du BTP ont obtenu ce
qui était leur priorité : si les critères
sanitaires prescrits ne peuvent pas
être remplis, parce qu’il n’y a pas les
équipements de protection quand
ils sont nécessaires (gants, mas-
ques, gel...) ou que les conditions du
chantier ne peuvent pas être res-
pectées (règles de distance en parti-
culier), « les entreprises pourront ne
pas reprendre le travail, explique
Patrick Liébus. Le guide donnera
toutes les informations pour sécuri-
ser l’entreprise, la décision finale lui
reviendra ».
Actuellement, plus de 80 % des
chantiers sont gelés, tant dans les
travaux publics que dans le bâti-
ment. La reprise du travail risque
d’être impossible sur u ne partie des


Les fédérations du BTP et
le gouvernement sont enfin
tombés d’accord sur le
guide de bonnes pratiques
sanitaires nécessaire à
la reprise de l’activité. La
version validée jeudi matin
est entre les mains des
organisations syndicales.


don City et de Gatwick, il y a deux
jours, avait encore fait tomber le tra-
fic de British Airways à 11 % de son
niveau d’avant la crise et la compa-
gnie s’acheminait clairement vers
un quasi lock-out à l’instar de la plu-
part des compagnies européennes.
Le coup de sifflet final n’attendait
plus que la signature d’un accord
avec le principal syndicat de la com-
pagnie. Mais aussi l’entrée en
vigueur des mesures gouvernemen-
tales permettant aux salariés britan-
niques en chômage partiel de béné-
ficier d’une indemnisation de l’Etat à
hauteur de 80 % de leur salaire. Bri-
tish Airways a néanmoins amélioré

le dispositif gouvernemental en sup-
primant le plafond de 2.500 livres
d’indemnisation par mois.

Pa s d’aide publique en vue
British Airways évite ainsi des licen-
ciements secs. Contrairement à
d’autres, le gouvernement britanni-
que n’a pas manifesté, jusqu’à pré-
sent, un grand empressement à
venir en aide à ses compagnies
aériennes. Sans exclure totalement
une aide financière, Londres veut
statuer au cas par cas et semble plu-
tôt compter sur la capacité de British
Airways à se refinancer lui-même,
sans faire appel à l’argent public.n

Bruno Trévidic
@BrunoTrevidic


Après ceux d’Air France, de KLM, de
Lufthansa et de presque toutes les
compagnies aériennes européen-
nes, les salariés de British Airways
vont grossir les rangs du chômage


partiel. Selon la BBC et d’autres
médias d’outre-Manche, la compa-
gnie britannique devait annoncer
jeudi la mise au chômage d e
28.000 salariés sur 40.000 et ache-
ver d’immobiliser ce qui reste
d’avions en vol. L’essentiel des per-
sonnels de cabine et administratifs
est concerné. Quant aux 4.500 pilo-
tes, un accord séparé leur permet
d’échapper au chômage partiel, en
contrepartie de deux semaines de
congés sans solde, en avril et en mai.
Jusqu’en début de semaine, Bri-
tish Airways était parvenu à mainte-
nir un peu plus d’avions en vol que
ses deux principaux concurrents

européens. Alors qu’Air France-
KLM et Lufthansa avaient déjà sus-
pendu 90 % de leurs vols passagers,
la compagnie britannique affichait
encore 75 % de son offre en fin de
semaine dernière.

Gatwick et le London City
Airport fermés
Un petit avantage probablement lié
à la fermeture plus tardive des fron-
tières américaines aux voyageurs en
provenance du Royaume-Uni et à
un nombre plus important de passa-
gers à rapatrier entre les deux pays.
Toutefois, l’annonce de l’arrêt des
vols au départ des aéroports de Lon-

British Airways entre à son tour en sommeil


Après ses principaux
concurrents européens,
British Airways s’est
finalement résolu à
suspendre la quasi-totalité
de ses vols passagers,
en mettant au chômage
partiel 28.000 employés.


po sé en octobre dernier de racheter
les titres d’une poignée de grands
actionnaires de la start-up spéciali-
sée dans le partage de bureau. Vou-
lant notamment se débarrasser
d’Adam Neumann, le cofondateur
qui était alors aussi le PDG de
l’entreprise, S oftBank avait indiqué,
à l’époque, qu’il lui rachèterait cou-
rant 2020 ses actions pour un mon-
tant évalué alors à 970 millions
de dollars.
Au total, la société nippone
emmenée par Masayoshi Son, qui
contrôle également le Vision Fund,
le plus grand fonds tech de la pla-
nète, avait prévu de dépenser 3 mil-
liards de dollars dans cette offre
publique d’achat (OPA) qui lui

ses finances et de rassurer ses inves-
tisseurs, qui ont récemment fait
plonger le cours de son action.

