Les Echos - 03.04.2020

(Chris Devlin) #1

06 // EVENEMENT Vendredi 3 et samedi 4 avril 2020 Les Echos


ter à conditions très favorables jus-
qu’à 100 milliards d’euros aux Etats,
pour soutenir leurs actions sur le
front de l’emploi. La Commission
empruntera sur les marchés, en se
servant de sa note de crédit maxi-
male, le triple A, qui lui assure des
prêts aux taux les plus bas.

Garanties des Etats
de 25 milliards d’euros
Elle s’appuiera sur des « garanties
supplémentaires volontaires appor-
tées par les Etats ». De fait, s’appuyer
sur l’actuel budget pluriannuel
européen, en fin de cycle et déjà
mobilisé à plein dans la lutte contre
la crise, n’est pas suffisant. Ces
garanties des Etats devront s’élever
à 25 milliards d’euros. Le dispositif
a vocation à démarrer dès cette
somme réunie, à condition, point
important, que tous les Etats mem-
bres aient apporté leur écot.
L’instrument sera ouvert à tous
mais ciblé en priorité sur les pays
les plus en difficultés, comme
l’Espagne et l’Italie. Lorsqu’un Etat
fera une demande d’aide, la Com-

d’« activité partielle » compte
désormais 4 millions de bénéfi-
ciaires, contre un point haut de
300.000 avant la crise...

Préparer la relance
La proposition sera examinée
mardi par les Etats, en Euro-
groupe. La Commission e st
« confiante sur une adoption
rapide ». Elle peut, de fait, espérer
de moindres tensions que sur la
question des « coronabonds », t ant
le recours au chômage partiel, qui
avait fait ses preuves lors de la crise
de 2008, se veut désormais une
priorité aux quatre coins du conti-
nent. Mot d’ordre : tout sauf des
licenciements, à l’opposé de ce qui
se produit notamment aux Etats-
Unis. « Face à un choc externe et
symétrique qui frappe des entrepri-
ses en bonne santé, le plus important
est de maintenir les personnes dans
les entreprises et de les préparer à une
relance efficace le moment venu »,
insiste Ursula von der Leyen.
En parallèle de cette annonce,
qui constitue une première

manière à Bruxelles de préparer
concrètement la future reprise,
Ursula von der Leyen en a profité
pour faire passer un autre message
fort sur l’« après ». « Le prochain
budget pluriannuel devra incarner
la réponse européenne à la crise et
envoyer un signal fort d’investisse-
ment », a insisté la présidente de
l’exécutif européen, appelant à en
faire « le plan Marshall » d e
l’Europe d’après-crise. Elle a insisté
sur la nécessité de ne surtout pas
sacrifier sur l’autel de la pandémie
les deux grandes priorités de
l’actuel projet de budget en discus-
sions entre les Vingt-Sept, le numé-
rique et le Pacte vert.
Le message est clair et devrait
amener la Commission à présen-
ter ces prochaines semaines un
nouveau projet de cadre finan-
cier pluriannuel 2021-2027 plus
ambitieux que l’actuel, déjà jugé
trop coûteux par certains Etats.
Cela laisse augurer d’un nouveau
bras de fer, domaine où l’Europe
ne manque pas d’entraînement
en ce moment.n

Bruxelles prépare un fonds solidaire de soutien au chômage partiel


Derek Perrotte
@DerekPerrotte
—Bureau de Bruxelles


La crise du coronavirus réveille
l’Europe sociale. Face à la tétanie de
l’activité économique, la Commis-
sion européenne a dévoilé, jeudi,
une proposition de plan de soutien
au chômage partiel au sein de
l’Union européenne. L’effort est à la
hauteur de l’explosion du recours à
ces dispositifs, désormais implan-
tés ou en voie de l’être, sous diffé-
rentes formes, dans la quasi-tota-
lité des 27 Etats membres.
L’exécutif continental propose de
créer un instrument financier, bap-
tisé « Sure », lui permettant de prê-


La Commission
européenne propose
de garantir jusqu’à
100 milliards d’euros
de prêts aux Etats. Ursula
von der Leyen appelle
à faire du prochain budget
pluriannuel un « plan
Marshall » européen.


