Les Echos - 03.04.2020

(Chris Devlin) #1

38 // Vendredi 3 et samedi 4 avril 2020 Les Echos


Le croisiériste Carnival démontre
que Wall Street fonctionne, comme il peut.

« Maintenant voyageur, tu dois prendre la mer pour chercher et trouver. »
Il fallait vraiment le numéro un mondial des croisières Carnival pour partir
ainsi à la découverte de son prix, comme le conseille le poète. C’est réussi,
vu sa levée d’un peu plus de 6 milliards de dollars en actions, obligations
et convertibles, mais le lyrisme en moins. Personne ne sait quand
les croisiéristes pourront et voudront s’amuser comme avant. Les
intermédiaires de Wall Street y verront la preuve que les marchés financiers
ne doivent pas fermer. Ils gardent néanmoins l’âme bien frileuse, malgré
la Fed qui leur a évité de sombrer corps et biens dans une crise de liquidité.
Car ce placement pour acheter du temps – le cash montera à 9 milliards,
selon une estimation de Moody’s – s’est déroulé à deux vitesses. La taille
de l’émission d’actions a dû être amputée de 60 %, pour revenir à un demi-
milliard seulement. Et elle n’a pas renversé la vapeur de la capitalisation
boursière, en chute libre de plus de 80 % depuis le début de l’année. Rien
à voir avec l’émission d’obligations sécurisées, un montant représentant
un dixième de la valeur de la flotte au bilan, et d’une maturité pas trop
longue (2023). Vu la demande, elle a pu être augmentée de 25 %, pour
atteindre 4 milliards. Les sirènes du rendement ont montré leur charme,
avec un taux de 11,5 %, digne des obligations pourries les plus risquées avant
la crise, alors que la signature est encore « investment grade », à ce jour.

Cr oisière à deux vitesses


Pa rmi les 13 sociétés européennes
repérées par UBS pour la
soutenabilité de leur dividende
à moyen terme, on dénombre
6 entreprises pharmaceutiques,
un secteur grand pourvoyeur de
dividendes (9,8 % du total en 2019)
devant l’Eternel. Les autres
« vaches à lait » – banque (14,1 %),
énergie (11,7 %), assurances (7,7 %)
et biens d’équipements (7,4 %) –
brillent en revanche par leur
absence. Ce n’est pas illogique.
Le tamis est placé hors
des secteurs cycliques, pour pister
les bénéfices les moins volatils,
les leviers d’endettement modérés
et la bonne couverture du coupon
par le cash-flow. Les assureurs
s’étaient pourtant situés
dans la moyenne des baisses de
« payout » en 2008. Mais leur ratio
de solvabilité dépend des « stress
de marché » et les superviseurs
y vont de leurs fermes conseils.
Ni les actionnaires, ni les assurés
n’ont intérêt à trop tirer sur le licol
de leur bovin commun.

Le secteur de l’assurance refait parler de lui, pour ses dividendes aussi.
Material Boy

Le chimiste Arkema veut accélérer sa
mutation vers les matériaux de spécialités.

Se projeter à un horizon de cinq ans quand on ne sait pas de quoi
seront faits les quinze prochains jours revient à défier la maxime
flaubertienne qui fait de l’avenir « ce qu’il y a de pire dans le présent ».
L’heure n’étant cependant pas à l’éducation sentimentale
des investisseurs, quand l’un des moins complaisants d’entre eux,
l’activiste Elliott, est entré à son capital, Thierry Le Hénaff, le patron
d’Arkema, n’a pas reculé devant l’exercice de mise à jour stratégique,
prévu de longue date. Le chimiste, venant pratiquement d’atteindre
avec trois ans d’avance l’objectif de 80 % de son activité
dans les matériaux de spécialités, vise logiquement les 100 % en 202 4,
la dernière étape d’une transformation vers des métiers moins
capitalistiques et moins cycliques entamée avec l’introduction
en Bourse de l’ancienne fille de Total il y a quatorze ans. Comme
le réclamait la communauté financière, qui préfère la visibilité sur
le taux de distribution d’un dividende d’ailleurs maintenu cette année,
le propriétaire de Bostik retire la béquille de certaines branches
(verre acrylique, gaz fluorés) dont le cash a financé la croissance
externe. Mais il garde la maîtrise de sa feuille de route en conservant
le peroxyde d’hydrogène. En ambitionnant le deuxième rang mondial
des adhésifs, l’ensemble pourrait voir à terme ses ratios de valorisation
grimper d’au moins de moitié. De quoi justifier d’être « matérialiste ».

