Les Echos - 03.04.2020

(Chris Devlin) #1

Les Echos Vendredi 3 et samedi 4 avril 2020 EVENEMENT// 05


Pierre-Alain Furbury
@paFurbury


Rien ne dit qu’elle sera durable
mais, pour l’heure, c’est une révéla-
tion. Lorsqu’il est entré au gouver-
nement, le député LREM de
l’Isère Olivier Véran était, dans le
grand public, un total inconnu. Six
semaines plus tard, il est le ministre
le plus populaire dans le baromètre
Elabe pour « Les Echos » et Radio
classique. Au total, 35 % des Fran-
çais disent avoir une « image posi-
tive » du successeur d’Agnès Buzyn.
Un bond de 18 points en un mois,
sans précédent depuis le début du
quinquennat et supérieur à celui de
Bernard Cazeneuve, alors à l’Inté-
rieur, après les attentats de janvier
puis de novembre 2015. Cette per-


Marine Le Pen ainsi que chez les
catégories populaires (+2). Entre
les catégories aisées (46 % de con-
fiance) et les catégories populaires
(24 %), il y a 22 points de différence.
Alors que depuis deux semai-
nes et demie la vie du pays est uni-
quement focalisée sur la crise
sanitaire, sans précédent depuis
un siècle, et sa gestion par l’exécu-
tif, l’expression de la confiance
envers Emmanuel Macron et son
gouvernement connaît des évolu-
tions rapides. « Il y a un mois, il y
avait un jugement global des Fran-
çais. Aujourd’hui, c’est uniquement
sur la gestion de la crise », souligne
Bernard S ananès. Le mois dernier,
l’exécutif était encore dans la
réforme des retraites – mise entre
parenthèses aujourd’hui – et
l’annonce du recours à l’arti-
cle 49-3 de la Constitution fin
février avait affecté la confiance
envers le président.

Ev olution rapide
Au c ours des derniers jours, le sen-
timent des Français sur la gestion
de la crise a beaucoup varié. Ce qui
explique des évolutions parfois
contradictoires de la confiance
entre les divers baromètres quoti-
diens ou hebdomadaires et le
baromètre mensuel fait par Elabe,
car les temporalités sont différen-
tes. La confiance envers le gouver-
nement a chuté assez lourdement
depuis la mise e n place du confine-
ment avant de se stabiliser pro-
gressivement. Selon le baromètre
quotidien CoviDirect d’Opi-
nionWay-Square pour « Les
Echos », elle a baissé de 11 points
entre le 23 et le 31 mars avant de
rebondir progressivement depuis.
Au final, les deux courbes se
rapprochent : selon Elabe, la
confiance des Français envers
l’exécutif pour résoudre la crise
du coronavirus atteint 41 %, selon
une étude publiée mercredi. Ce
pourcentage est quasiment iden-
tique à celui du baromètre Elabe
pour « Les Echos » (39 %).n

Grégoire Poussielgue
@Poussielgue

Emmanuel Macron fait face au
risque d’une France coupée en
deux avec la crise du coronavirus.
Dans le baromètre mensuel Elabe
pour « Les Echos » et Radio classi-
que, la cote de confiance du prési-
dent de la République connaît en
avril un net rebond, de 10 points,
par rapport à mars, pour s’établir à
39 %. C’est son plus haut niveau
depuis juin 2018. « C’est une hausse
forte et sensible qui se produit prin-
cipalement sur son socle électoral et
ses zones de force comme chez les
cadres et les retraités. Cette progres-
sion ne signifie pas union natio-
nale », analyse Bernard Sananès,
le président d’Elabe.