Plus de 800.


emplois détruits


en un mois


en Espagne


Cécile Thibaud
— Correspondante à Madrid

L’économie espagnole a détruit
834.000 postes de travail durant le
seul mois de mars, selon le registre
du nombre de cotisants à la Sécurité
sociale, qui donne l’état en temps
réel du marché du travail. La crise
sanitaire frappe de plein fouet le
pays, particulièrement ébranlé dans
ses secteurs les plus forts, comme
l’hôtellerie et les services ou encore
la construction, qui accusent des
pertes d’emplois de plus de 10 %.
Lenombre de demandeurs
d’emploi a augmenté de près de
300.000 le mois dernier, à 3,5 mil-
lions. Ce chiffre, décalé du fait du
mécanisme de traitement des don-
nées, devrait probablement aug-
menter dans les prochaines semai-
nes. L’Espagne continue d’être
gravement touchée par l’avancée de
l’épidémie, avec 110.238 cas confir-
més et 10.003 morts en date de jeudi,
soit 950 de plus en 24 heures.
Le mois de mars avait pourtant
bien démarré. Dans les régions les
plus touristiques, on commençait à
préparer l’ouverture de la saison,
attendue aux alentours de Pâques.
Alors que 64.000 nouveaux con-
trats avaient été signés dans la pre-
mière moitié du mois, ce sont près
de 900.000 emplois qui ont été
détruits à partir de la fermeture des
établissements scolaires, le 12 mars.
Celle-ci a marqué le début des mesu-
res de restriction de mobilité, ren-
fo rcées ensuite par le décret d’état
d’alerte et le confinement du pays, le
15 mars, puis l’arrêt de toute activité
non essentielle le 30 mars dernier.

Amortir le choc
« En 14 jours, on a assisté à la perte de
900 .000 emplois, soit l’équivalent de
ce qui s’était produit en 100 jours, entre
octobre 2008 et février 2009, à la suite
de la chute de Lehman Brothers » , sou-
ligne le ministre de la Sécurité
sociale, José Luis Escriva. Selon le
ministère du Travail, l’effet s’est sur-
tout fait ressentir immédiatement
après l’annonce de l’état d’alerte,
mais les mesures d’accompagne-
ment des entreprises, mises en place
à partir du 17 mars, ont ensuite per-
mis d’amortir le choc, en facilitant la
mise en activité partielle pour éviter
plus de licenciements secs.
La ministre du Travail, Yolanda
Diaz, indique que 9.670 demandes
d’entreprises de mise en activité par-
tielle ont déjà été activées, couvrant
620.000 salariés. Le gouvernement
vient d’annoncer une nouvelle série
de mesures pour protéger les plus
vulnérables avec ligne de microcré-
dits et moratoire sur les loyers pour
les aider à faire face à la montée
imparable du chômage.
La crise de 2008 avait porté le
taux de chômage à 27 % en 2013.
Malgré six ans de fortes créations
d’emplois, il était encore de 13,8 % (le
plus élevé de la zone euro après la
Grèce) avant le coronavirus. Le
choc est d’autant plus brutal que le
marché du travail est fragile, avec
un grand nombre d’emplois peu
qualifiés et de contrats précaires,
très marqués par des variables sai-
sonnières.n

La paralysie de l’activité
et l’impact de la crise
sanitaire ont provoqué
une vague de licenciements
sans précédent.

Pour Oxford Economics, ce sont
20 millions d’emplois qui pour-
raient être supprimés, le taux de
chômage grimpant à 12 % (contre
3,5 % avant le début de l’épidémie).
Les chiffres publiés jeudi pour-
raient « devenir l a nouvelle
norme », selon ces économistes.
Le taux de chômage national
pour le mois de mars sera publié
ce vendredi. Selon les analystes, il
devrait atteindre 4 %, soit une
légère augmentation par rapport
à février. La plupart des mesures
de confinement ont été prises
relativement tard et n’ont eu
qu’un impact modéré sur l’emploi
en mars. C’est à partir d’avril que
la crise devrait se faire sentir dans
les chiffres. « Nous pourrions voir
des pertes d’emploi sans précé-
dents en avril, qui se compteraient
en dizaines de millions, et un taux
de chômage à deux chiffres », esti-
ment les économistes de Bank of
America dans une note.
Les secteurs les plus touchés
sont la restauration, l’hôtellerie et
les loisirs. La plupart des grandes
villes ont fait fermer les bars et res-
taurants, ainsi que tous les com-
merces non nécessaires. Mais les
chiffres publiés jeudi par le dépar-
tement du Travail montrent que
l’impact va bien au-delà de ces sec-
teurs. Certains Etats ont fait part
d’une forte hausse des demandes
d’allocation dans le bâtiment,
l’industrie, la distribution ou
encore le social.

