Libération Lundi 23 Mars 2020 u 15
Jean-Paul Mari suit au
jour le jour le combat
d’une équipe médicale
dans un hôpital d’Ile-de-
France.
Nous y sommes. La défer-
lante, comme l’appellent les
médecins ici. Le début d’une
vague énorme. Attendue
dans un, deux,
trois jours au
plus. «On la pré-
voyait, on la voit
venir et on ne peut rien faire
pour l’éviter», dit le profes-
seur Michel (1). L’homme est
solide. Cheveux en bataille et
poches lourdes sous les yeux
qui détonnent avec un re-
gard bleu, précis. Après une
longue carrière d’urgentiste,
peu de choses l’impression-
nent. Mais là... Il regarde les
statistiques : «C’est effrayant.
Les Chinois nous ont prome-
nés sur au moins deux para-
mètres, la contagiosité et la
gravité des symptômes.»
Quelque 700 appels par jour
aux urgences. Plus 20 % d’ad-
missions en réanimation.
Il lui reste 2 lits libres sur 24.
Deux jours au mieux. Après?
Il faudra installer les malades
graves partout où l’on pourra,
façon de gagner quelques
jours sur l’embouteillage. Et
le matériel spécialisé? Et les
soignants qu’on ne forme pas
en deux jours à la science so-
phistiquée de la «réa»? Les
soignants justement. Il y a
ceux qui ont déjà craqué, por-
tés malades, aides-soignan-
tes, infirmières, voire mé-
decins. Déjà avant, le travail
était infernal.
Et il y a ceux qui
sont là, la grande
majorité, prêts à
faire double, triple tâche. Ce
sont les premiers que le pro-
fesseur salue, en arrivant tôt
ce matin. Et il lit l’angoisse
sur leurs visages. Pas de mas-
ques de protection. Ou si peu,
surtout les FFP2, en bec de
canard, plus sûrs, qu’on tient
sous clé comme une denrée
rare.
Le coronavirus flotte dans
l’air infesté des couloirs,
exhalé par les malades qu’ils
manipulent et intubent.
L’équipe demande des mas-
ques au «Prof». Ils sont déjà
pris. A quatre masques par
jour, plus la nuit, il en faut
1 200 quotidiennement. A la
pharmacie, verrouillée, un
stock, réduit. La responsable
a découvert deux caisses,
vidées et soigneusement re-
fermées. Volés. Tant pis. Le
professeur dicte une note de
service. Une autre note,
venue d’en haut, en limite
l’usage aux soignants en
contact direct.
«Ah non, pas lui !» Un coup de
téléphone interrompt la
conférence. Le chef de cardio-
logie a 40° C de fièvre.
Deux jours plus tôt, les trois
médecins du service qui ont
examiné un œdème pulmo-
naire, apparemment classi-
que, ont été contaminés par le
virus. Bilan : plus de service de
cardiologie. Nouveau coup de
téléphone. Une infirmière et
un médecin régulateur, toux
sèche, dyspnée, fièvre de che-
val. Hors d’état. A quoi bon ar-
racher un lit supplémentaire
sans soignants? On apprend la
mort d’un médecin urgentiste
de l’Oise, hospitalisé à Lille.
L’équipe encaisse le choc.
«Je n’ai jamais vu quelque
chose d’aussi contagieux, re-
connaît le professeur.
— De toute façon, nous allons
tous l’avoir, souffle un méde-
cin.
— Bon, ça va. Régulation, ur-
gences, réanimation... On re-
prend tout.»
Jean-Paul Mari
(1) Le nom a été modifié.
«Jamais vu quelque chose
d’aussi contagieux»
Vu de
L’hôpital
DR
Parlement Des élus renfilent la blouse
Quand le service de nuit leur
laisse un peu de répit, les infir-
mières de l’hôpital de Besan-
çon se confient à cette collègue
venue en renfort. Il s’agit d’Em-
manuelle Fontaine-Domeizel
(photo), députée LREM et an-
cienne infirmière libérale
envoyée, pour une semaine,
au service des maladies infec-
tieuses. «Elles me racontent la
dégradation des conditions de
travail, la reconnaissance tardive dans cette crise qui les ré-
vèle», raconte la députée des Alpes-de-Haute-Provence, de
l’hôtel où elle est confinée entre ses services. Début mars, la
députée a écrit au président de l’Assemblée nationale pour
l’informer qu’elle s’était portée volontaire. «Ce n’est pas héroï-
que du tout, juge-t-elle. On ne réfléchit pas quand on est soi-
gnants. Il y a besoin, j’y vais.» Comme elle, ils sont une poi-
gnée de parlementaires, souvent LREM, à avoir remis leur
blouse. Thomas Mesnier (Charente) s’est signalé au directeur
de l’hôpital d’Angoulême où il doit retrouver, lundi, ses mar-
ques de médecin-urgentiste... Stéphanie Rist, rhumatologue,
va, elle, faire de la régulation au Samu d’Orléans. «On a
un mandat, député, et un métier, médecin», rappelle Julien
Borowczyk (Loire). L.Eq. Photo DR
2
C’est le nombre maximal de personnes autori-
sées à participer à un rassemblement dans l’es-
pace public en Allemagne. Et ce pendant «au
moins deux semaines», a annoncé dimanche Angela
Merkel, précisant que ces mesures ne s’appliquent
pas à la sphère familiale. «Une distance minimale
d’un mètre et demi devra être respectée en public»,
a-t-elle ajouté, précisant que les restaurants, sauf
pour les plats à emporter, et les salons de coiffure
seraient fermés. L’Allemagne n’a pas choisi pour le
moment la voie du confinement général. La chan-
celière, âgée de 65 ans, a par ailleurs décidé de se
placer en quarantaine chez elle après avoir été en
contact vendredi avec un médecin testé positif.
Les pays du Moyen-Orient sous l’eau
Plusieurs pays, notamment l’Irak et la Syrie, se débat-
tent avec des intempéries dévastatrices. Les écoles,
des commerces et des bureaux ont dû fermer en Egypte la semaine der-
nière. Les habitants ont été invités à ne pas sortir de chez eux dans cer-
tains quartiers du Caire. Pas à cause du coronavirus mais de pluies torren-
tielles exceptionnelles en cette saison qui ont fait une vingtaine de morts.
Retrouvez chaque dimanche notre chronique «A l’heure arabe» sur la vie
quotidienne, sociale et culturelle dans les pays arabes. Photo AFP
LIBÉ.FR
«Oui, être enfermée avec
son agresseur peut être
un facteur de risque.»
Françoise Brié
présidente
de la Fédération
nationale solidarité
femmes
De nombreux acteurs de terrain engagés auprès des quel-
que 220 000 femmes victimes de violences sexuelles ou phy-
siques chaque année en France craignent que le confine-
ment n’ait des conséquences. «Mardi, les relevés des appels
reçus au 3919 [la ligne d’écoute gérée par la Fédération natio-
nale solidarité femmes, FNSF, ndlr] indiquaient une cen-
taine d’appels, contre environ 400 habituellement. C’est com-
pliqué d’appeler quand on est confinée à domicile avec son
agresseur», alerte Françoise Brié, présidente de la FNSF. La
situation est aussi tendue pour les écoutantes : «Certaines
sont malades, et beaucoup sont en télétravail, parfois avec
des enfants.» A partir de ce lundi, le 3919 sera joignable à des
plages horaires légèrement restreintes : du lundi au samedi
de 9 heures à 19 heures (au lieu de 22 heures). V.B.
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