Soutien dans le quart
nord-est de la France
Habituel dans un climat de crise


  • François Hollande avait connu
    une tendance similaire après les
    attentats de 2015 – ce rebond
    cache de fortes disparités politi-
    ques, sociales et même géogra-
    phiques. Il est en effet beaucoup
    plus marqué au sein de l’électorat
    de premier tour de 2017 d’Emma-
    nuel Macron (+10 points à 80 %),
    et chez ceux de François Fillon
    (+13) et de Benoît Hamon (+10). Il
    est aussi très marqué dans le
    quart nord-est de la France (+12),
    premier territoire touché par la
    crise du coronavirus.
    La confiance envers Emmanuel
    Macron progresse aussi fortement
    chez les cadres (+8) et les profes-
    sions intermédiaires (+16 points).
    Mais cette hausse est en revanche
    beaucoup plus faible et moins
    significative parmi l’électorat de
    Jean-Luc Mélenchon (+3) et de


En un mois, la confiance
envers le chef de l’Etat
a progressé de 10 points,
à 39 %, dans le baromètre
Elabe. Mais cette hausse
cache de fortes disparités.

Macron se renforce


auprès de ses soutiens


Renaud Honoré
@r_honore


C’est sans doute un sujet que le gou-
vernement devra suivre attentive-
ment dans les semaines à venir s’il
veut éviter des tensions sociales. Si
son plan d’urgence de 45 milliards
d’euros mis sur la table pour contrer
les effets économiques du coronavi-
rus est largement approuvé par les
Français, il en va tout autrement des
mesures assouplissant le Code du
travail, montre un sondage Elabe
pour « Les Echos », Radio classique
et l ’Institut Montaigne. « Ces mesures
font naître un clivage fort au sein de la
population, notamment entre actifs et
retraités, et le gouvernement va devoir
faire en sorte que cela ne s e transforme
pas en fractures », prévient Bernard
Sananès, le président d’Elabe.
Dans le détail, on voit donc appa-
raître un contraste fort entre la
façon dont les mesures économi-
ques en faveur des entreprises et
des salariés d ’une part, et celles liées
au Code du travail d’autre part, sont
perçues par les Français. Pour les


premières, il s’agit d’un plébiscite,
puisque 8 à 9 Français sur 10 les
approuvent. Cela va de 85 % pour le
report en septembre de la réforme
de l’assurance-chômage à 92 %
s’agissant du délai accordé aux
entreprises pour le paiement des
cotisations sociales et des impôts.

Soutien unanime
sur le chômage partiel
Po ur le chômage partiel tout
comme l’aide de 1.500 euros aux
indépendants et aux TPE qui ont
perdu la moitié de leur chiffre
d’affaires, le taux de soutien est de
90 %. Il s’établit à 88 % pour les
arrêts de travail accordés aux per-
sonnes sans solution pour la garde
des enfants ou la prolongation des
droits des chômeurs en fin
d’indemnisation en mars. « Ces
mesures sont soutenues par toutes
les catégories politiques, ce qui est
très rare », souligne Bernard Sana-
nès. Cela montre également « à quel
point tout le monde a pris conscience
de la dureté de la crise économique »,
poursuit le sondeur.

sent entre actifs et inactifs, mais aussi
entre CSP + et catégories sociales
moins favorisées », pointe Bernard
Sananès. Ainsi le soutien est de 67 %
pour les retraités – a priori plus trop
concernés par le Code du travail –
mais il tombe à 50 % chez les actifs.
Au sein de ces derniers, les différen-
ces sont notables entre cadres et pro-
fessions intermédiaires d’une part
(52 %), employés et ouvriers d’autre
part (45 %). Le rejet est également
majoritaire dans les électorats de
Marine Le Pen et Jean-Luc Mélen-
chon. « Au vu de ces chiffres, il appa-
raît que le gouvernement ne pourra
pas prolonger ces mesures censées
être dérogatoires trop longtemps, sauf
à risquer de faire face à des tensions
sociales », alerte le sondeur.
Autre résultat notable, l’étude
d’Elabe montre que pour 8 Fran-
çais sur 10, l’utilisation du droit de
retrait – quand le salarié juge sa
santé mise en danger – est justifiée.
« L’approbation est très large, cela
révèle la montée des inquiétudes sur
la situation sanitaire », estime Ber-
nard Sananès.n

lSi le plan d’urgence est plébiscité, l’assouplissement du Code du travail suscite un clivage, montre un sondage Elabe.


lLe droit de retrait des salariés mal protégés du coronavirus est majoritairement soutenu.


