Les Echos - 03.04.2020

(Chris Devlin) #1
26 –LES ECHOS WEEK-END

BUSINESS STORY


ANTHONYFAUCI,LEMÉDECIN


QUI OSE CONTREDIRE TRUMP


était le 20 mars, lors d’une conférence de presse
àlaMaison-Blanche sur la pandémie en cours.
DonaldTrump, quis’apprête àpasser la parole
àMikePompeo, énonce une énièmeboutade.
Il annonce que le secrétaire d’État doit
retourner au State Department (le ministère des
Affaires étrangères), puis se reprend :«ouplutôt
comme je préfèrel’appeler au Deep State
Department ».Nouvelle allusionàcet «État
profond»invisible, cette hiérarchie parallèle
qui selon le président américain cherche à
saper son mandat en freinant l’application de
ses décisions et de ses grandes orientations.
Derrière les deux hommes, hors de leur vue
mais face caméra, AnthonyFauci, le pilier
scientifique de laTask Force coronavirus
montée en janvier dernier,d’ordinaire
impassible, laisse cette fois paraître une
émotion. Il réprime un rire en une fugace
grimace et passe sa main sur son front en
un«facepalm»oùselisent concomitamment
l’embarras, l’incrédulité, et,peut-être, une
forme d’exaspération.L’image devient quasi
immédiatement un mème sur Internet,
notamment surTwitter,oùelle est parexemple
accompagnée du commentaire«Nous sommes
tous AnthonyFauci ».

Unmoment de relâchement de la part
du directeur del’Institut national des allergies
et desmaladies infectieusesest bien
compréhensible. Depuisplusieurs semaines,
il assumeunrôledifficile, sousune pression
énorme, auprèsd’unleader quin’ajamaiseu
peur des approximations,desexagérations,voire
descontre-vérités:ilest l’expert qui doit
expliqueraux Américainscequ’il en estdela
progression du coronavirus,des traitements
envisageables et de la courseauvaccin
–dimanche dernier, il adit attendre entre
100 000et 200000 décès. Cequileconduit
nécessairementàcontredire DonaldTrump.
Ce futànouveaulecas le 20 mars,aprèsque
le président se futenflammé, suiteàuntweet
hâtifd’Elon Musk, lefondateurde Tesla,pour
la chloroquine. Un antipaludique que le docteur
Raoult,en France, présente comme un
traitementefficace, associé àunantibiotique,
contre le Covid-19.«Ilaété administréàdes
patients,il aété observéque celafonctionnait
peut-être.Mais en tantque scientifiques,nous
devons collecterégalementdes données
démontrant qu’il estvraiment efficace et sûr.
Tout médicament présente destoxicités »,adéclaré
le docteurFauci de son immuableton posé,
sansaucunehésitation.
Le 24 février,iladéjà rectifié le tir après que
le présidentavait assuré que«faceàcevirus
très contagieux, la situation est sous contrôle ».
Le 27 février,loin de laisser croire que«levirus
vadisparaître»,comme le garantissait le chef de
l’État, il met en garde :«Lepireest àvenir ».Le
3mars, quand DonaldTrump promet unvaccin
d’ici quelques mois, AnthonyFauciexplique
que cela prendra plus vraisemblablement
dix-huit moisavant d’obtenir unvaccin
«déployable ».Quand on saitl’obséquiosité quia
coursdanslepremier cercle duprésident,on
imaginelaforced’âmedont doit fairepreuvecet
homme de79 anspour toujours en resteraux
faitset àlarigueur de la science. Il nerentre
certes jamaisdans la contradiction frontale, reste
toujours dans lepérimètrede la cordialité.Au
sitePolitico, ilarésumé l’évidence:«Vousne
devezjamaisdétruirevotreproprecrédibilité.
Et vous nevoulez pas entrerenguerreavecun

Le pilier scientifique de la Task Force de la Maison-Blanche
sur le coronavirus ne cesse de rectifier en public les déclarations
erronées du président américain. S’il peut se le permettre,
c’est qu’ilaacquis en cinquante ans de carrière une légitimité
sans faille. Mais il marche sur une corde raide.

ParKarlDeMeyer


Le docteur Anthony
Fauci en août 1990.
Alorsàlatête de
l’Institut national
des allergies
et des maladies
infectieuses, il est
àlapointe de la
lutte contre le sida.
Àdroite:en2016. GEORGE

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