// Budget de l’Etat 2020 : 39 9,2 milliards d’euros // PIB 2019 :2. 47 9,4 milliards d’euros courants
// Plafond Sécurité sociale :3.428 euros/mois à partir du 01-01-2020 // SMIC horaire : 10 ,15 euros à partir du 01-01-202 0
// Capitalisation boursière de Paris :1.827,78 milliards d’euros (au 06-01-2020)
// Indice des prix (base 100 en 2015) :103,55 en décembre 2020 // Taux de chômage (BIT) :8,6 % au 3etrimestre 2019
// Dette publique :2.415,1 milliards d’euros au 3etrimestre 2019

=
Les chiffres de l’économie

Les payeurs et les conseilleurs


crible


EN VUE


Edouard Philippe


S


on arrière-grand-père était doc-
ker, son grand-père aussi. Pour-
tant, ils n’ont sans doute pas dû
porter d’aussi lourde charge que celle
qui est tombée sur la tête de leur petit et
arrière-petit-fils. La barbe d’Edouard
Philippe blanchit à vue d’œil. Pour le
voir, pas besoin de se brancher sur
Houseparty, il a choisi de multiplier,
comme le jeudi 2 avril sur TF1, les exerci-
ces d’« explications » et d’« éclaircisse-
ments ». Devant les députés, il a évoqué
l’existence de solutions de « tracking »
utilisées par certains pays pour s’assurer
du confinement total des malades en
précisant qu’elles ne seraient pas légales
en France. Jusqu’ici, les d onnées des por-
tables n’o nt servi qu’à compter les
fuyards parisiens vers « Ré ». Quel havre
là-bas, doit se dire Edouard confiné à
Matignon! Quoique son Havre à lui ne
soit pas précisément de paix, sa ville n’a
même pas eu l’élégance de lui accorder
une élection au premier tour de ces

municipales qui resteront dans l’his-
toire. En attendant, il emploie un voca-
bulaire grave, sans fard. Mais i l sait que le
pire, c’est l’incertitude. Alors, il s’efforce
d’ébaucher sa stratégie de déconfine-
ment « de façon à donner une perspective
à nos concitoyens ». Il avait bien fait de se
mettre à la boxe. Le voilà assailli par les
plaignants professionnels, ceux qui
criaillent beaucoup ne font jamais rien.
Un ex-amuseur aigri monte un site con-
sacré au dépôt de plaintes. Indécent ou
pathétique? Voici Philippe en première
ligne, redevenu « bouclier du Prési-
dent ». Aucune saute de courant dans
celui qui passe entre les deux hommes.
Le Premier ministre est à la hauteur :
« Le découragement n e fait pas partie de la
gamme de mes émotions », a-t-il dit aux
Français angoissés. Ceux-ci ont appré-
cié. Sa cote est remontée de 7 points.

(


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L’envol du pétrole sauve le CAC 40



  • C’est^ un tweet de Donald Trump,
    moins d’une heure avant la clôture
    de la Bourse de Paris, qui a fait
    repartir l e CAC 40 e n territoire posi-
    tif. Le président américain a évoqué
    un possible accord entre l’Arabie
    saoudite et la Russie, engagés dans
    une guerre des prix du pétrole, sur
    une baisse de 10 millions de barils.
    Immédiatement, les cours du Brent
    ont bondi de 30 %, entraînant avec
    eux les valeurs pétrolières en
    Europe. Au final, le CAC 40 a gagné
    jeudi 0,33 % à 4.220,96 points, dans
    un volume d’échanges nourri de
    3,5 milliards d’euros. La séance
    aura été très volatile, l’indice cédant
    momentanément à la panique face
    à l’explosion des nouvelles inscrip-


tions au chômage aux Etats-Unis.
Le CAC 40 perd encore près de 30 %
depuis le début de l’année.
Grand soutien de l ’indice, Total a
pris 3,07 %. Peugeot a progressé de
4,26 % et fini en tête. Bouygues a
suivi avec un gain de 4,02 %, et
Publicis de 3,45 %.
Dassault Systèmes a reculé de
5,01 %. Le groupe a dit viser une
croissance au premier trimestre un
peu moins forte que l’objectif initial.
Capgemini a cédé 4,51 %, Accor
4,05 %, Airbus 3,70 % et Vinci
2,92 %. Engie et Veolia, qui ont
annoncé la suspension de leurs
objectifs 202 0, ont fini en ordre dis-
persé, l’un perdant 0,91 % et l’autre
gagnant 1,64 %.
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