Les Echos - 03.04.2020

(Chris Devlin) #1

CORONAVIRUS


lions d’euros par an en moyenne, le
bonus représentant 1,4 fois le fixe.
Pour 2019 néanmoins, la plupart
des banques ont a nnoncé d es politi-
ques conservatrices sur les rému-
nérations variables, sauf dans cer-
tains métiers chez BNP Paribas. Et
pour l’heure, rares sont les banques
qui ont fait écho aux propos du
régulateur : « Les bonus 2019 ont été
versés. Il est bien trop tôt pour e nvisa-
ger le sujet de ceux à venir », réagis-
sait-t-on mercredi au sein d’un éta-
blissement français. En règle
générale, ils sont versés avec la paie
de mars.

Les banques espagnoles
exemplaires
D’après Bloomberg, un examen est
en cours sur la rémunération varia-
ble de l’état-major de Deutsche
Bank, mais des « mesures alternati-
ves » à la suppression des bonus
sont aussi envisagées. En 2019, la
principale banque allemande a
réduit le nombre de banquiers mil-
lionnaires, mais en c omptait
encore 583 (–9 %), plus que la
deuxième banque la plus géné-
reuse d’Europe, Barclays (537).
Seules les banques espagnoles
ont montré l’exemple et même pris
les devants : dès le 23 mars, la pre-
mière banque de la zone euro, San-
tander, a déclaré qu’elle réduisait de
moitié les variables et les fixes de sa
présidente exécutive Ana Botín et
de son directeur général, et de 20 %
ceux des directeurs non exécutifs
afin de financer un fonds d’au

peu de chance que la récession
épargne les banques. Ainsi, non
seulement les variables de cette
année mais les différés décidés les
années p récédentes pourraient être
impactés sur le continent.

Fi n des bonus cash
de la City
Le régulateur britannique – pour-
tant très protecteur des bonus de la
City afin de soutenir l’attractivité de
la première place financière euro-
péenne – est allé plus loin. La Pru-
dential Regulation Authority (PRA)
a dit mardi « s’attendre » à ce que les
banques « s’abstiennent de verser
des bonus en cash à leurs cadres
[“senior staff”] ». Elle s’est dit assu-
rée « que les conseils d’administra-
tion des banques réfléchissent déjà et
prendront toutes les mesures appro-
priées sur l’accumulation, le
paiement et l’acquisition des parts
variables dans les prochains mois ».
Barclays, LLoyds, RBS et HSBC,
qui ont annulé cette semaine le ver-
sement de leur dividende suite aux
pressions de la Banque d’Angle-
terre, n’ont pas encore évoqué
publiquement les rémunérations
variables. « Le communiqué de la
PRA date de mardi soir. Tout le
monde est en train de l’étudier », se
défendait l’une des banques. Seul
Standard Chartered indique que
« son conseil s’est engagé à statuer
sur les rémunérations 2 020, e n parti-
culier celle des d irigeants, en fonction
des performances du groupe et des
défis posés par le coronavirus ».n

Les bonus des banquiers dans le viseur


Alexandre Counis
@alexandrecounis
— Correspondant à Londres
et A. D.


Tolérance zéro sur les dividendes et
maintenant les bonus. Après un
premier appel « à la prudence » fin
janvier de la Banque centrale euro-
péenne (BCE) sur les rémunéra-
tions, Andrea Enria, le président du
conseil de surveillance prudentielle
de la BCE, a haussé le ton mardi : il
s’est dit prêt à intervenir si les ban-
ques ne faisaient pas preuve « d’une
extrême modération » dans le verse-
ment des parts variables. Un mes-
sage relayé par l’Autorité bancaire
européenne (EBA) le même jour.
« Si nécessaire, le superviseur a le
pouvoir de prendre des mesures à
l’encontre de chaque banque », rap-
pellent Bernd Rummel et Djamel
Bouzemarene, experts de l’EBA.
D’après les derniers chiffres dis-
ponibles de l’autorité, portant sur
l’année 2017, 4.859 banquiers de
l’Union européenne (avec le Royau-
me-Uni) gagnaient près de 2 mil-


La Banque centrale
européenne exige des
banques qu’elles fassent
preuve d’une « extrême
prudence » sur les
rémunérations variables.
Le régulateur britannique
a demandé la suppression
des bonus des cadres. Rares
sont les banques qui ont
répondu à l’appel.