Une meilleure
prise en charge
Le taux de chômage couvert par
des allocations, qui ne représente
qu’une partie du taux de chômage
réel et qui est publié avec une
semaine de décalage, est monté
de 1,2 % à 2,1 % en l’espace d’une
semaine. Avec ce nouvel afflux de
demandeurs, il va de nouveau
exploser dans les prochains
jours. C’est l’Etat de Californie, qui
a imposé des mesures de confine-
ment avant les autres Etats,
qui a été la plus touchée avec
879.000 demandes d’inscription
au chômage la semaine dernière,
suivie de la Pennsylvanie
(406.000), New York (377.000), le
Michigan et le Texas.
Le p lan de sauvetage de l’écono-
mie américaine, adopté il y a quel-
ques jours, pour un montant total
de 2.000 milliards de dollars, pré-

voit une meilleure indemnisation
des chômeurs e t allonge les d roits
de treize semaines, alors qu’ils
sont généralement a ccordés pour
une durée de cinq à six mois.
Cette meilleure p rise en charge
pourrait d’ailleurs gonfler davan-
tage encore les chiffres officiels.
Certaines professions, comme
les travailleurs indépendants et
les chauffeurs VTC, qui ne pou-
vaient bénéficier de droits aupa-
ravant, o nt été inclus temporaire-
ment dans la nouvelle loi et
devraient rejoindre les rangs des
demandeurs.n

lLa semaine dernière, 6,65 millions d’Américains ont fait une demande d’inscription au chômage.


lTous les records sont battus et la tendance devrait se confirmer. Certaines institutions parlent déjà d’un taux


de chômage dépassant les 30 % prochainement.


Le chômage explose aux Etats-Unis


Nicolas Rauline
@nrauline
—Bureau de New York


En une semaine, le taux de chô-
mage a doublé aux Etats-Unis. Les
chiffres tombés jeudi continuent
d’affoler tous les é conomistes, dont
les estimations étaient moins éle-
vées. L’impact de l’épidémie de
coronavirus s’avère aussi soudain
que brutal.
La semaine dernière, ce sont
6,65 millions d’Américains qui se
sont inscrits au chômage, alors
qu’ils étaient 3,31 millions la
semaine précédente (un chiffre
légèrement revu à la hausse par
rapport aux premières estima-
tions), et... 282.000 la semaine
d’avant. La plupart des économis-
tes tablaient sur une progression
de 3,1 millions du nombre de
demandes.


« No uvelle norme »
C’est un nouveau record qui a été
battu. Jamais une crise n’avait été
aussi violente et n’avait frappé
l’économie américaine aussi vite,
alors qu’une récession sans précé-
dent s’annonce. A ce rythme, les
chiffres avancés récemment par
certains économistes et qui parais-
saient vertigineux seront vite
atteints. La Fed de Saint Louis évo-
quait, par exemple, un taux de chô-
mage de 32 % dans les prochaines
semaines, soit un total de 47 mil-
lions d’emplois détruits.


INTERNATIONAL


« Nous pourrions
voir des pertes
d’emploi sans
précédents
en avril, qui se
compteraient
en dizaines
de millions, et un
taux de chômage
à deux chiffres. »
DES ÉCONOMISTES
DE BANK OF AMERICA

mission déterminera les condi-
tions du prêt et celui-ci devra être
approuvé par les gouvernements
des Vingt-Sept. « C’est de la solida-
rité européenne tangible et en
action », pointe Ursula von der
Leyen, la présidente de la Commis-
sion européenne.

Le fonds viendra au secours de
dispositifs nationaux dépassés
par l’ampleur inédite de deman-
des que provoque la crise. « C’est
une défense de seconde ligne. Les
Etats ont dégagé des enveloppes
conséquentes mais l’argent part
vite », explique-t-on à la Commis-
sion. En France, le dispositif

Le dispositif sera
ouvert à tous mais
ciblé en priorité
sur les pays les plus
en difficultés,
comme l’Espagne
et l’Italie.

Les retraites touchées par la crise


Pour réaliser des économies, certaines entreprises
américaines commencent à suspendre le paiement
de leurs cotisations employeur. C’est le cas notamment
de la « SNCF américaine », Amtrak, ou du marchand
de literie Mattress Firm. La chaîne hôtelière Marriott
et les grands magasins Macy’s ont annoncé, eux, différer
les paiements. Près de 20 % des entreprises pourraient
faire de même. Un vrai coup dur pour des salariés dont
les pensions sont déjà fragiles : l’employeur verse environ
35 % du principal plan retraite aux Etats-Unis, le 401 (k).
Les experts estiment que ces mesures devraient entraîner
un allongement de la durée des cotisations. Et certains
salariés pourraient abandonner leur plan retraite.
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