Les Echos - 03.04.2020

LESECHOSWEEK-END– 17

GIUSEPPE CONTE, SEULFACE AU VIRUS

pasété utileàton prestige et qui n’a pas non plus

renforcél’autoritédenotrepays. »Alorsque le

leader duMouvement5étoiles,Luigi DiMaio,

arbore unpetit sourireencoin, l’accusé pique

du nezdans ses notes.

«Àmaintesoccasions, tuas empiété sur

lescompétences d’autresministresencréant

des interférences etdessuperpositions... »relate

encoreGiuseppeConte. Pisencore:avant

deproposerla démission du ministre

incontrôlable, il l’accused’avoir provoquélacrise

gouvernementale«sansavoir le courage

d’assumersesresponsabilités».MatteoSalvini

resteKO.Leprésident du Conseilabrutalement

coupélecordonavecl’undeses deux

«parrains ».«Son jour de gloire»,écritAldo

Cazzullo,l’éditorialiste duCorriere.Unesemaine

plus tard, le président de la République,Sergio

Mattarella, confieauTessitorele soin de former

un gouvernement«Conte II»avecdenouveaux

alliés–leparti démocrate de centre gauche.

Il faudra plusieurs moisàMatteo Salvini

pour encaisser ce coup deJarnac et chercher à

se venger en dénonçant la«nouvelle arrogance »

du président du Conseil. Onpeut parler de coup

de théâtre, car la carrièrepolitique de Giuseppe

Conten’avait pas vraiment démarré en fanfare.

Avant de remplacer Matteo Renzi, le Premier

ministre de centre gauche, auPalazzo Chigi,

il était un parfait inconnu.Àsanomination,

une enquête duNewYorkTimesrévèle même

que son CVaété sérieusement embelli, la

NewYorkUniversityetlaSorbonne ne trouvant

aucune trace de son passage sur leur campus...

ADOUBÉPARSERGIO MATTARELLA

Danssespremiers pasdeprésidentduConseil,

GiuseppeContebénéficie del’appui des5étoiles

(M5S)etdelabienveillance de la Ligue.

Et,surtout,réussitàsefaireadouberparlechef

de l’État,Sergio Mattarella. Ilexploiteraensuite

magnifiquement les erreurs de Salvini.L’homme

ditvolontiersavoir lecœuràgauche,mais

se présentecomme un centriste proeuropéen.

C’est undribbleur né,àtous les sens du mot,

comme le démontreune vidéo devenuevirale

sur les réseaux sociaux,où on levoit taquiner

le ballonavec BrunelloCucinelli,le«roi du

cachemire».Passionnédefootdepuis l’université,

où il soutenaitlesjaune et rouge de l’AS Roma,

il aurait aiméyfaire unecarrière,maisune

blessure augenouatorpillé cerêve.«Certes,

il n’apas la carrured’unRomanoProdi ou d’un

Giuliano Amato,reconnaîtunjuriste.Mais ilasu

Pour mieux préparer

l’après Covid-19,

GiuseppeContes’est

entouré, début mars,

de deuxconseillers

économiques

atypiques. Outre

GunterPauli,

économisteet

industrielbelge

bouddhiste, chantre

de l’«économie bleue »,

fondateur duréseau

Zeri (zéroémission,

zéro déchets),

fin février,leprésident

du Conseilafait appel

àune économistede

choc, l’Italo-Américaine

Maria Mazzucato

pour travailler sur

lesdécrets anti-

coronavirus.Auteure

deThe Entrepreneurial

State(2011) et de

Rethinking Capitalism,

Maria Mazzucato

enseigneàl’University

CollegeLondon (UCL).

ÉlevéeàPrinceton,

elleaeuaussil’oreille

d’ElizabethWarren,

candidate malheureuse

aux primaires

démocrates.Proche

despositions deYanis

Varoufakis sur la crise

grecque en 2016,elle

aaidé lareprésentante

démocrateAlexandria

Ocasio-Cortez

àpeaufinersa

proposition de Green

NewDeal. Dans

une chronique publiée

parThe Guardian

le 18 mars, Maria

Mazzucato estime

que«lacrise

du Covid-19est

une opportunitépour

comprendrecomme

repenserlecapitalisme

différemment ».

Page de gauche:

le 20 août 2019,

devant le Sénat,

Giuseppe Conte

demande la démission

de Matteo Salvini,

jusqu’ici l’homme

fort du

gouvernement.

Ci-contre:le

27 février 2020,

Giuseppe Conte

et Emmanuel Macron

se retrouvent

àNaples pour le

35 esommet bilatéral,

placé sous le signe

de la réconciliation

et de la solidarité

faceàlacrise

du coronavirus.

formeruntandem quifonctionneavecSergio

Mattarella quileconseillediscrètement.»C’est le

présidentdelaRépublique qui luiarécemment

recommandédejouer,par exemple, la carte

de l’unité nationale,enassociant lesleaders

de l’oppositionàlalutte contrel’épidémie.

«Giuseppe Conteadémontrédes capacités

de décision et derésistancerésolument positives

inattendues pour un professeur qui n’avait

aucune expérience politique ilyadeux ans

et aété àlatête d’ungouvernement totalement

populiste pendant un an »,confie aujourd’hui

l’ancien président du Conseil, Mario Monti.

«Àce stade, il sort considérablementrenforcé

de cette crise. Il s’estrévélé ungestionnairequi

donne confiance »,approuvelepolitologueYves

Mény,ancienprésident del’Institut universitaire

européen (IUE) de Florence.«Ilasu prendre

des mesures difficiles au moment où l’Italie

sert de modèle d’avant-garde dans la lutte contre

l’épidémie, alors que Matteo Salvinis’estprisles

piedsdansletapis enchangeant de piedàplusieurs

reprises »,observe ce spécialiste despopulismes.

Selon l’économiste Marchel Alexandrovich,

àlabanqueJefferies,«l’Italievaservir de canari

dans la mine decharbon pour l’économie

post-Covid en Europe ».Dans ce contexte,

DEUXÉCONOMISTES DE CHOC

POUR UNEPANDÉMIE INÉDITE

AN

DREW

MEDIC

HINI

/AP

/SIPA