s’abstenir de verser des dividen-
des jusqu’en octobre. Compte
tenu de l’avertissement de
l’EIOPA, certains s’attendent à
ce que les assureurs reçoivent
très vite le même message.
La situation des assureurs n’est
pas comparable à celles des ban-
ques, obligées de mobiliser leur
bilan pour accorder des crédits.
« Pour moi, rien n’empêche finan-
cièrement les assureurs européens
de verser un dividende car leurs
marges de solvabilité sont encore à
des niveaux extrêmement confor-
tables et ces acteurs n’ont pas de
problème de cash », assure Olivier
Pauchaut, analyste chez Bryan
Garnier.
L’impact de la crise ne sera tou-
tefois pas limité à quelques seg-
ments du marché. Les assureurs
sont éprouvés par des conditions
de marchés difficiles des derniè-
res semaines, qui réduisent leur
solvabilité. Et ils vont faire face
aux difficultés des entreprises. En
France, les acteurs de la pré-
voyance s’inquiètent, par exem-
ple, de l’explosion des arrêts
maladie ou du chômage partiel.
« Mon expérience des crises précé-
dentes, c’est que dans l’assurance
on découvre progressivement
l’ampleur de la facture », insiste un
connaisseur du secteur.
L’exécutif et les organisations
patronales ont appelé les entre-
prises bénéficiant du dispositif
de soutien public à ne pas verser
de d ividendes. D ans c e contexte,
CNP Assurances a déjà fait
machine arrière, tout comme
Coface, poids lourd de l’assuran-
ce-crédit, un secteur très exposé
qui va bénéficier d’une garantie
publique. Pour l’heure, AXA s ’e n
tient à sa proposition d ’augmen-
ter son dividende lors de son
assemblée générale du 30 avril.
Le réassureur SCOR avait pro-
mis le versement d’un divi-
dende. I l a annoncé cette
semaine le report de son assem-
blée générale du 17 avril au
30 juin.

(


Lire « Crible »
Page 38

Solenn Poullennec
@SolennMorgan

L’é tau se resserre autour d es a ssu-
reurs européens, mis sous pres-
sion pour emboîter le pas aux
banques en s’abstenant de verser
des dividendes. Jeudi soir,
l’EIOPA, le régulateur européen,
a adressé un message de fermeté
en appelant à une «suspension
temporaire» des dividendes et
rachats d’actions. «Cette suspen-
sion devra être revue quand
l’impact économique et financier
du Covid-19 commencera à devenir
plus clair», a précisé le régulateur,
qui appelle aussi à un report des
rémunérations variables.
Pour l’heure, plusieurs grands
assureurs ont maintenu leur pro-
jet de distribution, comme Gene-
rali, Allianz et Munich Re. Tou-
ché par les annulations
d’événements, ce dernier a pré-
venu qu’il n’atteindrait pas ses
objectifs 2020 et a suspendu ses
rachats d’actions.
Mi-mars, l’EIOPA avait invité
les assureurs à être « prudents »
en matière de dividende et de
rémunération variable. Un appel
qui n’avait pas été suivi de faits.
Cette semaine, le secteur avait
reçu un rappel à l’ordre outre-
Manche. Le régulateur britanni-
que (PRA) a prévenu les assu-
reurs qu’avant de distribuer leurs
profits, ils devaient « être très
attentifs au besoin de protection
des assurés et au maintien de leur
sécurité et de leur solidité ».

Des marges de solvabilité
confortables
En France, l’Autorité d e
contrôle prudentiel (ACPR), qui
régule les banques et les assu-
reurs, a demandé en début de
semaine aux premières de

Le régulateur européen
(EIOPA) a demandé jeudi
soir aux assureurs une
suspension des dividendes
et des rachats d’actions.
Jusqu’à présent, les
leaders du secteur avaient
maintenu leur dividende.

Assurance : le régulateur


européen demande


un gel des dividendes


t-il obtenir de Bercy un « complé-
ment aux i nstructions déjà
données aux banques ». En outre,
si 260.000 entreprises sont n otées
par la Banque de France, un mil-
lion ne l’est pas, selon le Medef.
Interrogée, la Fédération ban-
caire française (FBF) insiste sur
la très forte mobilisation des
réseaux. Une position
qu’appuient le gouvernement et
bpifrance. Dans leur document
conjoint, ils rappellent que « les
banques se doivent d’être attenti-
ves [aux critères de notation,
NDLR] dans la mesure où elles
partagent le risque : elles ne sont
pas intégralement couvertes par la
garantie de l’Etat, et pour les pro-
fessionnels, TPE, PME et ETI, elles

systématiquement à des entre-
prises cotées 5 ou plus, selon le
document.
Par ailleurs, dit Bercy, « à partir
du moment où l’octroi de ces crédits
passe par les réseaux des banques, il
est normal de leur laisser une cer-
taine marge d e manœuvre ». Arnaud
Caudoux, le directeur général
adjoint de la bpifrance, se veut aussi
rassurant : « Les TPE non notées par
la Banque de France sont en général
bien connues des réseaux bancaires.
Les banques ont pris des engage-
ments pour l’étude de ces dossiers au
même titre que ceux référencés par la
Banque de France. » En cas de refus,
les banques incitent les entreprises
à se tourner vers d’autres établisse-
ments ou la médiation du crédit.n