Les dérogations au Code du travail


divisent les Français


En revanche, l’accueil est nette-
ment plus tiède pour les mesures
tournant autour de l’assouplisse-
ment du Code du travail (possibilités
de faire passer la durée de travail à
60 heures par semaine ou d’imposer
des RTT et des congés aux salariés).
Certes, en façade, elles restent majo-
ritairement soutenues (55 % de Fran-
çais favorables et 44 % opposés).
Mais c’est déjà moins évident quand
la q uestion porte sur la s eule
deuxième mesure, sur les RTT et les
congés, rejetée p ar 56 % d es Français.

Surtout, il est intéressant de dissé-
quer quelles sont les catégories
sociales qui appuient ces mesures.
« Des différences très nettes apparais-

Quand la question
porte sur la seule
deuxième mesure,
sur les RTT et les
congés, elle est rejetée
par 56 % des Français.

cée le propulse à la troisième place
du classement des personnalités
politiques, derrière Nicolas Hulot
(50 %) et Nicolas Sarkozy (36 %),
tous deux retirés de la politique
active. Il est même le seul, avec l’ex-
ministre de la Transition écologi-
que, à recueillir davantage de bon-
nes opinions que de mauvaises (
%). La proportion de Français
n’exprimant pas d’avis sur lui chute
de 19 points en un mois (à 35 %), se
transformant en quasi-totalité –
c’est rare – en opinions positives.
L’explication de cette soudaine
popularité porte un nom : coronavi-
rus. Depuis qu’il a pris ses fonctions,
ce médecin de formation en pre-

mière ligne dans la « guerre » – selon
les termes d’Emmanuel Macron –
contre la pandémie. Et donc très visi-
ble, dans la mesure où le sujet o ccupe
toute l’actualité. Surtout, « Olivier
Véran a réussi à trouver un ton : fac-
tuel, concret, précis et sans emphase »,
analyse Bernard Sananès, le prési-
dent de l’institut Elabe. Chez les seuls
sympathisants d’En marche, sa cote
gagne 29 points, à 71 %.

Buzyn sanctionnée
« Il est celui qui incarne la mobilisa-
tion des professionnels de santé et,
dans l’épreuve, il donne le sentiment
de faire le job. Sans c ompter que, p uis-
qu’il vient de prendre ses fonctions,
l’opinion ne lui fait pas, à lui, beau-
coup de reproches sur la transpa-
rence », explique-t-il, pointant « un
effet de contraste avec d’autres minis-
tres sur le professionnalisme ». Un
effet de contraste, aussi, avec Agnès
Buzyn, dont le départ précipité du
ministère de la Santé (pour rempla-
cer Benjamin Griveaux dans la
course à la Mairie de Paris) a suscité

une forte incompréhension, encore
renforcée, depuis lors, par son aveu
d’alerte dès janvier sur l’ampleur du
« tsunami ». Elle recule de 5 points
en un mois à 15 % de bonnes opi-
nions chez l’ensemble des Français
(la 32e place sur 34 dans le baromè-
tre) et de 23 points, à 35 %, chez les
sympathisants LREM.
Olivier Véran rassure surtout les
seniors (la classe d’âge où il dépasse
les 50 % de bonnes opinions), les
classes et les professions intellec-
tuelles (où il s’en approche). « La
sociologie classique de la confiance à
l’égard du pouvoir en place », rappelle
Bernard Sananès, tout en notant que
le ministre de la Santé « n’apparaît
pas comme une personnalité qui
clive ». Si c’est parmi les électeurs
d’Emmanuel Macron et de François
Fillon en 2017 qu’il obtient ses
meilleurs scores, il est le membre du
gouvernement le plus populaire
chez les sympathisants de gauche.
Les plus réfractaires à son égard
étant, de loin, les partisans de Jean-
Luc Mélenchon et Marine Le Pen.n

Véran fait une percée impressionnante dans l’opinion


Surexposé en raison
du coronavirus, le ministre
de la Santé se fait un nom
et prend la troisième place
du baromètre Elabe des
personnalités politiques.


« Dans l’épreuve, il
donne le sentiment
de faire le job. »
BERNARD SANANÈS
Président de l’institut Elabe
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