« Importantes enquêtes
criminelles »
Dans un communiqué, SoftBank
indique que les conditions légales
de l’OPA n’avaient pas été satisfaites
à la date limite du 1er avril. Le groupe
pointe notamment « les multiples et
importantes enquêtes criminelles et
civiles » en cours aux Etats-Unis sur
la gouvernance passée de WeWork
et sur certaines initiatives d’A dam
Neumann, son excentrique patron.
Pour justifier sa volte-face, Soft-
Bank évoque aussi les problèmes
opérationnels de WeWork, dont

nombre des immeubles ne peuvent
plus être utilisés du fait des confi-
nements liés à la pandémie de
Covid-19.
Malgré l’annulation de ce rachat,
qui n’aura pas eu d’impact sur les
finances de WeWork, le groupe
japonais assure qu’il reste totale-
ment engagé dans le redressement
de l’entreprise américaine.
SoftBank Group a rappelé jeudi
avoir déjà engagé plus de 14 mil-
liards de dollars (13 milliards
d’euros) dans WeWork, dont
5,45 milliards de dollars dans
le cadre du plan de sauvetage
concocté en octobre dernier peu
après l’annulation de l’introduction
en Bourse de la société.n

L’offre de SoftBank pour détenir 80 % de WeWork annulée


Yann Rousseau
@yannsan
—Correspondant à Tokyo


Ayant promis de ne pas abandon-
ner le groupe américain WeWork,
sur lequel il a déjà tant misé, le japo-
nais SoftBank Group avait pro-


Lancé dans une opération
d’assainissement de ses
comptes, le groupe nippon,
mis à mal aussi par la
pandémie de Covid-19,
renonce finalement au
rachat des actions d’une
poignée de grands investis-
seurs du géant américain
de partage de bureau.


aurait donné le contrôle de plus
de 80 % du capital de WeWork.
Mais jeudi, SoftBank Group a
révélé qu’il avait renoncé à cette
coûteuse opération qui serait inter-
venue dans un moment compliqué
pour le géant japonais. Il vient de se
lancer dans une grande campagne
de cession d’actifs afin de redresser

13


MILLIARDS D’EUROS
La somme d’ores et déjà
engagée par SoftBank Group
dans WeWork.

Rouvert, Herige attend les clients


Le groupe coté Herige, très présent dans le Grand Ouest
avec 2.400 personnes, a déjà rouvert 50 % de ses 82 agences
de négoce (enseigne VM), 40 % de ses centrales à béton (marque
Edycem) et va redémarrer la fabrication de menuiserie (fenêtres
Atlantem et réseau Solabaie). Mais ses clients professionnels
du BTP n’ayant pas redémarré, « nos centrales à béton font
10 à 20 % de leur activité normale », résume son président
Alain Marion. En avril, Herige sera globalement à un tiers
de son activité normale si les règles de confinement
persistent. Pour limiter le coût de la réouverture, « on n’ouvre
que par demi-journées, par exemple seulement le matin », pour-
suit-il. Restructuré, Herige se redresse. Son chiffre d’affaires
annuel 2019 a atteint 622 millions (+2,8 %) et son résultat net
7,5 millions en normes comptables françaises contre
un million en 2018 (8,5 millions en 2018 en normes IFRS).

de l’approvisionnement. Selon les
dernières estimations de l’Associa-
tion des industries de produits de
construction (AIMCC), 95 % des usi-
nes sont actuellement à l’arrêt.
Faute de demande, « les tuiliers, les
fabricants de produits d’isolation, etc.
sont à l’arrêt, mais les fournisseurs
attendent qu’on reprenne et pour-
raient alors redémarrer eux-mê-
mes », observe l e patron de la Capeb.
Le redémarrage des fournisseurs
industriels est certes conditionné
par celui des chantiers, mais il sera
facilité par la réouverture partielle
depuis une semaine des réseaux de
négoce, qui attendent les clients de
pied ferme.n

gros chantiers, en raison de la
promiscuité. Les dépannages
urgents et les chantiers ne compre-
nant qu’une personne vont être les
plus faciles à reprendre dans
l’immédiat.

Le problème
de l’approvisionnement
A la condition toutefois que les
clients, notamment les particuliers,
acceptent la présence des ouvriers
chez eux. Or ils la refusent souvent,
préférant reporter les travaux, sur-
tout quand ils ont lieu à leur domi-
cile en cette période de confine-
ment, r apportent les PME du
bâtiment. Se pose aussi le problème

« Le guide donnera toutes les informations pour sécuriser l’entreprise, la décision finale lui reviendra », indique Patrick Liébus,
le président de la Confédération des artisans du bâtiment. Phot o Isa Harsin/Sipa.
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