Les banques, en concertation avec le ministère des Finances, ont précisé qu’elles concentreraient le traitement quasi automatique des dossiers en cinq jours
sur les entreprises jugées les plus solvables. Photo Xavier Popy/RÉA

lLe dispositif de prêt garanti par l’Etat favorise les entreprises dont la solvabilité est jugée solide par la Banque de France.


lPour les autres, les banques promettent de faire du « cas par cas », une latitude qui inquiète le patronat.


Prêts garantis : l’inquiétude


des entreprises en difficulté


Anne Drif
@Anndrif


Le « pont aérien de cash » – ce dis-
positif de garantie publique sur les
nouveaux prêts émis par les ban-
ques à hauteur de 300 milliards
d’euros – risque-t-il de manquer en
partie son objectif?
Alors que les demandes de cré-
dits garantis par l’Etat explosent à
plus de 6 milliards d’euros, les ban-
ques, en concertation avec Bercy et
bpifrance, ont précisé mercredi
qu’elles concentreraient le traite-
ment quasi automatique des dos-
siers - en cinq jours - sur les entre-
prises jugées les plus solvables. Il
s’agit des entreprises notées jusqu’à
«5+» par la Banque de France,
autrement dit celles dont la solvabi-
lité va de «assez faible» à «excel-
lente». Pour les autres, les établisse-
ments de crédit, chargés d e
déployer les quelque 300 milliards
d’euros de prêts garantis par l’Etat,
se livreront à un examen « au cas
par cas », celui-ci pouvant conduire
« à des décisions négatives ».


1 million d’entreprises
sans notation
Une distinction qui inquiète le
patronat car elle risque de pénali-
ser les entreprises déjà fragilisées
avant la crise. « Je regrette le traite-
ment qui est fait des entreprises
mal notées p ar la Banque d e France
dans le dispositif de prêts garantis
par l’Etat, déclare Geoffroy Roux
de Bézieux, le président du Medef.
Ces entreprises qui étaient en diffi-
culté avant la crise sont celles qui
vont avoir l e plus besoin de finance-
ments. » Ce dernier s’inquiète de
la manière dont ces dossiers p our-
ront être instruits. Aussi, espère-


CRÉDIT


ne peuvent pas prendre d’autre
sûreté en plus de la garantie de
l’Etat à 90 % ». Il est donc « légi-
time » de s’attendre à ce qu’elles
acceptent de prêter moins

La Fédération
bancaire française
insiste sur la très
forte mobilisation
des réseaux.

Et sur la familiarité
des agences
avec les très petites
entreprises.

moins 25 millions d’euros pour pro-
duire des appareils médicaux.
Lundi, BBVA a aussi indiqué que
300 de ses cadres renonçaient à
leurs bonus 2020, de même que le
dirigeant de Caixa.
Les autorités européennes assu-
rent que l’objectif n’est pas de
déclencher une vague de conten-
tieux entre l es banques et leurs sala-
riés pour des bonus accordés en


  1. « Il s’agit d’un appel à la modé-
    ration pour les bonus qui seront à
    verser à compter de 2020, soit en exa-
    minant s’il faudra les réduire, les dif-
    férer si nécessaire, et appliquer le cas
    échéant des malus », précisent les
    experts de l’EBA. Néanmoins, « si
    l’activité était très fortement impac-
    tée en 2020, les banques ont le
    pouvoir de revoir les différés des
    bonus passés ».
    D’après les derniers chiffres offi-
    ciels, sur les 5,6 milliards d’euros de
    bonus accordés en Europe en 2017,
    55 % ont été différés. En 2020, il y a


« Si nécessaire,
le superviseur
a le pouvoir
de prendre
des mesures
à l’encontre de
chaque banque. »
BERND RUMMEL
ET DJAMEL BOUZEMARENE
Experts de l’EBA

FINANCE & MARCHES


Les EchosVendredi 3 et samedi 4 avril 2020

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